À quelques jours de la COP30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre 2025 à Bélem (Brésil), la question du financement du climat cristallise déjà les tensions. Le dernier rapport d’Oxfam, publié en octobre, vient renforcer ces inquiétudes en révélant que les chiffres avancés par les pays développés sont largement surestimés.
Selon l’ONG, seulement un tiers des financements climatiques déclarés correspondraient à de véritables aides, soit une valeur réelle estimée entre 28 et 35 milliards de dollars en 2022, bien loin des 116 milliards affichés. Oxfam dénonce également une répartition très inégale : les pays les moins avancés, pourtant les plus exposés aux effets du réchauffement, ne reçoivent qu’environ 19,5% des financements climatiques publics.
Pour David Dosso,
docteur en sciences économiques à l’ESLSCA Business School et spécialiste des
problématiques liées au changement climatique et à la finance durable : « La finance
climatique reflète aujourd’hui les logiques de pouvoir plus que celles de la
justice climatique. »
Dans une étude portant sur 140 pays récipiendaires et 30 pays donateurs entre 2000 et 2021,
co-signée
avec Francisco Serranito (Paris Nanterre) et Imen Ghattassi (Sorbonne Paris
Nord), l’expert révèle un paradoxe saisissant :
• Les pays les plus
vulnérables au changement climatique ne sont pas ceux qui reçoivent le plus
d’aides climatiques bilatérales.
• La répartition des
financements reste fortement influencée par les intérêts économiques et
politiques des pays donateurs : proximité géographique, liens commerciaux ou
héritages coloniaux.
Un déséquilibre dénoncé
depuis plus d’une décennie
Depuis l’engagement
pris à la COP15 de Copenhague, renouvelé lors de la COP21 à Paris, les pays
développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu’en
2025. Un nouvel objectif a été fixé à 300 milliards par an d’ici 2035. Mais au-delà
des montants annoncés, c’est la destination des fonds qui interroge. Selon
David Dosso : « près de 70% des financements bilatéraux prennent la
forme de prêts, parfois assortis de conditions strictes, au lieu de subventions
véritablement solidaires. »
Vers une finance
climatique plus juste ?
Pour espérer un
rééquilibrage, David Dosso avance plusieurs pistes :
• Utiliser des classements harmonisés des pays
les plus vulnérables pour guider les choix d’investissement.
• Encourager la transparence et la gouvernance
locale pour renforcer la confiance entre bailleurs et bénéficiaires
• Créer un fonds climatique international
impartial, indépendant des enjeux politiques nationaux, à l’image du fonds «
pertes et préjudices » amorcé en 2023 et piloté provisoirement par la Banque
mondiale
Et la rentabilité dans
tout ça ?
Peut-on concilier justice climatique et intérêts financiers ? « Oui, à condition de revoir nos modèles d’investissement », indique David Dosso. Il cite notamment l’exemple du fonds souverain norvégien, qui soutient des projets d’énergies renouvelables en Afrique et en Asie tout en générant des rendements durables.
Un marché du carbone plus robuste et plus transparent pourrait également contribuer à cet équilibre entre rentabilité et responsabilité.


