Le reflux des
défaillances freiné par un mois de septembre plus sévère qu’attendu.
Le groupe Altares,
expert historique et référent de la donnée d’entreprises, publie les chiffres
des défaillances d’entreprises en France pour le 3e trimestre 2025. Avec plus
de 14 300 ouvertures de procédures collectives (+5% vs. T3 2024), l’été 2025 se
conclut sur un record, avec un mois de septembre particulièrement difficile (+6%).
Aux côtés des TPE PME qui constituent l’essentiel des défauts, les
organisations historiquement mieux prémunies - les plus grandes et les plus
anciennes - sont aussi sous pression.
Seul signal positif :
le tiers des procédures sont désormais des redressements judiciaires ou
procédures de sauvegarde favorisant le maintien de davantage d’emplois parmi
les 52 000 menacés en ce 3e trimestre.
• 14 371 défaillances au T3 2025, un record
pour une période estivale
• Les TPE de + 5 salariés sous tension (+9%) ;
les PME de 10 à 19 dérapent (+13%)
• 46
entreprises de +100 salariés font défaut, menaçant à elles seules 10 000
emplois
• L’industrie manufacturière (+17%) et les
services aux entreprises (+9%) sont à la peine
• Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine,
Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Corse sont dans le rouge
Mais…
• La part des liquidations judiciaires directes
baisse sensiblement
• La situation se détend pour les PME de + 20
salariés
• La construction et le commerce de détail
résistent
• Bretagne, PACA et Grand Est se démarquent
avec une baisse des défauts
Thierry Millon, directeur des études Altares, rappelle : « Depuis le début de l’année,
50 700
entreprises ont défailli, soit 1 600 de plus qu’à fin septembre 2024. En
données glissées sur douze mois, nous franchissons la barre des 68 000
redressements ou liquidations judiciaires auxquels s’ajoutent 1 500 sauvegardes.
Le mois de septembre, loin de confirmer les frémissements de début d’été, a
refroidi les espoirs d’un retournement. L'économie française est plongée dans
un épais brouillard. L’incertitude est encore montée d’un cran gelant les
décisions d’investissement et d’embauche, même chez les dirigeants les plus
aguerris. Néanmoins, rien n’est figé. Si la consommation des ménages reste
atone, elle ne s’effondre pas. Les Français privilégient l’épargne, mais la
période des fêtes pourrait offrir un répit salutaire aux petites entreprises,
les plus exposées aux risques de défaillance. Ce dernier trimestre pourrait
alors, à défaut d’inverser la tendance, enrayer l’hémorragie et ouvrir la voie
vers l’amélioration attendue pour 2026. »
14 371 défaillances au
3e trimestre : un record inattendu pour une période estivale
Le troisième trimestre
a été lourdement sinistré, signant un record estival proche de 14 400 défauts.
Près de la moitié de ces défaillances, 6 800, ont été comptabilisées sur le
seul mois de septembre. Un volume en période de rentrée qui n’avait plus été
observé depuis 2009, année de forte récession économique.
En comparaison sur un
an, la hausse des défauts est « contenue » à +5 % par rapport au T3 2024. Une
tendance que l’on doit notamment au ralentissement des liquidations judiciaires
directes (9 700) qui augmentent de « seulement » 3 %.
Les jugements en
redressement, qui représentent 30% de l’ensemble des procédures (contre moins
d’un quart en 2021 et 2022), augmentent quant à eux de 11%. Bien moins
nombreuses, les sauvegardes (331) affichent la même tendance (+12%).
La proportion
croissante de ces deux procédures est un signal positif. Elles permettent en
effet à plus d’entreprises de disposer d’un délai complémentaire, de quelques
semaines à quelques mois, pour préparer leur rebond ou cession et éviter la
liquidation.
Nombre
de défaillances d’entreprises par type de procédure par trimestre
(Données
arrêtées au 1er octobre de chaque année)
|
2021 T3 |
2022 T3 |
2023 T3 |
2024 T3 |
2025 T3 |
Evolution T3 2025/24 |
Moyenne 5 ans |
||
|
Sauvegardes |
159 |
229 |
278 |
296 |
331 |
11,8% |
|
259 |
|
Redressements Judiciaires |
1 292 |
2 109 |
2 838 |
3 893 |
4 310 |
10,7% |
|
2 888 |
|
Liquidations Judiciaires directes |
3 860 |
6 612 |
8 067 |
9 468 |
9 730 |
2,8% |
|
7 547 |
|
Total défaillances |
5 311 |
8 950 |
11 183 |
13 657 |
14 371 |
5,2% |
10 694 |
|
|
Total Emplois
menacés |
26 600 |
17 460 |
32 970 |
52 670 |
52 000 |
-1,3% |
36 340 |
|
|
Emplois menacés par
entreprise |
5,0 |
2,0 |
2,9 |
3,9 |
3,6 |
|
|
3,5 |
Les petites entreprises
en première ligne d’une crise silencieuse
Les microentreprises de
moins de 3 salariés donnent le ton puisqu’elles concentrent les trois quarts
des défaillances. Près de 10 500 ont fait défaut, un nombre en hausse de 6 %
par rapport au T3 2024. Les TPE de 3 à 5 salariés (1 819) résistent mieux et
parviennent à basculer dans le vert (-3 %).
En revanche, pour les
petites entreprises de 6 à 19 salariés, la situation reste très tendue. Les TPE
de plus de 5 salariés (857) accusent une dégradation de +9 %. Les PME de moins
de 20 salariés dérapent de +13 % (739).
Au-delà de 20 salariés,
la tendance s’aligne avec la moyenne du trimestre (+5 %) avec 460 structures en
défaut.
Parmi elles, 46
comptent plus de 100 salariés, menaçant directement 10 000 emplois. Un chiffre
fort mais néanmoins en recul par rapport à l’été 2024.
52 000 emplois menacés,
un chiffre toujours au plus haut…
Au global, 52 000
emplois sont menacés ce 3e trimestre, soit un niveau à peine inférieur à celui
de 2024. Parmi eux, 20 600 sont particulièrement exposés puisqu’ils sont
attachés à une entreprise en liquidation judiciaire directe.
31 400 sont liés à des
redressements judiciaires ou sauvegardes. Si leurs chances d’être préservés
sont plus importantes, rappelons que 7 redressements judiciaires sur 10 ne
passeront pas la phase d’observation et seront finalement convertis en
liquidation judiciaire.
Les entreprises les
plus anciennes sont à la peine, rattrapées par les difficultés économiques
Plus de 2 000 jeunes
entreprises de moins de 3 ans sont tombées en défaillance ce trimestre, en
hausse de 7%. A l’opposé du spectre, les chiffres s’affolent. Près de 3 000
structures de plus de 15 ans (2 933) sont entrées en cessation de paiement,
soit une augmentation de +18 % par rapport au T3 2024. En moyenne, ces
organisations ont 26 ans.
Les entreprises âgées
de 11 à 15 ans (1 799) affichent une tendance en ligne avec la moyenne globale
(+5 %) tandis que celles de 4 à 10 ans parviennent à stabiliser le niveau de
sinistralité.
Alors que la
construction et le commerce de détail résistent, la manufacture décroche
• Le quart des procédures se concentre dans la construction, un secteur mieux orienté depuis le début de l’année, favorisant la décélération de la hausse des défaillances d’entreprises en France. L’ensemble de la construction compte 3 505 défauts, un nombre en augmentation de seulement 2 % par rapport à l’été 2024. Avec près de 2 860 sinistres ce 3e trimestre, le bâtiment affiche une stabilité. La performance est tirée par le gros œuvre (998 ; -4 %) tant dans la maçonnerie que la construction de maisons individuelles.
Le second œuvre reste défavorablement
orienté (1 685 ; +4 %) en particulier dans le génie climatique et la menuiserie
bois-pvc. Les travaux publics sont plus
nettement dans le vert (175 ; -7 %), en dépit de tensions dans les travaux de
terrassement.
Les chiffres de
l’immobilier sont plus clivés avec une tendance favorable en agences (202 ; -12
%) mais encore lourde en promotion (107 ; +45 %).
• L’ensemble du commerce est également résistant (3 007 ; +2 %) et représente une défaillance sur cinq. Les activités de détail hors automobile tirent favorablement la tendance (1 752 ; -1 %). Les magasins multi-rayons (-20 %) et, en particulier, les petites surfaces alimentaires de type épicerie sont bien orientées. C’est également le cas dans le détail alimentaire (-6 %) pour les boucheries ou poissonneries.
L’équipement du foyer (-5 %) est porté par le meuble, enfin dans le vert après une année 2024 encore compliquée.
Le sport & loisirs offre de bons chiffres dans le sport tandis que le livre (librairies) est sous tension. L’habillement (+5%) est très contrasté, sévèrement orienté dans le prêt-à-porter mais en amélioration dans la chaussure.
Cependant, c’est dans le soin de la personne et l’optique que
l’évolution est la plus lourde (+40 %) qu’il s’agisse de la pharmacie, de
l’optique ou de la parfumerie.
Le commerce
interentreprises (638 ; +5 %) est à la moyenne globale, à la faveur notamment
des tendances des activités d’intermédiaires de commerce (-17 %) mais
l’évolution est lourde pour les grossistes d’équipements informatiques &
électroniques (+63 %), de textile-habillement (+25 %) et de biens domestiques
(+24 %).
L’automobile reste dans
le rouge (617 ; +8 %), qu’il s’agisse de la réparation, et plus encore, du
commerce de véhicules.
• Un peu au-dessus de 2
000 défauts,
les services aux entreprises (2 045 ; +9 %) restent fragiles dans les activités
de nettoyage de bâtiments (+35 %), de sécurité (+20 %) et conseil en
communication et gestion (+13 %).
• La tendance est favorable dans la branche information & communication (426 ; -4 %).
• L’industrie (1 002 : +10 %) offre deux visages. Si la branche alimentaire est légèrement dans le vert (377 ; -1 %), la manufacture dérape de 17 % (625). Dans l’agroalimentaire, les seuls artisans boulangers constituent les deux tiers des acteurs défaillants ; or, ils affichent une trajectoire favorable (-4 %). L’industrie manufacturière reste sous tension dans le textile-habillement (+11 %) ou le bois et matériaux de construction (+13 %). Mais des tendances plus sévères sont enregistrées dans la maintenance
(+19 %), les activités Energie-Eau-Environnement (+33 %),
particulièrement la récupération de déchets et l’imprimerie (+45 %). L’évolution la plus lourde est enregistrée en
métallurgie- mécanique (+54 %), notamment en mécanique industrielle.
• Le secteur des transports et de la logistique s’améliore légèrement (604 : -1 %) tiré par le transport routier de marchandises (339 ; -15 %), en particulier le fret de proximité. La situation reste en revanche tendue dans le transport routier de voyageurs (180 ; +15 %) et plus précisément pour les taxis.
Les autres activités de transport (85 : +47 %) sont particulièrement
fragilisées dans les activités de livreurs-coursiers.
• En hébergement-restauration-débits de boisson (1 852 ; +3 %), le
niveau des défaillances est stable en hébergement et augmente peu (+2 %) en
restauration, une performance tirée par la restauration rapide (-5 %) alors que
la restauration traditionnelle accuse encore une dégradation de +9 %. La situation
est également mal orientée pour les débits de boisson (+10 %).
• Les services aux consommateurs (613 ; +11 %) sont
toujours en peine, notamment pour les coiffeurs (+7 %) et les soins de beauté
(+17 %).
• Les activités agricoles présentent ce 3e
trimestre des tendances très délicates (327 ; +27%). Dans la branche
chasse-pêche-forêt (53 ; +26 %), les tensions se concentrent dans les services
de soutien à l'exploitation forestière. En culture (164 ; +20 %), la
dégradation est portée par les activités de soutien aux cultures (travaux agricoles),
l’exploitation maraichère ou les céréales. L’élevage n’est pas épargné (108 ;
+42 %).
• Parmi les autres activités, les
difficultés sont toujours fortes dans la santé humaine et l’action sociale (273
; +37 %) qu’il s’agisse de professions libérales – comme les infirmiers, les
dentistes ou les médecins généralistes - mais aussi d’activités d’aide à
domicile ou de crèches. Les activités récréatives (232 ; +15%) ou
l’enseignement (249 ; +12 %), notamment la formation continue d'adultes, sont
également mal orientées.
Climat des affaires :
entre incertitudes persistantes et signaux d’éclaircies
Thierry Millon conclut : « Le mois de septembre n’a pas placé ce troisième trimestre sous les meilleurs auspices. Alors que les perspectives business restent contrastées et les indicateurs de défauts très élevés, plusieurs signaux laissent entrevoir un horizon plus dégagé. Certes, la question des droits de douane inquiète mais la capacité de résilience des entreprises n’est plus à démontrer. Malgré une activité économique ralentie, les comptes 2024 (1) affichent encore une belle tenue. Face à la montée du risque et des tensions sur leurs carnets de commandes, les entreprises ont été tentées d’allonger les délais de règlement avec des retards qui se sont envolés au-delà de 14 jours (2). Mais, la situation se détend depuis le début de l’été. Autre indicateur encourageant, le taux d’impayés mensuels des PME (recouvrement des cotisations) calculé par les Urssaf (3) est contenu sous 1 %. De plus, la part des assignations en redressement judiciaire de l’Urssaf reste toujours nettement inférieure en 2025 (sous 24 %) à celle de 2019 (voisin de 35 %). Même le niveau des défaillances d’entreprises recule sur les territoires : un département sur deux a basculé dans le vert ou stabilisé son niveau de sinistralité au cours de l’été 2025. Derrière l’épais brouillard de cette rentrée, des opportunités ciblées se profilent déjà. Une stratégie prudente et sélective doit permettre aux entreprises de renouer avec une dynamique de conquête, momentanément mise en pause. »


