L’analyse
d’Álvaro Vega, Regional Manager France, Espagne, Italie et Amérique Latine de PlanRadar
Selon McKinsey, le
secteur de la construction est confronté à une grave pénurie de main-d’œuvre
qui menace la productivité, les délais des projets et la croissance économique.
À l’échelle mondiale, la stagnation de la productivité et la croissance lente
ou négative de la main-d’œuvre pourraient entraîner un manque à gagner de 40
000 milliards de dollars pour le secteur de la construction d’ici à 2040. Cette
pénurie menace non seulement la croissance du secteur, mais aussi le
développement économique mondial et la capacité à répondre aux besoins
sociétaux essentiels tels que l’accessibilité au logement et aux
infrastructures.
Autopsie d’une
industrie à sauver
La crise de l'emploi
dans le secteur de la construction n'est pas le résultat d'un unique problème,
mais de plusieurs combinés. Au cœur du problème se trouve une rupture
générationnelle : selon les données récentes de l'enquête PlanRadar Global
Housebuilders Survey, qui a interrogé 669 constructeurs de maisons dans 17
pays, 63% des personnes interrogées déclarent que le secteur n'est tout
simplement plus attrayant pour les jeunes. Le soutien étatique aux
apprentissages ayant diminué, couplé à une baisse du nombre de nouveaux
candidats dans le secteur de la construction, cela créé un vide que les
systèmes actuels ne sont pas en mesure de combler.
Il convient de noter
que, la séniorisation des profils expérimentés et leur non-remplacement
équivalent (système de mentorat, passation des savoirs…) représente une
problématique de taille, en particulier les PME. 20% des entreprises
interrogées font état d'une main-d'œuvre vieillissante et ne disposent pas
d'une relève à l’heure actuelle. Souvent, les entreprises ne s’en rendent
compte qu’une fois le collaborateur parti à la retraite. C’est déjà trop tard.
Enfin, dans de nombreux
pays, certains professionnels (5% des constructeurs de logements) estiment que
les politiques migratoires restrictives restreignent l’accès à l’emploi de
certains profils et talents qualifiés. Dans les secteurs où les sous-traitants
internationaux sont courants, ces politiques limitent la flexibilité à un
moment où chaque travailleur disponible compte.
Les explications diffèrent selon les pays, les marchés, les cultures. Concernant la France, ils sont près de 60% à expliquer la pénurie de talents par le manque d’apprentis et de jeunes collaborateurs de même qu’environ 25% l’imputent à la séniorisation.
Devant ces constats, il
n'y a pas de solution unique pour résoudre le problème. Le secteur doit
travailler sur plusieurs fronts : renforcer son attrait pour les nouvelles
générations, retenir plus longtemps les travailleurs expérimentés et faciliter
l'intégration des talents internationaux. Car si rien ne change, la pénurie ne
fera que s'aggraver.
Actions immédiates et
stratégies à long terme
Quand on sait que 75%
des entreprises de construction indiquent que la pénurie de main-d'œuvre a un
impact négatif sur leurs délais, on saisit l’ampleur du problème. En France, ce
chiffre atteint 87%. Avec une demande croissante et des délais de plus en plus
serrés, le défi n'est plus seulement de faire plus, mais aussi de faire plus
avec moins de personnel.
La première solution
est à moyen/long-terme. Elle consiste en une profonde refonte de l’attractivité
des métiers de la construction, également créer de nouvelles filières de
formation. Il s’agit d’attirer les jeunes talents, de donner envie, de montrer
les belles réalisations et carrières de ces professions. Cela va prendre du
temps, mais ce correctif est plus que nécessaire pour la survie de la filière.
Au lieu d’attendre, il faut agir pour compenser le manque de main d’œuvre.
La digitalisation ne se
contente pas de répondre à la pénurie de main-d'œuvre à court terme, elle
redéfinit le mode de fonctionnement du secteur de la construction. Instaurant
un socle solide pour se développer et intégrer les jeunes talents, coutumiers de
l’usage de ces technologies. Les plateformes de gestion de projet rationalisent
la communication et réduisent le temps perdu en coordination. L'efficacité
devient le moteur qui fait avancer les choses.
Il ne s'agit pas de
travailler plus dur, mais de travailler plus efficacement. Lorsque les équipes
sont coordonnées, que l'information circule et que le reporting n'est plus une
perte de temps, les entreprises peuvent prendre en charge davantage de projets
et s'adapter durablement. Même les petits gains d'efficacité au quotidien
s'accumulent rapidement dans un environnement où chaque heure et chaque
décision comptent.
Et peut-être plus
important encore, les méthodes de travail numériques rapprochent la
construction des attentes de la prochaine génération de professionnels. Si la
filière veut attirer de nouveaux talents, il faut proposer des outils modernes,
des processus plus clairs et des rôles qui consistent moins à rechercher des
mises à jour qu'à résoudre des problèmes.
Les pénuries de main-d'œuvre ne sont pas près de disparaître. Mais si l'on adopte la bonne approche, l'industrie n'est pas obligée de rester immobile. En améliorant notre façon de travailler aujourd'hui, la résilience pour demain est renforcée et la capacité à croître libérée, même dans un marché en tension.