Cette 3ème édition du Baromètre Achats Responsables, menée conjointement par l’ORSE, Bpifrance et PwC France et Maghreb, dresse un nouvel état des lieux des relations entre donneurs d’ordres et fournisseurs, et met en lumière les leviers d’action à destination des fonctions
La RSE dans la relation
client-fournisseur : innovation et résilience !
Dans un contexte de
tensions géopolitiques, d’instabilité économique et de fluctuations du cadre
réglementaire sur les questions de durabilité, les fonctions achats restent au
cœur des enjeux de résilience et de transformation des entreprises.
Depuis 2019, l’ORSE,
Bpifrance et PwC France et Maghreb unissent leurs expertises à travers le
Baromètre Achats Responsables, une étude de référence qui donne la parole aux
fournisseurs pour mieux comprendre leurs attentes, leurs contraintes et leur
rôle dans la transition durable. La première édition, publiée dans le sillage
de la loi sur le devoir de vigilance, avait mis en lumière les difficultés des
petites entreprises face à des exigences RSE croissantes. La deuxième édition,
en 2022, marquée par la sortie de crise sanitaire, soulignait une accélération
des démarches responsables malgré les incertitudes économiques.
Une édition enrichie et
élargie
Cette troisième édition
intervient à un moment charnière : la succession de crises sanitaires,
géopolitiques, énergétiques et climatiques a profondément fragilisé les chaînes
d’approvisionnement mondiales, tandis que le cadre réglementaire, de plus en plus
exigeant et incertain, impose une capacité d’adaptation sans précédent. Les
entreprises doivent donc continuer à concilier performance économique et
responsabilité, dans un contexte où les enjeux d’approvisionnement responsable
deviennent essentiels à la résilience de leurs activités.
L’étude approfondit
cette dynamique à travers trois axes de travail : donner la parole aux
fournisseurs via les réponses au questionnaire « La parole aux fournisseurs ! »
(diffusé entre janvier et mai 2025), croiser les retours des fournisseurs avec
un panel d’experts issus d’organisations variées, et identifier des leviers
concrets de transformation à destination des fonctions achats. Autre nouveauté
de cette édition, un focus sur la commande publique (représentant près de 10 %
du PIB français) permettant d’explorer le rôle de l’État et des collectivités
dans la diffusion de pratiques d’achat plus responsables.
Cinq enseignements
majeurs du questionnaire « La parole aux fournisseurs ! »
1. Les sollicitations
des acheteurs sur les enjeux RSE ne reculent pas
66% des fournisseurs se
disent sollicités « souvent » ou « parfois » par leurs clients sur les
questions environnementales, sociales ou éthiques. Les thématiques les plus
abordées restent stables par rapport à la précédente édition : éthique et
corruption, bilan carbone, gestion des déchets, santé-sécurité, conditions de
travail et droits humains. À noter cependant : seuls 8 % des fournisseurs sont
interrogés sur leurs propres sous-traitants au-delà du rang 1, révélant un
angle mort persistant en matière de traçabilité dans la chaîne de valeur.
2. Des exigences
concentrées au début de la relation
41% des répondants sont
sollicités lors de la phase d’appel d’offres, mais peu accompagnés ensuite. Les
démarches RSE se traduisent surtout par la signature de chartes ou de clauses
contractuelles, rarement suivies d’un dialogue régulier, d’un appui opérationnel
ou financier sur ces enjeux. Cette approche descendante et standardisée
renforce la perception d’une transposition unilatérale du risque juridique vers
les fournisseurs.
3. Une dissonance entre
discours et pratiques des donneurs d’ordres
59% des fournisseurs
estiment qu’il existe une dissonance entre les ambitions RSE affichées par
leurs clients et leurs pratiques commerciales. Les principaux facteurs de
pression identifiés sont les prix d’achat, les délais de paiement, les
changements fréquents de cahiers des charges, les contrats courts et les délais
de livraison. Près d’un répondant sur deux indique ne pas savoir comment les
critères RSE sont pondérés dans les appels d’offres, à l’inverse des critères
techniques et financiers.
4. Un contexte géopolitique qui freine les pratiques d’achats responsables
60% des répondants constatent un impact direct des crises géopolitiques sur leurs relations commerciales. Les ajustements de volumes de commandes, les retards de paiement et les variations des tarifs douaniers désormais récurrents fragilisent la continuité des engagements RSE. Ces effets de “stop & go” des donneurs d’ordres fragilisent les acteurs des chaînes d’approvisionnement et créent des tensions sur les marchés mondiaux. Cela conduit à une précarisation accrue des fournisseurs qui se traduit sur leur performance sociale et environnementale (exemples conditions d’emploi plus précaires, incapacité à investir dans des projets RSE, etc.).
5. Un appel des
fournisseurs à davantage de collaboration
Face à des pratiques
qui stagnent, les fournisseurs appellent à un renforcement du dialogue et de la
co-construction avec leurs clients. Les retours qualitatifs collectés dans le
cadre de cette étude montrent notamment que les attentes se concentrent désormais
sur la recherche d’un équilibre entre exigences et accompagnement, afin que la
RSE devienne un outil de progression partagée, et non une contrainte
unilatérale.
La consultation d’un écosystème afin de proposer des axes de développement stratégiques à destination des directions achats.
La nouveauté de cette édition réside dans la consultation d’experts réalisée entre janvier et juillet 2025, permettant d’apporter un éclairage supplémentaire aux directions achats.
Ainsi, une vingtaine d’acteurs spécialisés sur les enjeux en lien avec les achats responsables ont été consultés de façon publique et anonyme, intégrant aussi bien :
• des associations ou ONG thématiques (exemples : WWF, FairWage Network) ;
• des coalitions thématiques d’acteurs privés (exemples : Entreprises Pour les Droits de l’Homme, Fédération des Entreprises d’Insertion) ;
• des coalitions d’acteurs alliant acteurs privés et société civile travaillant ensemble sur les enjeux d’achats responsables (exemple : ACT, Action Collaboration Transformation) ;
• des acteurs spécialisés sur les liens entre achats responsables et contractualisation (exemples : Abello IP Firm, The Responsible Contracting Project) ;
• une institution internationale de référence sur le devoir de vigilance (OCDE) ;
• les directions achats d’entreprises privées (exemples : LVMH, H&M, C’est qui le Patron ?!) ;
• des représentants de TPE et PME (exemples : THACT, SNRB) ;
• des acteurs de la commande publique (exemples : CGDD,
Banque de France).
Cette consultation a
permis de définir 9 leviers de transformation stratégique à destination des
fonctions achats, via la collecte de témoignages appelant à dépasser les
approches traditionnellement descendantes et fondées sur la gestion des risques
juridiques, ou le reporting. L’ensemble des acteurs interrogés appellent à
mettre en place un cadre de collaboration et d’innovation impliquant une
meilleure prise en compte des enjeux et besoins des fournisseurs, de leurs
parties prenantes, et des acheteurs eux-mêmes.
Cela passe par une
meilleure priorisation des impacts sociaux et environnementaux des
fournisseurs, par le renforcement de la cartographie et de la traçabilité des
chaînes de valeur, par un encadrement des pratiques métiers pour éviter qu’ils
ne fragilisent les engagements des
partenaires (exemple : prise en compte
des impacts liés aux prix d’achats, aux délais de paiement, aux délais de
livraison, aux changements dans les
spécifications des cahiers des charges, à la communication régulière et à la
transparence avec les fournisseurs, à la mise en place d’outils et de
ressources, etc.)
L’étude appelle
également à repenser le contrat comme un outil de dialogue et de partage de la
gestion des risques (passage du « risk cascading » au « risk sharing »)
permettant aussi de rechercher la création d’impacts positifs (transition d’une
posture « défensive » vers une posture « proactive ») plutôt que le simple
pilotage des risques.
Les parties prenantes
interrogées appellent les directions achats à davantage assumer une gestion
partielle des risques au profit d’une communication forte, de transparence et à
la mise en place de trajectoires d’amélioration continue via une priorisation
opposable des plans d’action.
La collaboration est
aussi un enjeu clé des directions achats : les approches entre pairs et
multiparties prenantes (impliquant les fournisseurs eux-mêmes et les
représentants travailleurs et communautés affectées sur les chaînes de valeur)
sont plus que jamais d’actualité pour renforcer la capacité d’action et
développer des réponses adaptées aux enjeux de chacun.
Enfin, le mandat des
directions achats doit lui aussi évoluer vers une meilleure intégration
stratégique et opérationnelle des enjeux, en faisant davantage dialoguer les
métiers concernés (directions achats, RSE, juridiques, marketing, conception,
logistiques…), et en impliquant les instances dirigeantes sur la prise en
compte de ces enjeux. Des besoins importants subsistent également en matière de
formation des acheteurs, et de démonstration financière des enjeux de
résilience associés à des approches achats responsables plus ambitieuses.
En synthèse
Ce 3e baromètre confirme donc que la RSE constitue toujours un pilier structurant des relations
client-fournisseurs, mais aussi un vecteur de performance, d’innovation et de résilience collective. Les résultats révèlent que les fournisseurs, loin de se limiter à accepter les exigences RSE, expriment une volonté forte d’être pleinement acteurs de la transformation. Ils conditionnent toutefois leur engagement à une répartition plus équitable des efforts opérationnels et financiers associés. Face à l’instabilité généralisée de nos sociétés, les approches de durabilité exigent plus que jamais confiance, dialogue et équilibre entre donneurs d’ordres et fournisseurs.


