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Déconfinement et santé des salariés

A l’occasion de la Semaine pour la qualité de vie au travail (15 au 19 juin), Empreinte Humaine dévoile les résultats de la 3ème vague de son baromètre relatif à la santé psychologique et physique des salariés.

Faisant suite à 2 premières vagues qui ont indiscutablement démontré le caractère autant psychosocial qu’épidémiologique de la crise (en pointant notamment un taux de détresse psychologique des salariés de 47%), cette 3ème vague est l’occasion de prendre le pouls de l’état des salariés en sortie de confinement mais aussi de poser quelques questions structurantes sur l’avenir du rapport des salariés au travail.

- Les salariés français sont-ils marqués ?
- Le télétravail sera-t-il massivement développé par les entreprises ?
- Est-il positif ou négatif pour la santé mentale des salariés ?
- La détresse psychologique s’est-elle transformée en syndrome post-traumatique ?
- Quelles sont les capacités de résilience des salariés ?


Autant d’indicateurs sur lesquels cette 3ème vague se propose de revenir.

Si la situation des salariés s’améliore, elle présente néanmoins de sérieux points de vigilance et d’inquiétude : 42% des salariés sont en situation de détresse psychologique (-5pts) et 17% en détresse élevée (-4pts), ce qui reste considérable. Plus de la moitié des salariés font preuve de résilience et 53% d’entre eux sont en croissance post traumatique élevée (CPT).

Autre grand enseignement : les salariés en détresse psychologique déclarent entre 1,5 et 3 fois plus de problèmes de santé physique (troubles du sommeil, douleurs et tensions musculosquelettiques, maux de tête, problèmes digestifs, cardiovasculaires ou hypertension).

« Si le déconfinement produit des effets positifs sur l’état de santé psychologique des salariés avec notamment le niveau de détresse qui baisse tout en restant conséquent, celui-ci demeure quand même préoccupant notamment au regard des pathologies physiques qui apparaissent. Il faut que les entreprises soient vigilantes », déclarent Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine, et Jean-Pierre Brun, co-fondateur d’Empreinte Humaine et expert conseil.


L’état des salariés s’améliore mais continue d’être préoccupant

Si le déconfinement a permis une baisse du taux de détresse psychologique des salariés, celui-ci reste malgré tout très important avec 42% de détresse psychologique (-5 pts) et 17% de détresse élevée (-4 pts).

« L’accompagnement des salariés qui ont vécus différemment les mesures de confinement est un gage de réussite de la reprise et du retour au travail. Ces tensions naissent en partie de sentiment d’iniquité parfois liés à des mesures non compris ou acceptées, de comparaisons inadéquates ou de colères accumulées durant la période précédente. Proposer des espaces de discussion pour favoriser l’expression du vécu est une bonne pratique pour éviter le développement de conflits », selon Christophe Nguyen.

Enfin, le déconfinement semble être facteur d’angoisses nouvelles pour les salariés. Même si 78% d’entre eux déclarent avoir confiance dans les mesures de préventions sanitaires mises en place dans leur entreprise, le déconfinement est source de peur pour 1 personne sur 2, et de tensions entre les personnes dans l’entreprise pour 41%.


Pas de santé physique sans santé psychologique 

Les salariés étant en détresse psychologique déclarent 1,5 à 3 fois plus de problèmes de santé physique.

  • 35% des salariés ont des problèmes de sommeil 
  • 28% déclarent avoir des douleurs et tensions musculo squelettiques (épaule, dos, poignet…) 
  • 22% des maux de tête
  • 15% des problèmes digestifs 
  • 7% déclarent des problèmes cardiovasculaires ou d’hypertension
  • 7% des nausées

« La littérature scientifique a montré depuis quelques années les effets des risques psychosociaux sur la santé physique. Il n’y aura pas de santé physique sans santé mentale. Agir sur le bien-être c’est développer aussi la santé globale des salariés », poursuit Jean-Pierre Brun.


Le soutien de l’entreprise, de la DRH, du supérieur, des collègues ou des IRP est présent

72% des salariés se sentent soutenus par leur N+1, devant leur direction (65%), la DRH (56%), le soutien des collègues et des instances représentatives du personnel se plaçant respectivement à 79% et 59%.

Enfin 73% pensent que leur entreprise fait son maximum pour aider les salariés. Aussi, 50% souhaitent que leur entreprise les aide à mieux appréhender psychologiquement leur travail.

« Les salariés saluent majoritairement les efforts de leur entreprise. Cette attente d’accompagnement à mieux appréhender psychologiquement le travail ne peut pas être comblée par une ligne d’écoute psychologique externalisée. Les actions autour de bonnes pratiques de management, de relations d’équipe sont nécessaires. Développer une culture de la sécurité psychologique en entreprise peut être pertinent », souligne Jean Pierre Brun.


Plus la détresse augmente plus la performance baisse

Fait notable, les salariés qui ne sont pas en détresse psychologique, indiquent une performance de 80%. Ce taux baisse notablement tandis que le niveau de détresse psychologique augmente. Ainsi les salariés en détresse modérée indiquent une performance de 69% devant les salariés en détresse psychologique élevée qui déclarent quant à eux une performance s’établissant à 59%.

« On voit moins de détresse psychologique des salariés quand il y a du soutien des N+1 et des collègues. La prévention des risques psychosociaux en entreprise doit clairement s’organiser autour de ces objectifs pour l’heure et pour l’avenir. Nous invitons les entreprises à intégrer ces faits pour organiser leur principe de prévention en pensant d’abord au rôle du management », ajoute Jean-Pierre Brun.


Les salariés français et le télétravail

« Pour préserver la santé psychologique, le télétravail ne doit pas vécu comme une contrainte (c’est là où on a les plus forts taux de détresse) et doit être accompagné tout en laissant un pouvoir d’organisation aux salariés. Malgré tout, on le constate bien ici il existe un besoin de règles pour encadrer le télétravail et ce déficit n’est pas sain pour un peu plus de la moitié des télétravailleurs. Cette situation fait penser à l’époque où les mails sont arrivés dans le monde de l’entreprise sans avoir été accompagnés de règles et de cadre d’utilisation ou alors tardivement. Il ne faudrait pas reproduire les mêmes erreurs et constaté les mêmes conséquences », commente Christophe Nguyen.

Si 41% des télétravailleurs sont en situation de détresse psychologique (dont 16% de détresse psychologique élevée), les salariés français sont néanmoins 85% à vouloir conserver la possibilité de faire du télétravail contre 66% qui souhaitent pouvoir venir dans les locaux pendant cette période de Covid-19.

  • 27% considèrent qu’il s’agit d’une contrainte (72% d’entre eux sont en détresse psychologique dont 39% élevée)
  • 39% se sentent isolés à cause du télétravail (66% d’entre eux sont en détresse psychologique dont 29% élevée)
  • 53% veulent plus de règles de fonctionnement pour le télétravail (51% d’entre eux sont en détresse psychologique dont 23% élevée) vs 30% (dont 9% élevée) pour ceux qui n’en veulent pas plus.
  • 39% se sentent isolés à cause du télétravail (66% d’entre eux sont en détresse psychologique dont 29% élevée)
  • 60% estiment que le télétravail crée plus de réunions


Quels risques psychosociaux pour les télétravailleurs ?

  • 30% manquent d’autonomie pour décider du déroulement de leur travail
  • 50% déclarent ne pas être consultés pour des décisions ayant un impact sur eux
  • 42% pensent qu’ils ne reçoivent pas l’estime et le respect mérité
  • 25% disent que le travail n’a pas de sens pour eux ou l’entreprise
  • 22% perçoivent des menaces, intimidations ou de la malveillance
  • 44%, en conséquence, vivent de la qualité empêchée : 61% pensent faire des choses qui auraient dû être faites différemment
  • 40% des télétravailleurs n’arrivent pas à oublier le travail après la journée
  • 50% cachent leur émotion ou font semblant d’être de bonne humeur.

« Le télétravail peut être source de bien-être et d’engagement quand il est bien conçu et accompagné. Le télétravail doit reposer sur des principes de confiance/ autonomie, responsabilisation et conciliation entre conception et exécution du travail et donc sur la participation aux décisions, autonomie, développement dans les tâches… pour participer à un meilleur équilibre des vies et permettre un travail dans lequel le télétravailleur peut se reconnaître et être fier. Toutefois, on a vu qu’une forme de télétravail pouvait être à l’inverse des principes positifs pour concilier bien-être et efficacité au travail. On voit qu’il génère un risque psychosocial fort quand il est néo-taylorisé et quand le management ou les relations ne sont pas adaptés. L’encadrement du télétravail ne doit pas être uniquement être réalisé d’un point de vue juridique ou de charte mais aussi et surtout autour des comportements et des attitudes au travail », souligne Christophe Nguyen.

« Cette nouvelle organisation massive du télétravail induit des opportunités et des nouveaux comportements attendus, de nouveaux risques. Les entreprises doivent pouvoir proposer des organisations du travail favorisant la résilience. Certaines caractérises de la résilience sont absentes dans une certaine forme de télétravail actuel. Le télétravail n’est pas qu’un déplacement physique du travail mais change tous les comportements qui doivent être accompagnés », ajoute Jean-Pierre Brun.


Plus de la moitié des salariés font preuve de résilience

Néanmoins l’étude démontre une part importante (53%) des salariés en croissance post traumatique (CPT)

« Comme pour toute crise ou événement potentiellement traumatique, il existe un phénomène de résilience appelé la croissance post-traumatique. Elle correspond à des changements intérieurs (augmentation de la compassion, nouvelles orientations de vie, meilleurs investissements dans les relations humaines… et permet de développer des bénéfices psychologiques. Les études scientifiques montrent qu’elle permet de prévenir la dépression notamment ou d’autres troubles mentaux » explique Christophe Nguyen.    

  • 84% des personnes en situation de croissance post-traumatique (CPT) éprouvent plus de bien-être que ceux qui ne sont pas en CPT
  • 60% des salariés disent mieux apprécier la valeur de la vie
  • Pour 48%, leurs priorités ont changé
  • 41% se rendent mieux compte qu’ils peuvent compter sur les autres en cas de problèmes
  • 53% sont plus enclins à changer ce qui doit l’être
  • 46% ont davantage de compassion pour les autres
  • 42% se sentent plus proche des autres
  • 38% acceptent d’avoir besoin des autres
  • 34% ont de nouveaux centres d’intérêt
  • 34% ont donné une nouvelle orientation à leur vie
  • 21% ont une foi religieuse renforcée

« Beaucoup seront marqués mais tous ne seront pas traumatisés : la résilience des salariés français est en cours. La crise psychologique se transforme en de nouvelles attentes et priorités, nouveaux centres d’intérêt ou de réorientation de vie… des personnes, ce qui contribue à préserver leur santé psychologique. Ces transformations positives créeront forcément de nouvelles attentes envers le politique, le social et l’entreprise où notamment le sens du travail qui a été questionné, tout comme la valeur apportée à leur santé personnelle et celle qu’ils souhaitent développer dans le cadre professionnel. Les entreprises ont tout intérêt à prendre en compte ces changements loin d’être neutres et qui risquent de s’ancrer profondément. Certaines entreprises proposent un cadre permettant cette résilience individuelle et organisationnelle. Cette résilience est à prendre en compte au moment où on parle de résilience de l’économie ou de refondation de l’objet social des entreprises », ajoute Christophe Nguyen.

« Nous avons étudié les facteurs organisationnels qui favorise de cette résilience, comme les pratiques saines de management, l’équité, un développement dans les tâches… ou les actions pour réduire l’incertitude dans le contexte que nous connaissons. Ces bonnes pratiques convergent avec les actions que nous déployons au sein des entreprises et nous avons voulu en tester scientifiquement la pertinence », conclut Jean Pierre Brun.

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