Alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’intensifie, la hausse des droits de douane et le retour du protectionnisme redéfinissent les routes du commerce mondial.
Dans ce
contexte, la France pourrait bien tirer parti de ce bouleversement : selon
Cushman & Wakefield, elle dispose d’atouts majeurs pour devenir le point
d’ancrage logistique de l’Europe.
Un monde
post-mondialisation
Depuis le relèvement
progressif des tarifs douaniers américains, jusqu’à 15% sur la majorité des
produits et jusqu’à 100% sur certains secteurs sensibles, les échanges
mondiaux ralentissent et se réorganisent.
Les exportations
françaises vers les États-Unis ont reculé de 5% au premier semestre 2025,
tandis que les importations chinoises vers la France ont bondi de 7%, dont +10%
pour l’habillement et +125% pour les produits pharmaceutiques (source : Douanes
françaises), portées notamment par le e-commerce.
Symbole de ce
basculement, SHEIN, déjà très présent dans l’actualité avec son installation au
BHV, illustre la stratégie des géants asiatiques : contourner les barrières
américaines, renforcer leur présence européenne et s’appuyer sur des réseaux
logistiques locaux.
« Nous assistons à la
fin de l’hyper-mondialisation : les flux se fragmentent, les entreprises
cherchent à produire et stocker plus près des consommateurs », analyse Laurence
Bouard, Head of Research France, Cushman & Wakefield.
De la tension à la
précaution : une logistique en mutation
Pendant des décennies,
la logistique mondiale a fonctionné en flux tendus (just in time) :
produire et livrer à la demande, sans stock. Mais les crises successives,
pandémies, conflits, surtaxes douanières, ont mis fin à ce modèle. Les
entreprises adoptent désormais une approche « just in case », autrement dit une
logique de précaution : elles reconstituent des stocks de sécurité pour
éviter les ruptures.
Résultat : la
demande d’espaces logistiques s’intensifie.
« Le stockage redevient
stratégique. Ce mouvement fait bondir les besoins en entrepôts modernes,
interconnectés et proches des grands hubs européens », souligne Alexis
Bouteiller, Head of Logistics Occupiers, Cushman & Wakefield.
La France, un hub
logistique européen prêt à capter les flux
Avec 89 millions de m²
d’entrepôts, quatre grands hubs internationaux (Le Havre, Marseille, Dunkerque,
Roissy-CDG) et des loyers compétitifs (84€/m²/an contre 101€ en moyenne
européenne), la France dispose d’un socle solide.
Sa position
géographique, au cœur des corridors européens et euro-méditerranéens, en fait
une porte d’entrée naturelle pour les flux en provenance d’Asie et du Maghreb.
Mais pour transformer
l’essai, plusieurs leviers doivent être activés :
• renforcer l’intermodalité (rail, fleuve, route)
pour réduire la dépendance au tout-routier ;
• moderniser et digitaliser les procédures
douanières ;
• développer les zones sous douane et les entrepôts
mutualisés ;
• accompagner la réallocation des capitaux
asiatiques vers l’immobilier logistique européen.
Dans plusieurs régions,
le taux de vacance logistique a repassé la barre des 5%, signe d’un marché
redevenu plus équilibré et d’une offre immédiatement disponible (avec 4,6
millions de m² d’espaces logistiques immédiatement disponibles sur le
territoire) pour accueillir de nouveaux flux.
Cette disponibilité, associée à des coûts maîtrisés et à une demande en forte croissance, place la France dans une position favorable pour capter cette dynamique.
« Sur le marché des capitaux, la France occupe également une place privilégiée. Le pays attire les investisseurs, notamment asiatiques, qui réorientent leurs capitaux vers l’Europe, renforçant la place du continent comme zone d’investissement défensive », conclut Romain Nicolle, Head of Logistics CMG, Cushman & Wakefield.


