Résultats du dispositif d’analyse de l’Orse des rapports de durabilité et des perceptions des entreprises.
L’Orse (Observatoire de
la responsabilité sociétale des entreprises) accompagne ses membres dans leurs
stratégies de durabilité depuis 25 ans. Dès 2024, l’Orse a placé la CSRD
(Corporate sustainability reporting directive) au cœur de ses travaux, en rassemblant
plus de 500 participants à 18 ateliers de partage des pratiques CSRD, ainsi
qu’en mettant à disposition une veille sur les actualités règlementaires du
reporting de durabilité.
En complément, à partir
de mars 2025, l’Orse a déployé un dispositif d’études visant à analyser les
rapports de durabilité de la vague 1 selon une grille de critères factuels,
ainsi qu’à recueillir les perceptions et attentes de ses membres, avec un objectif
clair : comment, à partir des retours d’expérience, s’inscrire dans une
démarche de progrès pour concilier impératifs du reporting et conduite des
stratégies de durabilité ?
Un dispositif
d’analyses en deux étapes
1. L’analyse factuelle des rapports de
durabilité de la vague 1 publiés avant le 15 avril 2025
54 rapports de durabilité des sociétés de
la vague 1 analysés. L’Orse a mené une analyse des premiers rapports de
durabilité de 35 sociétés du CAC 40, 13 entreprises membres de l’Orse de la
vague 1, et 6 sociétés européennes. L’analyse, fondée sur 174 critères et 10
thématiques issues des normes ESRS, vise à tirer des enseignements et à
identifier les bonnes pratiques.
2. L’analyse du ressenti et des attentes des
entreprises pour l’avenir de la CSRD
• Une enquête quantitative auprès de 28
entreprises. Un questionnaire a été diffusé auprès des membres de l’association
entre le 10 avril et le 10 juin pour recueillir les perceptions des entreprises
quant à cette première année de mise en œuvre.
• 15 entretiens qualitatifs menés auprès des membres de l’Orse. A partir des résultats de l’analyse des rapports de durabilité et du questionnaire, l’Orse a mené en complément des entretiens qualitatifs pour mettre en lumière des pistes de réflexions pour les années à venir.
Ce dispositif d’analyse
fait l’objet d’un rapport à disposition des membres de l’Orse, illustré par de
nombreux extraits issus des états de durabilité et de verbatims des membres
interrogés.
Les principales
caractéristiques du premier exercice CSRD : le sérieux de rapports de
durabilité qui n’ont fait l’objet d’aucune réserve
L’analyse de
l’échantillon constitué de 54 rapports de durabilité issus d’entreprises de la
vague 1 fait ressortir les points suivants :
1. Des états de durabilité des sociétés françaises
plus volumineux (152 pages) par rapport à leurs voisins européens (121 pages),
et 69 % plus volumineux en comparaison du chapitre ESG 2023.
2. 8 ESRS sont matériels en moyenne au sein de
l’échantillon de 54 sociétés. 28 sociétés ont rendu compte d’au moins un enjeu
spécifique. Les ESRS E1 sur le changement climatique, S1 sur les effectifs de
l’entreprise, et G1 sur la conduite des affaires ont systématiquement été
évalués comme matériels.
3. L’analyse de double matérialité se donne à lire
de manière différente d’une entreprise à l’autre. Elle a fait l’objet de
consultation des parties prenantes pour la majorité des entreprises
étudiées.
4. 46 sociétés disposent d’un plan de transition
climatique (sur 49 analysées). Certaines entreprises, françaises et
européennes, font des plans de transition climatique un pilier de leur
stratégie. Climat et biodiversité s’intègrent peu à peu dans les plans
d’actions.
5. 8 sociétés françaises ont présenté leur rapport de
durabilité au CSE (Comité social et économique) à la date de publication, sur
42 sociétés ayant communiqué l’information. Pour les 34 restantes, la date de
présentation est soit déjà prévue, soit se tiendra courant 2025.
6. Aucun rapport analysé n’a reçu de réserve. En moyenne, deux
observations par entreprise ont été formulées, uniquement pour les sociétés
françaises. Les rapports européens n’ont fait l’objet d’aucune remarque. Les
observations concernent surtout des points méthodologiques.
7. Les honoraires d’audit de durabilité représentent en moyenne
9 % des honoraires d’audit total.
La mise en œuvre de la
CSRD : de nombreuses difficultés perçues, mais la reconnaissance de bénéfices
internes indéniables.
Interrogées sur la
manière dont elles ont vécu le premier exercice CSRD, les entreprises font état
d’un certain nombre de difficultés de mise en œuvre, qui renvoient à des excès
de formalisme, inhérents aux standards eux-mêmes ainsi qu’à l’exercice d’audit.
• Près des trois quarts (75%) des membres de
l’Orse répondant au questionnaire ont perçu la CSRD difficile à mettre en
œuvre. Un quart a jugé l'exercice plutôt facile.
• L’audit de durabilité a été vécu comme une
expérience complexe en cette première année. Cependant, 68% des entreprises
répondantes sont satisfaites ou très satisfaites de l’accompagnement de leur
auditeur de durabilité.
• Le formalisme des standards leur a fait
perdre de vue l’essentiel, et induit des redondances dans la rédaction. Les
entreprises dotées de stratégies de durabilité solides et organisées ont été
contraintes de déconstruire les structures de leurs plans d’action pour les
faire entrer dans les standards, une contrainte vécue comme stérile et
inopérante.
• Le contexte réglementaire incertain a
compliqué la mise en œuvre. Les annonces Omnibus divisent : 53% les jugent
satisfaisantes, 47% non.
Dans le même temps, les entreprises reconnaissent que l’exercice CSRD a induit des bénéfices internes indéniables.
• 86% estiment que la CSRD a
permis de mobiliser leur gouvernance sur les enjeux ESG.
• 82% considèrent que la CSRD a renforcé la
collaboration entre fonctions et/ou départements.
• L’analyse de double matérialité et l’ESRS 2
aident à structurer les politiques et à identifier les axes de progrès :
- - 82% des répondants affirment que l’exercice CSRD a permis de
questionner la crédibilité et la robustesse de leurs plans d’actions, cibles et
objectifs.
- - 59% ont estimé que la CSRD avait permis d’apporter des
éclairages stratégiques.
- - 65% considèrent que la mise en œuvre de la CSRD a été un
facteur de progrès pour la RSE au sein de leur entreprise.
Des attentes en matière
de pragmatisme et d’allègement pour faire de la CSRD un outil au service des
stratégies de durabilité
Les entretiens qualitatifs auprès des entreprises membres de l’ORSE font ressortir un consensus sur l’objectif d’aligner les données de durabilité au même niveau d’exigence que les données financières.
Mais pour cela, elles plaident pour de
fortes améliorations qui se structurent autour de :
• La progressivité : elle est clé pour
permettre à chacun de s’approprier la CSRD, sans en dénaturer l’esprit. Elle
vise la possibilité de reporter sur certains ESRS de manière volontaire sur une
période donnée, mais également de faire état des progrès de l’entreprise pour atteindre
les objectifs fixés, en explicitant notamment les politiques d’innovation.
• Un formalisme limité aux indicateurs
et à la structure thématique pour un repérage aisé. Il s’agit d’assurer une liberté dans la
présentation des politiques et des plans d’actions au sein de chaque enjeu
matériel selon la manière dont chaque entreprise l’aborde en interne.
• La révision du processus d’audit :
à l’échelle européenne, les futures lignes directrices doivent privilégier
l’esprit de la CSRD plutôt que la seule conformité. Des points réguliers
(toutes les 1 à 2 semaines) en période d’audit, et un binôme auditeur financier
/ expert ESG sont aussi essentiels.
Les attentes des
entreprises de l’ORSE, telles qu’elles ressortent du dispositif d’analyse font
écho aux propositions de l’AFG : préserver la portée extra-territoriale de la
CSRD, maintenir la double matérialité et alléger les exigences du reporting.
L’enjeu : fournir aux investisseurs l’essentiel, sans surcharger les
entreprises.
Hélène Valade, Présidente de l’ORSE déclare en conclusion : « Un premier exercice est toujours difficile, et ce que l’on vit avec la CSRD n’est pas sans rappeler 2001 avec la loi NRE, la première sur le reporting extra-financier. Bien sûr, amélioration de la CSRD et allègement sont nécessaires, dès lors qu’ils sont fondés sur une analyse réelle des retours d’expérience et des besoins des entreprises comme des investisseurs. Il faut sortir de la confusion actuelle : la CSRD n’est pas une fin en soi. C’est un outil au service des stratégies de durabilité, qui sont des actifs essentiels de la compétitivité des entreprises européennes. »