« Les Français, champions de
l’épargne » par Philippe Crevel*, Directeur du Cercle de l’Épargne
Chaque 31 octobre, la
Journée mondiale de l’épargne rappelle l’importance d’un geste ancien mais
toujours essentiel, renoncer à la consommation en mettant de côté une part de
ses revenus. Créée en 1924 à Milan à l’initiative de l’Institut mondial des banques
d’épargne, cette journée visait à l’origine à restaurer la confiance dans le
système bancaire après la Première Guerre mondiale et à promouvoir la sécurité
financière des ménages. Cent ans plus tard, elle conserve toute sa portée
symbolique, à un moment où la succession de chocs et de crises incite les
Français à repenser leur rapport à l’épargne.
La France : un peuple
d’épargnants
Plus de sept Français
sur dix mettent régulièrement de l’argent de côté. 85 % détiennent un Livret A,
près de la moitié possèdent au moins un contrat d’assurance vie et un quart
disposent d’un Plan d’Épargne Retraite (PER). Le taux d’épargne est en France
un des plus élevés d’Europe. Au deuxième trimestre 2025, celui des ménages
atteignait 18,9 % du revenu disponible brut (INSEE). Ce taux est près de quatre
points au-dessus de son niveau de 2019. Sa hausse est imputable à la montée de
l’anxiété en lien avec les chocs et crises qui s’accumulent (Covid, guerre en
Ukraine, inflation, guerre au Moyen Orient, tensions géopolitiques, crise
politique en France).
Les Français, des
épargnants avertis
Contrairement à certains préjugés, les Français sont des épargnants avertis. Ils s’adaptent rapidement aux changements de rémunération des différents produits. Après avoir plébiscité pendant trois ans le Livret A, ils se tournent depuis le début de l’année vers l’assurance vie qui bat de nombreux records. L’encours de ce placement, le premier en volume, dépasse à 2 068 milliards d’euros, en hausse de
+4,7% sur un an (août 2025 – données France Assureurs). Sur les huit
premiers mois de l’année, la collecte brute de l’assurance vie atteint près de
100 milliards d’euros. Si les fonds euros, bénéficiant de la fameuse garantie
du capital, captent toujours la majorité des versements, les unités de compte
en représentent désormais près de 40%. Ces dernières sont soutenues par la
bonne tenue des marchés financiers et la diversification des produits vers
l’investissement durable ou le capital investissement.
Le succès du PER sur
fond d’inquiétude en matière de retraite
Lancé à l’automne 2019,
le Plan d’Épargne Retraite (PER) s’est imposé en quelques années comme un
pilier de l’épargne longue. En 2025, il franchit le cap symbolique des 130
milliards d’euros d’encours, soit une progression de près de 20% en un an. 12
millions de Français détiennent désormais un PER, individuel ou collectif.
Ce succès tient à la
fois à la souplesse du dispositif — possibilité de transférer les anciens
produits d’épargne retraite (PERP, Madelin, PERCO), sortie en capital ou en
rente – et à la déduction fiscale, dans une certaine limite, des versements
individuels. Le PER séduit également les jeunes actifs, de plus en plus
nombreux à y souscrire via leur entreprise ou de manière individuelle.
La montée en puissance
du non coté
Le non coté attire de plus en plus d’investisseurs particuliers. Grâce à la démocratisation des fonds
« private equity » au sein des contrats d’assurance vie ou des PER, la part des ménages détenant des produits non cotés a doublé en cinq ans. Ce mouvement traduit un désir de sens et de participation directe au financement de l’économie réelle, notamment des PME et des entreprises innovantes. Les pouvoirs publics ont ainsi choisi un fonds non coté pour l’orientation de l’épargne vers la défense
(Fonds Bpifrance – défense).
Le rajeunissement des
actionnaires individuels
Selon l’Autorité des
marchés financiers (AMF), près d’un nouvel investisseur en Bourse sur trois a
moins de 35 ans. Portée par les applications d’investissement en ligne,
l’éducation financière et la recherche de placements plus dynamiques, une
nouvelle génération d’épargnants émerge. Plus agiles, ces jeunes épargnants
cherchent à dégager rapidement des plus-values.
L’émergence d’une
culture « crypto » chez les jeunes
L’émergence des
cryptomonnaies s’impose de plus en plus comme un phénomène générationnel. En
France, environ 57% des détenteurs avaient moins de 35 ans en 2024, et 24%
avaient entre 18 et 24 ans.
Selon l’enquête 2025
AG2R La Mondiale - Amphitéa – Cercle de l’Épargne, 36% des jeunes de moins de
25 ans jugent intéressant d’investir dans les « cryptos » contre 21% pour
l’ensemble de la population.
L’épargne, levier des
transitions
La Journée mondiale de
l’épargne 2025 s’inscrit dans un contexte de mutations profondes : transition
énergétique, vieillissement démographique, transformation numérique. L’épargne
est appelée à devenir un acteur majeur de ces transitions. À la fois outil
individuel et collectif, elle protège son détenteur tout en finançant
l’investissement productif, les infrastructures, la recherche et l’innovation.
Elle exerce un effet de levier déterminant sur la croissance et la stabilité
économique. Par sa force, elle contribue à la moindre dégradation de la note
souveraine de la France.
Épargner, c’est
s’assurer contre les aléas et c’est prendre un risque, celui de se tromper sur les
placements. Épargner n’est jamais anodin. Le choix des produits et des supports
doit être en phase avec les besoins et les attentes.
*Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne, est l'auteur du livre « Épargner mieux pour vivre mieux » publié chez Solar en septembre 2025.


