Alors que l’Europe vient de connaître le mois de mars le plus chaud jamais enregistré et le monde, son second mois d’avril le plus chaud jamais mesuré, la finance climatique devrait être un levier majeur de solidarité internationale face à l’urgence environnementale. Pourtant, elle reflète aujourd’hui les logiques de pouvoir plus que celles de la justice climatique.
Tel est le constat
dressé par David Dosso, docteur en sciences économiques à l’ESLSCA Business
School, spécialiste des problématiques liées au changement climatique et à la
finance durable.
Dans une récente étude
portant sur 140 pays récipiendaires et 30 pays donateurs entre 2000 et 2021,
co-signée avec Francisco Serranito (Université Paris Nanterre) et Imen
Ghattassi (Université Sorbonne Paris Nord), l’expert révèle un paradoxe
saisissant : les pays les plus vulnérables au changement climatique ne sont pas
ceux qui reçoivent le plus d’aides climatiques bilatérales. En réalité, la
répartition des financements reste fortement influencée par les intérêts
économiques et politiques des pays donateurs — proximité géographique, liens
commerciaux ou héritages coloniaux.
Un déséquilibre dénoncé
depuis plus d’une décennie
Depuis l’engagement
pris à la COP 15 de Copenhague, renouvelé lors de la COP21 à Paris, les pays
développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu’en
2025. Un nouvel objectif a été fixé à 300 milliards par an d’ici 2035. Mais au-delà
des montants annoncés, c’est la destination des fonds qui interroge. Selon
David Dosso, près de 70% des financements bilatéraux prennent la forme de
prêts, parfois assortis de conditions strictes, au lieu de subventions
véritablement solidaires.
Vers une finance
climatique plus juste ?
Pour espérer un
rééquilibrage, David Dosso propose plusieurs pistes :
• Utiliser des classements harmonisés des pays
les plus vulnérables pour guider les choix d’investissement.
• Encourager les pays bénéficiaires à renforcer
leur gouvernance et leur transparence, pour rassurer les bailleurs de fonds.
• Créer un fonds climatique international
impartial, indépendant des enjeux politiques nationaux - un pas amorcé
timidement avec le fonds « pertes et préjudices » piloté provisoirement par la
Banque mondiale.
Et la rentabilité dans
tout ça ?
Peut-on concilier justice climatique et intérêts financiers ? « Oui, à condition de revoir nos modèles d’investissement », indique David Dosso. Il cite notamment l’exemple du fonds souverain norvégien, qui soutient des projets d’énergies renouvelables en Afrique ou en Asie tout en générant des rendements durables. Un marché du carbone plus robuste et plus transparent pourrait aussi jouer un rôle clé.