Quitter un
grand groupe pour reprendre une PME suppose un changement complet d’univers,
parfois déstabilisant et souvent sous-estimé par les repreneurs. Parmi toutes
les différences, passer d’une grande entreprise à une petite structure se
révèle souvent être un choc de culture.
Pascal Ferron,
président de Walter France, et spécialisé depuis 35 ans en reprise
d’entreprises, explique concrètement à quoi le repreneur doit s’attendre.
De nombreux cadres qui
ont fait carrière dans un grand groupe s’imaginent – à tort – qu’ils vont
pouvoir transposer assez facilement, ou de manière similaire, leurs méthodes de
direction à la gestion de la PME qu’ils vont reprendre. Totale illusion ! Le monde
de la PME est très différent, voire même aux antipodes, notamment quant à la
prise de risques et à la manière de manager.
> Quitter le
paquebot pour ramer dans le canot
C’est une évidence : la PME est petite, parfois trop petite. Vous étiez habitué aux processus qui s’enchaînent, aux décisions qui se diluent, aux organigrammes matriciels et complexes en mode « Rubik’s cube », déjà remis en cause alors qu’ils viennent à peine d’être diffusés ? Dans votre PME, vous êtes en prise directe avec tous vos salariés. Plus de filtre, plus d’intermédiaires. L’organigramme ressemble à un râteau, avec des dents plus ou moins longues, parfois un peu biscornu, mais qui signifie que tout le monde se réfère ou aime se référer plus ou moins directement au patron. Vous allez passer d’un monde rigide et structuré à un univers où priment la souplesse, la réactivité, l’agilité et la proximité.
Le
résultat de « mauvaises » décisions revient à la vitesse de l’éclair comme un
boomerang, avec impact direct et immédiat sur le résultat.
Le dirigeant de PME vit
dans l’action : les réunions se font entre deux portes, les cahiers des charges
tiennent sur un post-it et les décisions ont des effets immédiats sur les
résultats, sans aucun parapluie à ouvrir, ni aucun vrai/faux bouc émissaire à
blâmer pour vous dédouaner de vos décisions. Moins de politique, plus
d’efficacité, mais aussi une exigence de polyvalence extrême, qui exige une
excellente gestion du temps et… de son énergie !
> Se défaire de son
costume de cadre dirigeant pour endosser le rôle de Shiva
Pour gérer une petite
structure, le dirigeant de PME doit être polyvalent : bon manager, bon
commercial, bon technicien. A la fois dans la réflexion stratégique et sur le
terrain, les pieds dans le cambouis. Pas pour tout faire lui-même, mais a
minima pour comprendre et suivre le travail de ses équipes. Fini le temps où,
dans un grand groupe, par exemple, ingénieurs et commerciaux se méprisaient
mutuellement en reportant la faute de la non réussite l’un sur l’autre, ou
pouvaient se reposer sur des avis d’experts. Dans une PME, chacun est
indispensable. Vous serez au four et au moulin, et simultanément compétent en
tout, mais pas expert.
Pas de doublons dans
une PME : c’est à vous de pallier les trous dans la raquette. Quand un salarié
est absent, c’est le dirigeant qui prend le relais : il finalise un projet au
bureau d’études, allume les lumières le matin, répond au téléphone après les
heures de bureau, voire il conduit le chariot élévateur quand le cariste est
malade et qu’il faut livrer à temps, où se lève la nuit pour une fausse alarme
que le chat de voisins a déclenchée.
Il vous faudra
également être un gestionnaire rigoureux, un marketeur créatif, un manageur
structuré, un leader enthousiaste… Autant de qualités qu’il n’est pas toujours
possible de réunir seul. D’où la nécessité de s’entourer de compétences
complémentaires, sans exploser le budget bien évidemment. Car, sans cela,
l’aventure s’arrêtera vite.
> Décider seul, agir
vite, et constater les résultats immédiats
Dans une PME, vous êtes
seul. Et la solitude, parfois, cela pèse lourd ! Certes vous avez des conseils,
des managers avec lesquels vous pouvez échanger, mais les décisions, c’est vous
qui les prenez, et vite. Vous n’avez pas de filet de sécurité.
En revanche, vous avez
plein de contreparties très positives !
Terminé les réunions interminables dont il ne sort pas grand-chose, terminé les doublons, terminé les discussions et les négociations à n’en plus finir pour convaincre vos collègues ou votre hiérarchie du
bien-fondé de vos actes ou de vos projets.
Place au règne de l’informel, avec des décisions prises d’un seul coup par
intuition, un seul appel téléphonique qui règle toute une série de problèmes,
etc.
Il vous appartient de
savoir alterner constamment réflexion stratégique et décisions opérationnelles.
Celles-ci, souvent perçues comme mineures, sont en fait importantes car c’est
leur accumulation qui détermine le résultat final, ou pas.
Vous être maître du
jeu. C’est grisant pour certains. Vous prenez des décisions rapidement, vous
avez toute latitude pour qu’elles soient mises en œuvre sans délai.
Et surtout, vous
pourrez constater immédiatement leurs impacts, qu’ils soient positifs ou
parfois plus discutables. Mais, dans ce cas, vous saurez rectifier le tir sans
délai.
Pascal Ferron conclut : « Quand on a bien compris les tenants et les aboutissants et surtout effectué sa révolution intellectuelle, diriger une petite structure a de multiples avantages. Surtout quand on a soif d’indépendance et d’agilité. Le repreneur pourra optimiser sa pleine efficacité, être en prise directe avec son équipe et constater les impacts immédiats de ses décisions. Une aventure entrepreneuriale passionnante dans laquelle vous pouvez vous lancer avec enthousiasme ! »


