Les retards de
paiement des clients privés ou publics augmentent sensiblement en Europe en
2025, avec une accélération plus marquée en France
Le groupe Altares,
expert de la data d’entreprise dévoile aujourd’hui le panorama des retards de
paiement, en Europe et en France, des organisations privées et publiques au 1er semestre 2025.
Avec désormais plus de
14 jours de retards de paiement, la France se place au-dessus de la moyenne
observée en Europe. Un allongement qui s’inscrit dans un contexte de
dégradation générale observée partout en Europe, avec toujours de fortes
disparités territoriales et sectorielles.
- Les
retards de paiement des établissements privés ou publics français
s’allongent
(14,1 jours contre 13,5 jours fin 2024). - Moins
d’un sur deux paye ses fournisseurs à l’heure (45,2 %).
- Les
délais dans le privé atteignent 13,3 jours et approchent 15 jours dans le
public
(+1,5 jours). - La
situation se dégrade sensiblement pour les petites structures (plus de 15
jours) tandis que les organisations de plus de 1 000 salariés dérapent
désormais de plus de 20 jours en moyenne.
- Dans
le public, hôpitaux (21,7 jours) et services déconcentrés de l’État (25,4
jours) sont les lanternes rouges.
- A
l’échelle de l’Europe (14 jours ; + 0,5 jour), le Portugal ferme la marche
(24,5 jours) derrière l’Italie (17 jours) et l’Espagne (14,9 jours) qui se
rapproche de la France. Le Royaume-Uni contient encore ses retards juste
sous 13 jours.
Selon Thierry Millon,
directeur des études Altares : « Paiement des factures : on est encore
loin d’une culture de la ponctualité !
Entre instabilité
politique, tensions sociales, guerre commerciale et croissance modérée, les
acteurs publics et privés naviguent à vue en cette rentrée de septembre 2025.
Dans ce contexte toujours délicat, sécuriser sa trésorerie est une priorité. Le
crédit-fournisseur, en d’autres termes le délai de règlement, est alors bien
souvent un levier privilégié. Dans ces conditions, les retards de paiement
s’allongent rapidement et particulièrement en France. En 1 an, les retards
moyens s’allongent d’une journée, soit la plus forte dégradation en Europe. Ces
reports de règlement sont évidemment très préjudiciables pour les fournisseurs
et sous-traitants.
En cumul, ils sont
évalués à 15 milliards d’euros par la Banque de France : autant dire qu’ils
sont un frein au développement, à l’investissement et à l’emploi.
Mais ces factures en
souffrance sont aussi, pour de nombreuses TPE et PME, une source de
fragilisation profonde, d’usure psychologique face aux relances épuisantes dans
un rapport de force parfois bien déséquilibré. La généralisation de la
facturation électronique pourrait améliorer la situation… pour les bons
payeurs. Et pour les autres, les voix s’élèvent pour demander un relèvement du
plafond des sanctions. M. Bayrou, alors Premier ministre, avait validé une
proposition du gouverneur de la Banque de France faite lors des Assises des
délais de paiement et des financements, proposant d’aller jusqu’à 1% du chiffre
d’affaires, à l’image du Groceries Code Adjudicator (GCA) britannique. »
En Europe, des tensions économiques révélées par d’importants retards de paiement
À l’heure d’un
ralentissement économique et d’une incertitude persistante en Europe, les
retards de paiement perdurent.
Révélateur des tensions
financières, la part des “grands retards” augmente sensiblement :
9,3% des acteurs accusent des retards
supérieurs à 30 jours au cours du deuxième trimestre 2025, au plus haut depuis
quatre ans. Dans ces conditions, le retard moyen remonte à 14 jours.
Les Pays-Bas toujours exemplaires
devant l’Allemagne, un challenger régulier
Avec un retard moyen de
3 jours de retard en 2025, les Pays-Bas sont un modèle de rigueur. Plus de huit
payeurs sur dix respectent les dates d’échéance et à peine plus d’1 % dépasse
le terme d’au moins un mois. L’Allemagne fait également figure de bon élève
avec un retard sous 7 jours et plus de six acteurs sur dix respectueux des
dates d’échéances.
La Belgique, l’Irlande
et le Royaume-Uni
dans une fragile zone de confort
La Belgique est retombée sous 12 jours de retards en 2025 à la faveur d’un meilleur respect des délais (47 % soit 3 % de plus qu’un an plus tôt) et une plus grande rigueur sur les grands retards (6,4 % en T2). L’Irlande (12,7 jours) et le Royaume-Uni (12,9 jours) font également mieux que la moyenne européenne. En termes de bons payeurs, l’Irlande affiche une dégradation sensible avec un taux qui reste au-delà de 50 % (54,3 %) mais en recul de 4 % depuis fin 2024. Le voisin britannique résiste mieux (57,5 %). En revanche, l’un comme l’autre, accusent une hausse sensible des grands retards au trimestre 2 .
Une fracture
comportementale des pays du sud de l’Europe menés par la France
Le Portugal est à la traîne avec
un retard moyen de 24 jours et 16 % des entreprises payent leurs fournisseurs
avec plus d’un mois de retard. Une sur cinq s’acquittera de ses factures à
l’heure.
L’Italie, pionnier dans la mise
en place de la facturation électronique B2B dans l’Union Européenne dès 2019,
ne montre pas encore d’effets vertueux sur les délais de paiement. Le pays
présente un retard moyen de 17 jours et près de 12 % des organisations décalent
leurs règlements de plus de 30 jours.
La France et l’Espagne sont les champions de
cette troisième division. Les entreprises espagnoles ont ramené leur retard
moyen juste sous 15 jours en fin de semestre. De chaque côté des Pyrénées,
moins d’un acteur sur deux paie à l’heure (45 %).
La France décroche
rapidement et atteint les 14,1 jours
En 2025, les factures en souffrance s’accumulent et sont réglées en moyenne deux semaines après le terme. En deux ans, le délai d’encaissement des factures s’est allongé de deux jours et atteint les
14,1 jours en 2025. Il s’agit de la pire trajectoire
sur la période en Europe.
Au-delà du nombre de
jours, c’est davantage le taux de grands retards qui interpelle : depuis
fin 2024, plus de 9 % des payeurs retardent les règlements d’au moins un mois.
Et, 3,8% dépassent la date de facture de plus de trois mois, un délai
qui suggère des litiges commerciaux ou anomalies de facturation rendant
compliqués et onéreux les processus de recouvrement.
Les grandes
organisations franchissent la barre des 21 jours de retard
Au-delà du contexte économique, un effet de taille demeure. Dans les TPE d’au moins 3 salariés, le retard se maintient sous 13 jours. Au-delà, le délai s’allonge de plus d’une journée en un an et atteint
13 jours pour les PME de moins de 50 salariés, 14,3 jours
pour celles comptant jusqu’à 199 salariés et dépasse légèrement 16 jours pour
les structures de 200 à 999 salariés.
Régulièrement pointées
du doigt pour leur lenteur de règlement des factures, les grandes entreprises
de plus de 1 000 salariés approchent 21 jours de retard de paiement. Ce chiffre
douloureux pour nombre de TPME en attente de règlement est imputable davantage
au secteur public qu’au privé. En effet, au-delà de 1 000 agents, l’organisation
publique fait patienter ses fournisseurs en moyenne environ 26 jours tandis que
le secteur privé contient les retards aux environs de 16 jours. À noter que le
secteur public est contraint par un délai contractuel plafonné à 30 jours ou de
50 jours pour les établissements de santé alors qu’il est à 60 jours dans le
privé.
Le secteur public plus
en peine, en particulier les hôpitaux et services déconcentrés de l’État
En 2025, le secteur
public approche en moyenne 15 jours de retard de paiement.
Les comportements de
paiement sont globalement rigoureux dans les collectivités (communes, régions,
départements) avec 13,6 jours à fin S1 2025. La situation est plus délicate
pour les EPA (établissements publics administratifs) (ex : communauté
urbaine de communes etc.) qui approchent désormais 17 jours (16,6). Les EPIC
(établissements publics à caractère industriel ou commercial) sont eux-aussi
tout proches de 17 jours (16,9).
Dans l’enseignement, les
comportements de paiement se tendent pour les collèges et lycées
(établissements publics locaux d'enseignement) et atteignent près de 15 jours.
La situation est
également inconfortable dans l’enseignement supérieur et la recherche
(établissement public national à caractère scientifique culturel et
professionnel) : on y franchit la barre des 16 jours au S1.
Dans la santé et le
social, fortes disparités entre l’hôpital, avec des retards au-delà des 20
jours, et les Ehpad (établissement public local social et médico-social) qui
présentent des comportements bien plus rigoureux à 13 jours.
Mais c’est dans l’administration
de l'État (principalement les services déconcentrés de l'État) que le
décalage de paiement est le plus lourd avec plus de 25 jours de retard en
moyenne. Les services déconcentrés de l’État assurent le relais, sur le plan
local, des décisions de l’administration centrale.
Dans le secteur privé,
la situation se tend pour les associations
Dans le secteur privé,
les délais s’allongent, mais plus lentement que dans le public. Encore sous 12
jours début 2024, le retard moyen se stabilise à 13,3 jours en 2025.
La situation des
entrepreneurs individuels, qui présentaient un an plus tôt la plus forte
dégradation des comportements de paiement, s’améliore très sensiblement (12,2
jours au T2 2025).
Pour les sociétés
commerciales, la situation se dégrade progressivement, sans signe
d’amélioration. Sous 12 jours début 2024, le retard moyen s’établit en T2 à
13,4 jours.
La situation est plus
marquée et sévère dans les associations et sociétés civiles
professionnelles (SCP) et de moyens (SCM).
Traditionnellement
vertueuses, les SCM connaissent cette année une envolée des retards de
paiement, se situant désormais à 13,9 jours juste sous la moyenne nationale. Il
s’agit de structures (type cabinets médicaux) réservées aux professions
libérales pour mettre en commun des moyens d'exploitation.
Le secteur associatif
est à la peine tout en restant sous les 14 jours avec une dégradation
concentrée sur 2025, basculant au-dessus de 13 jours (13,8 jours en T2). Les associations
présentant les plus gros retards se situent plutôt dans les activités de
loisirs comme le spectacle vivant, les musées, le sport mais aussi
l’hébergement touristique et dans la santé tels que les centres dentaires ou
encore dans les services aux entreprises et en particulier l’aide à l’emploi.
L’immobilier toujours à
la peine, tandis que le bâtiment et la manufacture sont les meilleurs élèves
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La construction affiche des
comportements de paiement très disparates. Le bâtiment confirme
être un secteur vertueux avec à peine plus de 8 jours de retard (8,3 jours en
T2 2025), une valeur en amélioration d’une journée sur un an. Cette
performance est portée par les TPE qui constituent plus de 80 % des
140 000 entreprises analysées. Dans les travaux
publics, le retard moyen recule également sensiblement et retombe à 12,3
jours en fin de semestre. En revanche, l’immobilier reste dans le rouge. La
situation se dégrade encore rapidement pour les agences immobilières qui
approchent désormais un mois de retard (28,8 jours). |
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Les industriels
règlent globalement leurs fournisseurs avec trois jours de moins que la
moyenne. Mais dans le détail, des écarts importants subsistent. Ainsi, l’agroalimentaire
s’inscrit sur une tendance délicate : traditionnellement sous 12 jours,
le secteur dépassait 13 jours au 1e trimestre et 14 jours au 2e
trimestre. Une trajectoire accélérée par la boulangerie dont le retard
moyen a franchi 17 jours en avril et approche 19 jours en juin. En manufacture,
l’orientation est défavorable pour l’imprimerie qui se situe à 14,4 jours en
T2 soit 2,4 jours de plus en un an. Le secteur Energie- Eau-Environnement évolue
peu autour de 14,4 jours, une moyenne portée par la production d'électricité
qui concentre le quart des acteurs analysés. Toujours sous tension, la
branche textile-habillement amorce une légère amélioration en fin de semestre
(14,7 jours) après avoir atteint 15 jours au 1e trimestre. Une
tendance confirmée dans la fabrication de vêtements de dessus qui accuse
toutefois encore 25 jours de retard. La maroquinerie et articles de voyage
s’améliore et repasse sous 13 jours en 2025. Les meilleurs élèves industriels
sont dans les produits plastique, structures métalliques et
réparation-maintenance qui restent sous 10 jours. |
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Le commerce présente
lui aussi de grands écarts. Ainsi, dans les
échanges interentreprises, les activités liées aux matériaux de
construction contiennent le retard aux environs de 10 jours, en revanche,
celles du textile-habillement dépassent désormais 21 jours. Le commerce de
détail n’est pas davantage homogène. Le bricolage & équipement du
foyer est quasi stable sous 10 jours, une performance plutôt tirée par la
quincaillerie (sous 8 jours). En revanche, les comportements de paiement se
dégradent dans le détail alimentaire qui franchit 14 jours cette année ou le soin
de la personne & optique à près de 17 jours en dépit des bons chiffres
des pharmacies (11 jours). C’est en vente hors magasin que le retard moyen
est le plus haut (au-delà de 27 jours) aggravé par le e-commerce qui dépasse
30 jours. Le commerce d'habillement présente des retards à la moyenne
nationale (14 jours) en amélioration de 3 jours par rapport au printemps
2023. L’automobile, sous 12 jours, résiste portée par les activités de
réparation, stables sous 11 jours tandis que le commerce de véhicules a
franchi la barre des 13 jours en mai et juin. |
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Dans les services aux
entreprises, les comportements de paiement sont globalement défavorables.
Les retards de
paiement approchent 26 jours au 2e trimestre dans la sécurité et
dépassent 20 jours dans les voyages. Ils dérapent rapidement dans les services
techniques, au-delà de 18 jours, une moyenne tirée notamment par les activités
de conseil proches de 21 jours. |
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En information –
communication,
les chiffres sont très mal orientés dans la diffusion de programmes radio-TV
au-delà de 26 jours de retard et les activités de production de film au-delà
de 25 jours, comme dans l’édition. |
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Pour les transports, le retard moyen se
stabilise autour de 17 jours dans le fret. Le retard dérape sensiblement côté
transport de voyageurs, proche de 20 jours. Un délai dégradé par les taxis,
au-delà de 30 jours. |
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Le secteur du CHR avait
montré des signes de redressement au cours du 2e semestre 2024 qui
n’ont pu se confirmer en 2025. Ainsi, si le retard moyen se stabilise à 13,5
jours dans l’hébergement, il repasse au-dessus de 20 jours dans la restauration
et de 15 jours pour les débits de boisson. |
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Dans les services aux
consommateurs, la tendance est également dégradée pour les coiffeurs et
soins de beauté proches de 25 jours. |
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Dans l’agriculture,
les comportements de paiement pour l’élevage (13,7 jours) se tendent de
nouveau depuis un an et peinent à rester sous le retard de la moyenne
nationale. Les difficultés sont plus fortes encore pour les cultures (14,3
jours), notamment pour la vigne qui passe la barre des 16 jours en juin. |
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Parmi les autres activités,
les chiffres dérapent dans la santé au-delà de 18 jours de retard désormais, l’action
sociale (16,6 jours) dont en particulier l’aide à domicile qui approche 28
jours, mais aussi les activités culturelles (17,4 jours) ou sportives (17,9
jours). |
Thierry Millon, conclut
: « Facturation
électronique : l’espoir de règlements plus rapides !
La réduction des
retards de paiement est un levier fondamental, stratégique pour la
compétitivité, la confiance et la résilience des organisations. Les dirigeants,
et plus largement les financeurs et l’ensemble des décideurs économiques, ont
un rôle clé à jouer pour faire évoluer les pratiques.
Le retard de paiement
peut s’expliquer par des processus internes technologiques très rigoureux, une
trésorerie fluctuante voire obérée, des services insuffisamment coordonnés
entre les intervenants - de l’acheteur au financier en passant par le juridique
- sans compter les litiges commerciaux et les erreurs de facturation. Le
secteur public n’est pas en reste, l’étude le révèle. Comme dans le privé, le
fournisseur doit composer avec des procédures comptables jugées rigides, un
manque d’effectif parfois et bien entendu la saisonnalité budgétaire. L’arrivée
de la facturation électronique porte cependant un espoir d’amélioration.
Certes, les mauvais payeurs vont toujours faire preuve d’ingéniosité pour justifier de retarder le règlement, mais les autres - les plus nombreux, généralement disciplinés à payer à l’heure une facture non entachée d’irrégularité - devraient recevoir prochainement en majorité des factures conformes et donc payables à l’heure. Il faudra toutefois être patients. »


