À l’occasion d’une table ronde sur le thème « CPF : d’un dispositif
individuel à une stratégie collective », organisée le 25 juin 2025 par la
Caisse des Dépôts en présence de la DGEFP et d’une quarantaine d’entreprises,
les résultats d’un sondage inédit mené par CPFormation auprès de professionnels
RH, responsables formation et dirigeants ont été publiés.
Objectif : dresser un
instantané des usages du CPF co-construit et des attentes des entreprises face
aux dernières évolutions réglementaires et techniques.
Un dispositif en
transition
Les résultats sont sans
appel : 84 % des répondants se déclarent favorables à un CPF co-construit entre
salarié, entreprise et plateforme. Si certains saluent déjà son intégration
dans leur stratégie RH, la majorité pointe encore des freins administratifs, un
manque d’outillage et de visibilité sur les abondements.
Ce sondage fait écho à
l’étude publiée par la Caisse des Dépôts en juin 2025 sur l’usage des dotations
CPF par les employeurs en 2023, qui soulignait un faible recours à la
co-construction à cette époque.
Mais les lignes bougent : les données de 2023 ne reflètent plus la dynamique actuelle. L’événement du
25 juin et le sondage montrent qu’un point de bascule est atteint, porté par un
nouveau cadre juridique et des fonctionnalités techniques adaptées.
Des entreprises
engagées… mais prudentes
Parmi les 52
répondants, 63% ont déjà cofinancé des formations CPF – soit ponctuellement,
soit régulièrement. Les motivations principales ? Renforcer l’engagement des
collaborateurs (80%), profiter d’un financement partagé (68%), et orienter les
choix vers des compétences clés pour l’entreprise (64%).
Les freins évoqués sont
bien identifiés : complexité technique (72%), manque de clarté sur les règles
(36%) et absence d’outils de pilotage (44%).
Des avancées concrètes
présentées à la conférence
Les représentants
institutionnels ont présenté les réponses apportées par le nouveau cadre :
• Le décret du 14 avril
2025 permet le fléchage obligatoire vers une certification et introduit une
date limite d’utilisation du cofinancement.
• La plateforme EDEF
propose désormais un suivi renforcé des abondements, un espace financeur
ergonomique, et une gestion des remboursements.
Cécile Bertrand, Cheffe
du Pôle CPF à la DGEFP, a rappelé : « Le CPF reste un droit individuel, mais il
peut et doit s’inscrire dans une logique de dialogue social. Le nouveau décret
est une brique pour sécuriser juridiquement le cofinancement co-construit. »
Gwenola Martin, Directrice de la formation professionnelle à la Caisse des Dépôts, ajoute :
« EDEF a été conçue
pour accompagner cette montée en puissance du CPF piloté. Notre enjeu est de
rendre visibles les cofinancements et de les inscrire dans une stratégie RH. »
L’Oréal et Schneider
Electric en exemple
Deux entreprises
pionnières ont partagé leurs bonnes pratiques.
• Pour Schneider
Electric, Nadège Riehl, VP Talent Management & Learning, a détaillé un
dispositif progressif et incitatif :
- un cofinancement à
hauteur de 35% sur une sélection de formations stratégiques (digital, IA,
pédagogie), et 50% pour les formateurs internes et tuteurs voire plus pour ceux
ayant épuisé leur solde cpf
- une prise en charge à
100 % du coût pour les collaborateurs les plus engagés ou ayant épuisé leur
solde CPF,
- et même un
remboursement par l’entreprise en cas de départ pour reconversion, pour « lever
les freins psychologiques à l’utilisation du CPF ».
Ce dispositif proposé
sur le temps de travail est intégré au plan de développement des compétences et
s’appuie sur un catalogue structuré en piliers (Langues, efficacité
professionnelle, digital, pédagogie…).
• Chez L’Oréal,
Christine Colombier, responsable People Developement, a souligné une approche
systémique de la co-construction, reposant sur plusieurs leviers
complémentaires :
- un accompagnement
managérial proactif, pour intégrer les projets CPF dans la construction du
parcours de développement des collaborateurs,
- un rôle actif dans la
sélection des prestataires de formation, à travers une brochure de partenaires
validés,
- un soutien logistique
permettant dans certains cas la mobilisation du CPF sur le temps de travail,
- et une communication
continue auprès des 15 000 collaborateurs en France sur le CPF et l’usage
stratégique de leurs droits.
Pour L’Oréal, la
co-construction ne se résume pas à un cofinancement ponctuel : il s’agit de
créer une dynamique durable et responsabilisante autour du développement des
compétences, alignée avec les besoins de l’entreprise et les aspirations
individuelles.
Vers une stratégie
collective de la formation
Le CPF co-construit
ouvre la voie à un changement de paradigme : d’un dispositif individuel, il
devient un outil de politique RH partagé, au service du développement des
compétences, de l’employabilité et de la performance collective.
« Le CPF co-construit incarne ce que doit être la formation de demain : souple, pilotable, responsabilisante et alignée sur les besoins stratégiques », conclut Guillaume le Dieu de Ville
(co-fondateur de Lingueo), participant à la table ronde.