Par Sophie
Mauranges, Directrice RH chez Resmed.
Dans un monde où chaque minute compte, le sommeil est encore trop souvent relégué au second plan. Et cela se ressent : la qualité du sommeil des Français se dégrade d’année en année.
En 2025, selon une récente étude, 69% des Français dorment 7h ou moins,
sur les 7h et plus recommandées par le National Sleep Foundation
En effet, le manque de sommeil peut entraîner des troubles allant de la fatigue chronique aux difficultés de concentration, en passant par un affaiblissement du système immunitaire. Au-delà de la santé individuelle, cette carence devient un enjeu économique de premier plan : selon une étude de 2017 publiée dans Sleep, le coût des troubles du sommeil pour l’économie française s’élèverait à plus de
12
milliards d’euros par an. En cause : baisse de productivité, augmentation du
taux d’erreurs ou d’accidents, mais aussi un absentéisme plus fréquent lié à
des pathologies parfois directement ou indirectement induites par la privation
de sommeil.
Aujourd’hui, des
collaborateurs bien reposés ne sont pas simplement plus agréables à côtoyer :
ils sont plus engagés, plus agiles et en capacité à s’adapter aux exigences du
quotidien. En 2025, le sommeil n’est plus un luxe mais une condition
essentielle pour préserver la santé des individus et garantir une performance
durable pour les organisations. C’est dans cette optique que les entreprises
sont appelées à repenser leur approche en matière de bien-être au travail, en
intégrant le sommeil comme levier stratégique à part entière.
L'importance du sommeil
dans la performance professionnelle
Le monde professionnel
est de plus en plus exigeant, et pourtant le sommeil reste l’un des leviers de
performance les plus négligés, souvent perçu comme relevant uniquement de la
sphère privée. Pourtant, ce déficit altère directement les fonctions cognitives
: mémoire, créativité, capacité de concentration et prise de décision. La
privation de sommeil, trop souvent banalisée, est pourtant loin d’être anodine.
Plusieurs études en neurosciences montrent que dormir moins de six heures par
nuit pendant plusieurs jours consécutifs provoque une baisse significative des
performances cognitives, équivalente à un taux d’alcool dépassant les seuils
légaux pour conduire.
Les effets en
entreprise sont également bien concrets : tensions relationnelles, erreurs plus
fréquentes, désengagement progressif… Le lien avec les risques psychosociaux et
l’épuisement professionnel est aujourd’hui bien établi. À l’inverse, un sommeil
réparateur favorise un fonctionnement cérébral optimal, un équilibre émotionnel
stable et une capacité d’adaptation renforcée.
Le sommeil n’est pas un
confort : c’est une ressource stratégique. Le considérer comme un pilier du
bien-être au travail, c’est investir dans un actif immatériel à fort potentiel.
Miser sur le repos de ses collaborateurs, c’est investir dans une productivité
durable.
Sommeil et Qualité de
vie au travail : un duo gagnant pour l’avenir
Pour que le sommeil
devienne un levier efficace de performance et de bien-être, il doit s’inscrire
dans une stratégie globale de Qualité de Vie et des Conditions de Travail
(QVCT). En effet, placer la santé, la sécurité et l’épanouissement des
collaborateurs au cœur des priorités permet à l’entreprise de renforcer sa
performance, son attractivité et sa capacité d’innovation sur le long terme.
Une politique de QVT (qualité de vie au travail) bien pensée contribue à
fidéliser les talents, à améliorer le climat social et à bâtir une culture
d’entreprise plus humaine et plus durable.
Certaines entreprises
investissent dans la santé mentale en proposant des formations aux premiers
secours en santé mentale, en créant des réseaux internes d’écoute ou en
intégrant des modules sur le sommeil et le stress dans les parcours de
formation managériale.
D’autres misent sur
l’équilibre des temps de vie, via des accords sur l’ARTT ou la semaine de 4
jours, qui permettent de véritables temps de récupération, notamment dans les
environnements à forte intensité de travail.
Dans un contexte
international ou hybride, la gestion des décalages horaires — le “jet lag
professionnel” — devient aussi un enjeu de QVCT à part entière. Le droit à la
déconnexion, la souplesse d’organisation et la confiance deviennent alors des
leviers indispensables pour préserver la santé.
Vers une approche
personnalisée et préventive du sommeil
Avec l’essor des
technologies de santé, les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à
utiliser des applications ou des capteurs connectés pour mieux comprendre leurs
cycles de sommeil. Ces outils, s’ils sont utilisés dans une démarche volontaire
et encadrée, permettent d’identifier les éléments perturbateurs — stress,
rythme de vie, activité physique — et de mettre en place des routines
favorables à un repos de qualité.
Parmi les leviers efficaces pour favoriser le sommeil figure également l’activité physique. Le lien entre sport et qualité du repos est aujourd’hui bien documenté. Selon une étude de 2024, la pratique régulière d’une activité physique, à une intensité modérée et à des horaires appropriés, réduit significativement le stress, favorise la sécrétion de mélatonine (l’hormone du sommeil) et améliore la qualité du sommeil. L’INSERM a d’ailleurs confirmé que pratiquer une activité physique modérée et régulière réduit de
30% les risques d’insomnie. Ce constat
ouvre des perspectives intéressantes pour les entreprises, qui peuvent intégrer
le mouvement dans leur politique de QVCT.
Certaines organisations
se sont déjà engagées sur cette voie, en proposant des programmes internes de
sport, incluant yoga, fitness, course à pied, ou encore méditation. Ces
activités, pratiquées collectivement, créent du lien social, tout en améliorant
l’hygiène de vie des collaborateurs. En complément, des modules de relaxation
ou de méditation guidée sont parfois proposés, sous forme d’ateliers ou via des
applications de bien-être mises à disposition des collaborateurs pour favoriser
l’endormissement et apaiser le mental dans une logique de prévention.
Lorsque ces initiatives
s’inscrivent dans une logique cohérente avec les contraintes opérationnelles,
elles créent un écosystème vertueux. Le sommeil devient alors le résultat d’un
environnement de travail mieux structuré, plus respectueux des besoins humains,
et donc plus performant sur le long terme.
Historiquement, la France est l’un des pays au taux de productivité les plus élevés. Mais cette performance n’est pas un acquis. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, les entreprises doivent aujourd’hui investir dans l’expérience collaborateur, cœur d’une stratégie RH pérenne.
Si les entreprises ne peuvent pas dormir à la place de leurs salariés, elles ont le pouvoir et la responsabilité de créer les conditions favorables à une bonne hygiène de vie.
En 2025, plus que jamais : le
sommeil n’est pas une démarche cosmétique mais un capital immatériel à protéger
et à valoriser.


