Le
point de vue de Loïc Michel, CEO de 365Talents
Quel modèle de
diversité et d’inclusion pour les entreprises européennes ? Alors que les
États-Unis, historiquement très proactifs sur ces questions, ont fait un grand
bond en arrière sous l’impulsion de Donald Trump, les entreprises européennes
ont une opportunité unique : celle de réaffirmer un modèle RH où la diversité
n’est pas une obligation légale, mais un levier stratégique porté par une
conviction sociale profonde. Face aux pressions et injonctions venues
d’outre-Atlantique, il ne faut pas céder.
Injonctions américaines
: céder, résister… ou se réinventer ?
La croisade menée par
Donald Trump et son administration face aux politiques de diversité ne se
limite pas aux frontières américaines. Après avoir interdit par décret les
politiques DEI (Diversity, Equity, Inclusion), c’est désormais à l'échelle
globale qu’il fait monter la pression sur ces sujets. En février dernier,
plusieurs entreprises internationales ont reçu une lettre leur demandant de «
clarifier » leur position et d’assurer qu’elles ne mettent pas en œuvre de
programme de DEI, sous peine de voir les contrats les liant avec le
gouvernement américain rompus. Un gros coup dur économique en perspective.
Résultat : SAP, géant de
l’informatique allemand, s’est plié aux exigences étasuniennes, annonçant la
suppression de son objectif d’atteindre 40% de femmes parmi l’ensemble de ses
employés. Véritable recul ou simple gage diplomatique ? Cela soulève plusieurs
questions : à force d’être instrumentalisées, les politiques de diversité et
d'inclusion ne risquent-elles pas de perdre leur sens ? Et comment les
entreprises européennes peuvent-elles résister et faire valoir leur modèle ?
Ce retour en arrière
américain est donc l’occasion pour les RH européens de faire émerger un autre
récit. Une approche moins marketing et normative mais plus systémique. Un
modèle basé sur des valeurs fortes, où la diversité agit comme pilier du
vivre-ensemble et moteur de transformation.
Tenir bon : la force
tranquille du modèle européen
En France, un groupe
comme Orange a publiquement réaffirmé son engagement en faveur de la diversité
en signant pour la première fois un accord unanime pour l’emploi et l’insertion
des personnes en situation de handicap. L’Europe n’est pas sans ressources,
loin de là. Contrairement à l’idée reçue d’un continent en retard sur ces
questions, les RH européens disposent de leviers solides pour résister.
Côté législation, la
directive européenne de transparence salariale, ou Pay Transparency, qui doit
entrer en vigueur le 7 juin 2026, impose aux entreprises plus de transparence
sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, avec des obligations
de publication et des recours possibles pour les salariées. D’autres textes
encadrent déjà la lutte contre les discriminations raciales, religieuses, liées
au handicap ou à l’orientation sexuelle. Ces bases, souvent méconnues, sont de
vrais appuis pour résister aux vents contraires. Elles traduisent une volonté
politique européenne claire.
Que les RH soient
rassurés, la diversité n’est pas une lubie. S’engager en faveur de la diversité
et de l’inclusion est parfaitement légitime, cela répond à des attentes de la
société et à des enjeux économiques. Ce sont de vrais leviers de performance pour
les entreprises, ils renforcent la richesse des décisions et la complémentarité
des compétences.
En témoigne le plus
récent rapport de la série Diversity matters de McKinsey. Selon le cabinet
américain, le lien entre diversité et performance est plus que clair. Les
entreprises dont les équipes dirigeantes comptent une plus grande diversité de
genre ou d’origine ethnique que la moyenne, auraient 39% plus de chances de
surpasser financièrement leurs concurrentes.
La diversité et
l’inclusion par les compétences
Dans un tel contexte où
les politiques de diversité sont mises à rude épreuve, les compétences peuvent
devenir un point de référence. Mieux comprendre ses collaborateurs, savoir qui
sait faire quoi et qui veut faire quoi, c’est le nerf de la guerre pour les RH.
En investissant
pleinement dans le développement des compétences (parcours de carrière, montée
en compétences), les entreprises peuvent créer un modèle réellement inclusif
qui valorise le talent sans distinction d’âge, de sexe, de religion ou
d’origine ethnique.
Ce modèle s’inscrit dans une tradition européenne plus collective, où la diversité ne relève pas seulement d’une stratégie RH, mais d’un projet social soutenu par des politiques publiques. Il répond aussi à des attentes en matière de responsabilité sociétale : CSRD, critères ESG… Loin des effets de mode, et assez forte pour résister aux revirements politiques, c’est une vision de la diversité et de l’inclusion concrète, équitable, pérenne et performante.


