L'analyse de Sandrine Deblais, associée chez Alenium, cabinet
de conseil de Klee Group.
La réforme du
financement de l’apprentissage, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2025,
vise à recentrer l’effort public sur les secteurs en tension tout en encadrant
une dépense devenue massive. En 2023, la formation professionnelle représentait
55 milliards d’euros, soit près de 2% du PIB, financée à peu de choses près à
parts égales entre entreprises et fonds publics. L’apprentissage en mobilise à
lui seul près de 15 milliards d’euros.
Face à cette dynamique, l’objectif est aujourd’hui de mieux répartir les ressources : plafonnement des aides à 12 000 euros par contrat, contribution minimale obligatoire des entreprises à hauteur de
750 euros pour les niveaux 6 et 7, consultation renforcée
des branches professionnelles pour l’allocation d’une part des financements,
diminution des financements pour les formations à distance et lutte active
contre les fraudes.
Le renforcement des
contrôles de qualité constitue un autre pilier de la réforme, avec une montée
en puissance des contrôleurs dès 2025. Il s’inscrit dans la continuité de la
certification Qualiopi, obligatoire depuis 2022 pour accéder aux financements publics,
qui garantit la conformité des organismes de formation à un référentiel
national exigeant en matière de pédagogie, d’encadrement et de suivi.
« Cette réforme marque
un tournant salutaire. Elle met fin à une logique de guichet ouvert pour
instaurer une gestion plus responsable et plus alignée sur les besoins réels du
marché de l’emploi. Le fait d’impliquer davantage les branches et de renforcer
les contrôles est une manière concrète de redonner de la valeur à
l’investissement public. Dans un contexte où les ressources de l’État sont
contraintes, ce retour à la rigueur est une opportunité pour bâtir un modèle
plus durable. C’est aussi un signal fort envoyé aux acteurs de terrain : il ne
s’agit plus simplement de former plus, mais de former mieux, en ciblant les
bonnes compétences, au bon endroit. Cela implique une vraie montée en
compétences de tous les maillons du système, notamment les OPCO, qui devront
conjuguer accompagnement, pilotage et contrôle », analyse Sandrine
Deblais.
Le texte n’intègre pas
encore de volet technologique, mais certains acteurs évoquent déjà le potentiel
de l’intelligence artificielle pour automatiser certaines tâches
administratives. Reste la question de la gestion des données sensibles et du
respect de l’IA Act, qui pourrait concerner certaines initiatives.
Enfin, cette réforme ne sera sans doute pas la dernière. Dans un écosystème aussi mouvant que celui de la formation professionnelle, les ajustements sont permanents. Mais elle amorce une inflexion forte : celle d’un financement plus sélectif, plus stratégique, et mieux connecté aux réalités du terrain.