• L’UE a accordé plus de 7 Mrds€ à des ONG entre
2021 et 2023 dans le cadre de ses politiques internes.
• Les informations sur
ces financements sont fragmentées et peu fiables.
• Les activités de
lobbying et de sensibilisation des ONG ne sont pas clairement affichées.
Les financements
accordés par l’UE à des organisations non gouvernementales (ONG) manquent de
transparence. Tel est le constat dressé par la Cour des comptes européenne dans
un nouveau rapport. S’il y a du mieux, l’information sur les financements
européens des ONG actives dans les politiques internes des Vingt-Sept reste
imprécise et incomplète. La Commission européenne n’a pas correctement divulgué
certaines activités de sensibilisation financées, telles que du lobbying. De
plus, l’absence de vérification active du respect des valeurs européennes par
les ONG bénéficiaires risque d’entacher la réputation de l’UE.
Les ONG et d’autres
organisations de la société civile permettent aux citoyens de participer à
l’élaboration démocratique des politiques européennes grâce à un dialogue
permanent, qui doit être transparent. Les décideurs publics sont tenus de
rendre des comptes, et les citoyens doivent savoir à qui et dans quel but des
fonds de l’UE sont octroyés, mais aussi comment ils sont utilisés et si leurs
destinataires respectent les valeurs de l’Union. L’intérêt du public pour le
renforcement des exigences de transparence imposées aux ONG s’est d’ailleurs
accru depuis le scandale du « Qatargate » en 2022.
« La transparence est
indispensable à la participation crédible des ONG à l’élaboration des
politiques de l’UE,
a déclaré Laima Andrikienė, la Membre de la Cour des comptes européenne
responsable du rapport. Si le constat s’est quelque peu amélioré depuis
notre dernier audit, la situation reste floue, les informations sur les
financements accordés par l’UE à des ONG, notamment sur le lobbying, n’étant ni
fiables ni transparentes. »
De 2021 à 2023, les ONG
ont reçu 7,4 milliards d’euros (4,8 de la Commission européenne et 2,6 des
États membres) dans le cadre des principales politiques internes de l’UE,
notamment les politiques de cohésion, de recherche, de migration et
d’environnement. Il ne faut toutefois pas prendre ces chiffres pour argent
comptant, avertissent les auditeurs de l’UE, car il n’existe aucune vue
d’ensemble fiable des dépenses européennes en faveur d’ONG.
Les informations
sont publiées de façon fragmentée, ce qui nuit à la transparence et empêche
d’analyser si les fonds de l’UE sont excessivement concentrés dans un petit
nombre d’ONG et de cerner correctement le rôle joué par ces organisations dans
les politiques de l’UE.
La Commission
européenne collecte certes davantage d’informations sur les financements
accordés par l’UE à des ONG, mais leur divulgation n’est toujours pas optimale.
En outre, les États membres n’assurent pas de suivi et ne rendent pas compte de
ces financements, et les améliorations réglementaires attendues ne leur
imposeront pas de faire état des paiements.
La définition du terme « ONG » varie d’un pays de l’UE à l’autre et est rarement inscrite dans la législation nationale. En 2024, l’UE a défini, en substance, une ONG comme étant une organisation sans but lucratif, indépendante des pouvoirs publics. Cette définition marque une avancée, mais ne saurait à elle seule assurer une classification correcte des ONG dans le système de transparence financière de l’Union.
En effet, les entités déclarent sur l’honneur si elles sont des ONG,
et la Commission européenne ne vérifie pas d’importants aspects de leur statut
(par exemple, si des pouvoirs publics exercent une grande influence sur leurs
instances dirigeantes ou si elles servent les intérêts commerciaux de leurs
associés). Un important institut de recherche a ainsi été enregistré en tant qu’ONG
alors que son instance dirigeante était exclusivement composée de représentants
des pouvoirs publics.
La Commission
européenne n’a pas clairement divulgué ses informations sur les activités de
sensibilisation réalisées par des ONG et financées au moyen de subventions de
l’UE. Par ailleurs, ce n’est que pendant le déroulement de cet audit de la Cour
des comptes européenne qu’elle a publié une orientation indiquant que les
conventions de subvention ne devraient pas imposer aux destinataires d’exercer
des activités de lobbying auprès des institutions européennes. De plus, les
gestionnaires de fonds de l’UE ne recherchent pas de façon proactive les
violations potentielles, par des ONG, des valeurs de l’Union telles que l’état
de droit et les droits de l’homme, mais se contentent essentiellement de
déclarations sur l’honneur. Des vérifications sur les sources de financement
font aussi défaut, alors qu’elles pourraient donner des informations utiles sur
les personnes qui se trouvent derrière les ONG.
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Informations générales
Le budget de l’UE
permet de financer des activités réalisées aussi bien par des ONG que par
d’autres types d’entités. Les ONG sont très diverses de par leur taille ou leur
domaine d’activité (par exemple l’inclusion sociale, la protection de
l’environnement et la recherche). Elles peuvent recevoir des subventions de
l’UE pour mettre en œuvre un projet, comme tout autre destinataire, ou,
simplement parce qu’elles ont ce statut, pour couvrir une partie de leurs coûts
de fonctionnement. Plus de 12 000 ONG ont reçu des subventions de l’UE entre
2021 et 2023. Au cours de la dernière décennie, une grande partie des
financements accordés directement par la Commission européenne à des ONG ont
été versés à un petit nombre d’entre elles.
L’audit a consisté à examiner des programmes de l’UE tels que le Fonds social européen plus, Horizon Europe, le FAMI et LIFE, ainsi que la situation dans différents États membres. Nous l’avons réalisé à la suite de l’invitation faite par le Parlement européen à renforcer la transparence des financements octroyés par l’UE, y compris à des ONG, et en raison du rôle important joué par celles-ci dans l’élaboration démocratique des politiques. La publication de ce rapport intervient dans le contexte du récent regain d’intérêt du public et du monde politique pour les financements accordés par l’UE à ces organisations.