Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises ne recrutent plus de
collaborateurs, mais composent des équipes avec des freelances, des consultants
et des experts en temps partagé. Ce n’est plus une tendance : c’est un
basculement.
Faute de compétences
disponibles sur le marché du travail, ou par volonté d’agilité, les entreprises
construisent leurs équipes autrement. Et ce changement transforme en profondeur
les pratiques RH, les attentes des managers, et l’expérience collaborateur
telle qu’on la connaissait jusqu’ici.
Une véritable mutation
de la composition des équipes
Le CDI n’est plus le
socle unique de la collaboration. Aujourd’hui, dans de nombreuses PME et ETI,
les équipes sont composées de profils internes et externes : indépendants,
missions ponctuelles, temps partagé. Des collaborateurs externes qui ont tout
pour plaire : ils sont très engagés, faciles à trouver, ils sont flexibles et
ils coûtent moins cher à l’entreprise qu’un salaire fixe de salarié. Résultat :
le modèle historique de l’équipe salariée unique est en train de disparaître. « Nous
voyons affluer les demandes de PME et d’ETI pour les aider à structurer un
parcours pour les collaborateurs externes : onboarding freelance, rôles et
responsabilités, intégration dans les temps collectifs. C’est un virage
important : l’expérience collaborateur ne concerne plus uniquement les salariés »,
explique Claire Baruffi, fondatrice de Megabar.
Une nouvelle expérience
collaborateur à inventer
Les entreprises qui
avaient développé un arsenal d’outils pour l’expérience salarié doivent
aujourd’hui l’adapter à des profils externes. Quels rituels inclure ? Quel
accès à l’information ? Quelle reconnaissance accorder à ceux qui ne sont ni en
CDI ni dans l’organigramme officiel, mais qui travaillent au quotidien avec les
équipes ? Les enjeux sont nombreux : cohésion, engagement, alignement
culturel... mais aussi risques légaux, à commencer par celui du salariat
déguisé. En 2023, plus d'une entreprise sur deux déclarait avoir dû réajuster
ses pratiques internes pour mieux intégrer les freelances et prestataires dans
les parcours de collaboration quotidiens.
Autre risque : le
court-circuitage des RH par des managers opérationnels, pressés de trouver
une compétence rapidement et qui contournent les process internes. « Plusieurs
DRH que j'accompagne m'ont rapporté que des managers, sous pression
opérationnelle, prenaient l'initiative de faire appel à une compétence externe
sans en informer leur service RH. Le recrutement interne est perçu comme trop
long, alors les décisions se prennent ailleurs, en mode réactif. Cela passe
sous les radars, et beaucoup de DRH se sentent impuissants », poursuit
Claire Baruffi.
Des managers désarmés
face aux équipes hybrides
Diriger une équipe
hybride demande une posture nouvelle : pilotage à distance, coordination de
statuts variés, gestion de la reconnaissance... Or, selon une étude BCG de
2024, 65% des managers en France se disent insuffisamment préparés à encadrer
des profils mixtes (salariés + externes).
« Nous accompagnons
actuellement une ETI dans la formation de son CODIR et de ses managers à la
gestion des collectifs hybrides. La difficulté n’est pas technique, mais
culturelle : comment créer un esprit d’équipe quand tout le monde n’a pas le
même contrat ni les mêmes repères ? Comment fidéliser les collaborateurs
externes ? », témoigne Claire Baruffi.
Un défi de gouvernance
RH à reconsidérer en profondeur
Pour les DRH, cette
mutation exige une révision en profondeur de leurs pratiques et de leur
posture. Il ne s’agit plus simplement de recruter, mais de savoir comment
intégrer efficacement des profils externes au fonctionnement interne, sans
dilution de la culture ni rupture dans les parcours.
La question d’une
politique d’expérience collaborateur à 360 degrés – englobant aussi bien les
salariés que les freelances ou les experts ponctuels – devient centrale.
Car ces profils, bien
qu’externes, contribuent pleinement aux résultats de l’entreprise et doivent
être considérés comme tels. Fidéliser ces compétences atypiques, les faire
adhérer au projet commun, assurer leur alignement avec les valeurs internes :
c’est le nouveau rôle des DRH. Cela suppose aussi de redéfinir leur relation
avec des managers de plus en plus autonomes dans le choix et le pilotage de ces
ressources. Autant de chantiers ouverts dans de nombreuses organisations, qui
appellent à une montée en compétence rapide des fonctions RH.
La révolution des
collectifs hybrides est déjà en marche. Mais une autre s’annonce déjà : celle
des agents IA, capables d’interagir dans les équipes, d’agir de manière
autonome et de travailler 24h/24. « Ils coûtent 2 000 dollars par mois,
ne prennent aucune pause, travaillent jour et nuit et ne partent jamais à la
concurrence. Les agents IA s’annoncent comme la prochaine grande révolution de
l’intelligence artificielle – et les DRH seront en première ligne », conclut,
Claire Baruffi.
Cette mutation ajoute une nouvelle couche de complexité. Plus que jamais, les DRH auront besoin de formation, d’accompagnement et de grilles de lecture pour orchestrer ces collectifs en pleine redéfinition.