Forvis Mazars publie la 15ème édition de son baromètre RSE, qui analyse les publications de
154 entreprises françaises et européennes (dont 68 entreprises
françaises issues du CAC 40,
du SBF 120 ainsi que des grandes ETI).
Pour la première fois,
les grandes entreprises européennes de plus de 500 salariés ont publié leurs
états de durabilité conformément à la directive CSRD (« Corporate
Sustainability Reporting Directive ») et aux normes ESRS (« European
Sustainability Reporting Standards »).
Ce millésime marque un tournant : après
des années d’anticipation limitée, les entreprises ont relevé le défi d’un
reporting riche, structuré et comparable. L’exercice, particulièrement dense et
technique, est néanmoins considéré comme une réussite en matière de
transparence.
Des rapports d’une
qualité inédite
L’an dernier, la
plupart des entreprises avaient choisi de ne pas anticiper les nouvelles
obligations, préférant se limiter à la DPEF (Déclaration de Performance
Extra-Financière). En 2025, la bascule est claire : la quasi-totalité des
entreprises du panel publient des rapports conformes aux exigences européennes.
Les informations attendues, émissions de gaz à effet de serre, description de
la chaîne de valeur, enjeux sociaux, sont désormais présentes, même si
certaines thématiques, comme l’égalité salariale entre les femmes et les hommes
(« gender pay gap »), demeurent difficiles à documenter de manière homogène.
Ces rapports se distinguent par leur densité et leur précision : loin d’être des outils de communication,
ils constituent de véritables documents de référence destinés
aux experts et aux parties prenantes désireuses d’analyser les stratégies de
durabilité.
Ainsi, 99% des entreprises analysées ont publié un bilan carbone
conforme au protocole GHG (Protocole sur les Gaz à Effet de Serre, Protocole
GES ou « GHG Protocol »), et 83% respectent déjà les exigences de la CSRD en
matière de contrôle opérationnel.
Une lecture sectorielle
qui renouvelle l’analyse
Le baromètre innove cette année en privilégiant une lecture sectorielle de la double matérialité, qui permet de mieux apprécier la diversité des enjeux selon les filières. En moyenne, les entreprises du panel ont identifié 46 impacts, risques et opportunités matériels (IRO), avec des écarts notables allant de
11 pour Esso à 119 pour
EDP, révélant la disparité des problématiques rencontrées. La répartition
globale met en évidence une prédominance des impacts négatifs (62%) et des
risques financiers (71%). Cette analyse est d’autant plus robuste que 73% des
entreprises ont consulté leurs parties prenantes externes et 90 % leurs parties
prenantes internes pour conduire leur démarche.
Les spécificités
sectorielles apparaissent nettement : dans l’énergie et la chimie, la complexité des
chaînes de valeur se conjugue à la difficulté de traiter le sujet des
substances préoccupantes, jugé matériel par 82% des acteurs de la chimie et 62%
de l’automobile, même si, dans ce dernier secteur, seule une entreprise sur
quatre a été en mesure de publier des données quantitatives. L’automobile voit
par ailleurs émerger la problématique des microplastiques liés à l’usure des
pneumatiques. Dans la banque et l’assurance, la transparence financière et la
cybersécurité prennent une place croissante, tandis que le numérique se
distingue par une exposition accrue aux risques liés à la protection des
données. Ce prisme sectoriel illustre combien la CSRD prend toute sa portée
lorsqu’elle est appliquée aux spécificités de chaque filière.
Objectifs climatiques
et plans de transition : un tournant
L’une des avancées
majeures de cette édition réside dans l’analyse des objectifs climatiques et
des plans de transition. Pour la première fois, il est possible de comparer
avec précision les ambitions affichées par les entreprises et les trajectoires
qu’elles se donnent. 96 % des acteurs ont désormais défini des objectifs de
réduction, dont 60% alignés avec les Accords de Paris, couvrant un périmètre
matériel et visant une ambition inférieure à 1,5°C sur les scopes 1, 2 et 3, ou
compatible avec le scénario « Well Below 2°C » (WB2°C) sur le scope 3.
Si la quasi-totalité
des entreprises publient un bilan carbone conforme au protocole GHG, seules 33%
ont présenté un plan de transition répondant aux exigences de la directive, et
parmi elles, 26% seulement l’ont rendu pleinement compatible avec une
trajectoire de 1,5°C.
En parallèle, le thème
de l’adaptation fait son apparition. 44% des entreprises évaluent déjà leurs
risques physiques bruts sur leur périmètre opérationnel, mais ce chiffre tombe
à 18% lorsqu’il s’agit de leur chaîne de valeur. Plus frappant encore : aucune
entreprise du panel n’a, à ce stade, publié de véritable politique d’adaptation
au changement climatique. Enfin, l’intégration des enjeux financiers reste
balbutiante : à peine 21% des entreprises ont initié une évaluation des impacts
financiers associés aux risques et opportunités de transition.
Zoom sur les enjeux
sociaux
Au-delà des enjeux climatiques, le baromètre met en lumière les premiers résultats sur les indicateurs sociaux introduits par la CSRD. Le « gender pay gap » est désormais considéré comme matériel par
95% des entreprises du panel. L’écart moyen de
rémunération entre les femmes et les hommes s’élève à 15%, avec des variations
allant de -11 à 41%. Cet indicateur, brut, ne tient toutefois pas compte de
facteurs comme l’ancienneté, la catégorie de postes ou la zone géographique.
Autre nouveauté majeure, le ratio d’équité, qui mesure l’écart entre la rémunération la plus élevée et la rémunération médiane, a été publié par 88% des entreprises. Ce ratio révèle une forte hétérogénéité :
la moyenne atteint 86,22, avec des
extrêmes allant de 4,78 à 614. Ces écarts traduisent des méthodologies encore
très disparates, en particulier sur la prise en compte ou non des éléments de
rémunération variable des dirigeants.
Une charge
réglementaire lourde mais structurante
L’édition 2025 confirme
à la fois l’utilité et la complexité du dispositif. Les entreprises de la
première vague ont dû affronter une réglementation dense et un calendrier
contraint, dans un contexte marqué par les débats européens autour du paquet «
Omnibus » et de la directive « Stop the Clock », qui illustrent la difficulté à
calibrer un cadre exigeant mais réaliste.
Malgré ces ajustements,
la CSRD a atteint son objectif principal : produire une information comparable
et exploitable par les investisseurs, les régulateurs et l’ensemble des parties
prenantes. Les premières conclusions des vérificateurs confirment la qualité du
travail accompli, mais soulignent également les défis persistants. En France,
si 100% des rapports ont fait l’objet d’un avis de conformité, la
quasi-totalité (à deux exceptions près) a comporté au moins une observation.
Celles-ci ont porté principalement sur la conformité aux normes ESRS (96% des
rapports), sur les exigences du référentiel Taxonomie (46%) et sur l’analyse de
double matérialité (27%). Au niveau européen, 19% des rapports d’assurance
limitée incluaient au moins une observation.
Les points d’attention
les plus fréquents concernent les normes ESRS E1, relatives aux émissions de
gaz à effet de serre et aux plans de transition, ainsi que ESRS S1, portant sur
les enjeux sociaux et le personnel de l’entreprise. Ces résultats témoignent
des attentes élevées des régulateurs et de la complexité d’un exercice encore
en phase de maturité.
Pour Edwige Rey, Associée, Responsable RSE & Développement Durable chez Forvis Mazars en France : « Ces premiers états de durabilité montrent la capacité des entreprises à relever un défi réglementaire et organisationnel majeur. Les rapports publiés, denses et techniques, permettent enfin de comparer les stratégies climat et les plans de transition. La CSRD a donc atteint son objectif de transparence, mais le vrai défi commence maintenant : transformer cette conformité réglementaire en leviers concrets de transition et d’adaptation. »


