Une
enquête menée par #WeAreEurope, association indépendante de professionnels
européens, en partenariat avec l’Université de Wageningen, révèle que les
entreprises françaises prennent au sérieux la durabilité d’entreprise et ne
souhaitent pas de réduction drastique de la législation européenne sur le
devoir de vigilance (due diligence).
Principaux
enseignements
● Les entreprises gèrent déjà les
risques : plus d’une sur quatre (28%) menant des démarches de devoir de
vigilance affirment avoir pu identifier et traiter directement des risques
environnementaux ou liés aux droits humains grâce à ces démarches.
● Un avantage concurrentiel : les
entreprises françaises sont près de trois fois plus nombreuses à considérer la
directive européenne sur le devoir de vigilance en matière de durabilité
(CSDDD) comme un avantage compétitif pour les organisations européennes qu’à
penser le contraire (46% d’accord contre 12% en désaccord).
● Insatisfaction face à la proposition
« Omnibus » : la moitié (50%) des entreprises françaises se disent
insatisfaites de cette proposition, contre seulement 12% satisfaites.
Les résultats de
l’enquête sont publiés alors que le Parlement européen se prépare à un débat
houleux en session plénière les 12 et 13 novembre, destiné à finaliser sa
position de négociation sur le paquet de simplification Omnibus - une
initiative qui introduit des modifications majeures aux règles européennes
existantes en matière de durabilité et de devoir de vigilance des entreprises.
Le Conseil européen a
déjà validé une série de reculs concernant le cadre du devoir de vigilance des
entreprises, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand
Friedrich Merz étant même allés jusqu’à exprimer le souhait de supprimer totalement
ces règles. Désormais, tous les regards se tournent vers le Parlement européen,
où des députés issus de l’ensemble du spectre politique déposent actuellement
des amendements sur l’accord de compromis de la commission JURI, à l’approche
de cette session plénière décisive.
L’enquête anonyme a été remplie par 159 professionnels, principalement issus de grandes entreprises (dont une cinquantaine françaises) concernées par la directive. Parmi eux, 77% pratiquent déjà une forme de devoir de vigilance.
Un débat politique sous
haute tension à Bruxelles
À Bruxelles,
l’eurodéputé français Pascal Canfin, principal négociateur du groupe libéral
Renew Europe, se retrouve pris entre deux feux politiques. Bien qu’il soit un
partisan reconnu de règles de durabilité ambitieuses, Canfin doit faire face à
d’immenses pressions dans le cadre du processus de simplification de ces
règles. L’Union européenne subit en effet de fortes pressions de la part des
États-Unis et de grands groupes industriels tels que Total et ExxonMobil, qui
souhaitent la suppression pure et simple de ces réglementations.
« Les résultats de
cette étude montrent que le devoir de vigilance ne consiste pas seulement à
traiter les risques environnementaux et liés aux droits humains, mais qu’il
constitue également un véritable avantage compétitif pour les entreprises
européennes. Savoir d’où viennent ses produits favorise la transparence, la
responsabilité et une stratégie d’entreprise plus sûre, dans un contexte de
grande instabilité géopolitique. Nous avons trouvé un compromis équilibré au
sein de la commission JURI, et nous appelons les eurodéputés à soutenir notre
position en plénière, afin de maintenir une approche fondée sur les risques
au-delà du premier niveau de la chaîne d’approvisionnement, tout en préservant
les plans de transition climatique. » déclare Pascal Canfin
L’enquête montre que
les entreprises reconnaissent les bénéfices de la CSDDD, tant pour leur
compétitivité que pour la gestion des risques dans leurs chaînes
d’approvisionnement, susceptibles de nuire à leur réputation ou de générer des
contentieux.
Une entreprise
française anonyme de plus de 1 000 salariés et 150 M€ de chiffre d’affaires
souligne :
« Le devoir de vigilance renforce la maturité d’un groupe en développement.
»
Un rejet net d’un champ
d’application restreint
Si certaines
modifications sont saluées par les entreprises, notamment le renforcement de
l’harmonisation maximale visant à réduire la fragmentation juridique entre les
États membres, la majorité des propositions concrètes contenues dans l’Omnibus
sont mal accueillies. Plus de la moitié des répondants (53%) rejettent
fermement la réduction du champ d’application du devoir de vigilance aux seuls
fournisseurs directs des grandes entreprises, estimant que celui-ci doit
couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur. Selon eux, une approche aussi
restrictive contraint les PME européennes à remplir une paperasse inutile, sans
réellement leur donner les moyens d’identifier et de traiter les risques réels
au sein de leurs chaînes d’approvisionnement.
« Nous sommes
préoccupés par les modifications proposées à travers les négociations Omnibus, déclare Charles-Henri
Margnat, cofondateur de #WeAreEurope et de Positive Company. Notre enquête
montre que ceux qui connaissent le sujet ne veulent pas voir la CSDDD
édulcorée. »
Il ajoute : « N’oublions pas que le
marché européen regroupe plus de 450 millions de consommateurs et génère un PIB
de plus de 16 000 milliards d’euros. En relevant nos standards de durabilité,
nous renforçons la résilience de notre économie et imposons nos propres règles.
C’est ainsi que nous garantissons que les entreprises étrangères qui ne
respectent pas nos standards européens soient tenues pour responsables. »
Un consensus académique
sur l’utilité de la réglementation
Nadia Bernaz,
professeure associée en droit à l’Université de Wageningen, qui a contribué à
l’analyse de l’enquête, confirme : « Contrairement à ce que certains responsables
politiques pensent, les entreprises européennes reconnaissent l’importance d’un
devoir de vigilance obligatoire et ont déjà constaté ses effets positifs sur
les droits humains et l’environnement. »
Autres bénéfices
identifiés par les entreprises européennes :
● Responsabilité accrue : 65% estiment
que la CSDDD renforce la responsabilité ESG dans les chaînes
d’approvisionnement.
● Gestion durable des risques : 61%
affirment qu’elle favorise une gestion à long terme des risques.
● Protection des droits humains et de
l’environnement : 62% estiment qu’elle contribue activement à ces
objectifs.
● Alignement stratégique : 51% considèrent
qu’elle aide à aligner la stratégie d’entreprise sur les objectifs de
durabilité.
Enfin, malgré les
pressions américaines pour obtenir des exemptions, notamment de la part de
ExxonMobil, une écrasante majorité (96%) des répondants estime que la loi doit
s’appliquer de manière égale aux entreprises européennes et non européennes.
Le dossier Omnibus sera
soumis au vote lors de la session plénière de novembre, au cours de laquelle
les députés européens décideront s’ils soutiennent le compromis proposé par la
commission JURI. Si ce compromis est approuvé, le texte entrera dans la phase
finale des trilogues : les négociations interinstitutionnelles entre le
Parlement, le Conseil et la Commission. Le texte définitif devrait être arrêté
d’ici la fin de l’année.


