Le
point de vue de Cyril Ferey, operating partner chez I&S Adviser.
Dans le contexte économique incertain de 2025, l’operating partner devient un maillon essentiel des transactions M&A. Jadis intervenant ponctuel, il est de plus en plus fréquemment sollicité, en étant impliqué aux différentes étapes : analyse stratégique, structuration financière (IBR), audit opérationnel (OBR) et intégration post-acquisition pour maximiser les synergies.
En dépit
d’annonces sur une reprise des fusions-acquisitions (M&A) en 2025, le
marché évolue dans un environnement incertain et imprévisible, marqué par une
inflation persistante, la hausse des taux d’intérêt et des tensions
géopolitiques. La crise énergétique en Allemagne et en France accélère les
consolidations industrielles, tandis que le durcissement des réglementations
ESG impose des due diligences plus rigoureuses.
Quatre
grandes tendances dominent cette reprise : la poursuite des build-up
(consolidation par rachat), notamment dans le secteur technologique et
industriel ; l’essor des carve-out (cession d’actifs non stratégiques) pour
rationaliser les portefeuilles d’activités ; une dynamique soutenue des LBO
(Leveraged Buy-Out) malgré des conditions de financement plus exigeantes ; et
une multiplication des stratégies d’adossement permettant à des entreprises de
s’intégrer à des groupes plus solides pour sécuriser leur croissance et
améliorer leur compétitivité.
Le
marché M&A en 2025, entre consolidation et opportunités stratégiques
La tech
et le digital dominent toujours les M&A, avec des acquisitions ciblées en
IA et cybersécurité, comme le potentiel rapprochement entre HarfangLab et
Thales. La santé poursuit sa consolidation, illustrée par le rachat de Seagen
par Pfizer dans les biotechnologies. Enfin, le private equity s’oriente de plus
en plus vers des investissements dans les énergies renouvelables et l’industrie
décarbonée, dans un contexte de pression réglementaire accrue sur les enjeux
ESG.
Dans le
secteur automobile, la transition vers l’électrification continue de redessiner
les stratégies industrielles. En 2025, les fusions et acquisitions se
concentrent sur le développement de technologies plus efficientes et sur la
maîtrise de la chaîne de valeur des composants électriques. Un exemple marquant
est la décision de Valeo de racheter pour 277 millions d’euros les parts de
Siemens dans leur coentreprise Valeo Siemens eAutomotive, spécialisée dans les
moteurs électriques haute tension. Ce rachat stratégique permet à Valeo de
prendre le contrôle total de cette activité clé et de renforcer sa position sur
le marché de l’électrification des véhicules. Dans la foulée, l’équipementier
français a annoncé un partenariat avec Renault pour développer un moteur de
nouvelle génération sans terres rares, illustrant une volonté d’innovation et
de souveraineté industrielle face aux défis d’approvisionnement en matériaux
stratégiques.
Le
nouveau levier utilisé pour maximiser la valeur des opérations M&A :
l’operating partner
Pour
réussir ces opérations et atteindre les objectifs visés, les acteurs du M&A
jouent sur un nouveau levier : l’operating partner. En apportant une expertise
opérationnelle, il sécurise ses transactions et maximiser l’impact des
opérations réalisées. Son intervention contribue à une intégration fluide, à
une optimisation des coûts et à une anticipation des risques opérationnels, ce
qui accélère la mise en œuvre du plan stratégique et sécurise la création de
valeur post-acquisition.
Une
fusion-acquisition n’est en effet pas uniquement une opération financière et
juridique. Elle doit servir la vision du dirigeant et de ses partenaires et
crée de la valeur mesurable à moyen terme. Il ne suffit pas d’être un tacticien
de la vente ou du rachat, il faut aussi avoir une vision business et
managériale.
À
l’inverse, ne pas s’appuyer sur un operating partner est de plus en plus
considéré comme s’exposer à des risques accrus d’échec d’intégration, de
mauvais alignement stratégique et de baisse de performance financière et
opérationnelle. Dans de nombreux cas, le projet ne crée pas de richesse, ni
pour l’entreprise (sous-valorisation, ralentissement de la croissance, absence
de retour sur investissement, perte de chiffre d’affaires, etc.), ni pour les
collaborateurs (désengagement des collaborateurs qui est responsable de 30% des
coûts cachés des fusions-acquisitions, départs en masse, destruction d’emplois,
etc.).
Éviter
ces écueils suppose que les fonds d’investissement, les CEOs ou les boutiques
M&A impliquent l’operating partner dès la phase de ciblage, en adaptant son
rôle et son mandat (mission ponctuelle, accompagnement en advisory) aux
besoins. C’est ce qui explique que, de plus en plus, un operating partner soit
mobilisé à chaque étape du M&A : de l’analyse stratégique à l’intégration
post-acquisition en passant par la structuration financière (IBR) et audit
opérationnel (OBR).
Dans ce
cadre, il va aider à compléter la vision comptable de l’entreprise (bilan,
résultat d’exploitation, marge et valeur comptable) avec ce qui relève de son
organisation (services, implantations, etc.) et de ses processus opérationnels.
Il peut aussi explorer des moyens de rendre les collaborateurs acteurs du
projet : en analysant et en valorisant les expertise et savoir-faire
intéressants dans la nouvelle configuration, en réfléchissant à la façon de
contribuer à l’intégration des 2 entités, en servant la dynamique d’innovation
et de réinvention de l’entreprise, etc.
Pour les décideurs impliqués dans des fusions-acquisitions, intégrer un operating partner dès la phase de réflexion stratégique n’est donc plus un luxe, mais une nécessité. Son implication permettra d’éviter les écueils courants et d’ancrer la croissance de l’entreprise dans le long terme.