Le point de vue de Julien
Chabbal, Président-directeur général d’Alphabet France
La Génération Z, qui
désigne les personnes nées après 1997, arrive progressivement sur le marché du
travail avec des attentes radicalement différentes de celles de ses aînés. En
quête de sens, de flexibilité et de cohérence entre discours et actes, elle redéfinit
les repères des politiques RH sur des aspects autrefois jugés accessoires. Les
solutions de mobilité proposées par l’entreprise, longtemps perçues comme de
simples outils logistiques ou comme un avantage statutaire (lorsque le
collaborateur bénéficie d’un véhicule de fonction), deviennent pour cette
génération un critère de choix, de confiance et d’engagement.
Cette évolution appelle
les entreprises à repenser en profondeur leur rapport à la mobilité de leurs
collaborateurs non plus comme un centre de coûts à optimiser, mais comme un
levier d’attractivité, de marque employeur et de transformation durable. C'est
un changement de paradigme qui exige une lecture plus fine des attentes
sociétales et une capacité à y répondre concrètement.
Une rupture culturelle
dans le rapport à la mobilité
Là où les générations
précédentes associaient volontiers la voiture de fonction à un privilège
reflétant une position statutaire dans l’entreprise, la Génération Z valorise
avant tout l’usage, la souplesse et la pertinence écologique. Elle attend de
son employeur qu’il lui propose des services adaptés à ses besoins réels, à ses
valeurs et à son mode de vie.
Les Millennials, en
valorisant l’usage plutôt que la possession, avaient déjà initié cette
évolution profonde dans la manière d’envisager la mobilité. Mais la Gen Z
pousse cette logique beaucoup plus loin : pour elle, la mobilité doit être
fluide, digitalisée, durable et personnalisable. La dimension servicielle prend
le pas sur la logique d’attribution ; l’autonomie prévaut sur la
standardisation.
Cette attente se
manifeste notamment par un recul marqué de l’attachement à la propriété
automobile, un attrait pour les modes de transport partagés et bas carbone et
une exigence accrue en matière d’expérience utilisateur. Il ne s’agit plus
simplement de se déplacer d’un point A à un point B, mais de pouvoir le faire
de manière fluide, responsable, personnalisée, et si possible depuis une
interface unique, via une application mobile intuitive.
Mobilité et marque
employeur : une convergence stratégique
Dans un contexte où la
concurrence pour attirer et fidéliser les talents se renforce, les entreprises
doivent activer de nouveaux leviers d’attractivité et les solutions de mobilité
en font désormais partie à part entière. Une politique de mobilité cohérente,
innovante et alignée sur les engagements RSE devient un signal fort envoyé aux
jeunes talents. Et dans ce cadre, une flotte décarbonée, des options de
mobilité partagée ou douce, des dispositifs de crédit mobilité ou des outils de
pilotage des émissions incarnent autant de preuves tangibles d’un engagement
authentique. En matière de mobilité comme ailleurs, la Génération Z ne se
contente pas de promesses : elle attend des actes, visibles et mesurables.
Les entreprises qui
prennent cette attente au sérieux envoient un signal fort à leurs futurs
collaborateurs. Elles montrent qu’elles comprennent les priorités de leur
génération et qu’elles sont prêtes à les intégrer dans leur fonctionnement
quotidien. À l’heure où la transparence devient un critère de sélection au même
titre que la rémunération ou les missions confiées, les pratiques de mobilité
sont observées, comparées, et parfois critiquées.
De l’optimisation
logistique à l’expérience collaborateur
Répondre aux attentes
de la Gen Z suppose un changement de paradigme dans la façon de penser la
mobilité : il ne s’agit plus seulement de gérer un parc de véhicules mais
d’offrir un service personnalisé, modulable et inscrit dans une expérience
collaborateur plus large.
Cela implique de donner
le choix, d’intégrer des alternatives à la voiture individuelle, de proposer
des solutions digitales simples et intuitives, et de considérer la mobilité
comme un enjeu transversal à la croisée des ressources humaines, du développement
durable et de la transformation numérique. C'est aussi accepter d’évoluer vers
un modèle serviciel adapté au travail hybride et aux attentes de flexibilité.
Plus qu’un outil de
déplacement, la mobilité devient un vecteur d’expérience, de responsabilité
partagée et de lien entre les collaborateurs et l’entreprise. Elle peut être un
facteur de bien-être, de performance et d’engagement, à condition d’être pensée
comme telle. Cette approche n’est pas une tendance passagère, mais une exigence
durable à laquelle il faut répondre avec des outils concrets, mesurables et
évolutifs.
Une opportunité de
transformation culturelle
En réalité, la mobilité
constitue un excellent révélateur de la capacité d’une organisation à évoluer,
à se remettre en question et à anticiper les aspirations de ses collaborateurs.
En ce sens, elle est bien plus qu’une ligne budgétaire ou un poste logistique :
elle s’impose comme un levier de transformation culturelle.
Celle-ci ne peut être
efficace que si elle s’accompagne d’une démarche sincère, d’une vision de long
terme et d’un alignement entre les valeurs affichées et les solutions mises en
place. La Gen Z agit comme un catalyseur : ses exigences d’aujourd’hui deviendront
les standards de demain. Plus elle accède à des dispositifs de mobilité
cohérents, plus elle les intègre comme normatifs, voire non négociables.
Les entreprises ont
donc tout intérêt à en faire un moteur d’évolution positive. Dans un monde du
travail en recomposition, où les repères bougent vite et où les lignes
hiérarchiques s’atténuent, la manière de penser la mobilité des collaborateurs
en dit long sur la manière de penser le travail, l’autonomie, la responsabilité
et la confiance. C’est en faisant de la mobilité un pilier de leur culture
interne que les organisations pourront faire la différence et construire une
relation durable avec leurs talents.
En redonnant à la
mobilité toute sa place dans leur stratégie RH et RSE, les entreprises ont
toutes les cartes en main pour réconcilier performance économique, attractivité
employeur et impact sociétal. Et surtout, pour créer les conditions d’une
adhésion durable entre les jeunes talents et l’entreprise.


