Par David Kalfon, CFA - Président de
Sanso Longchamp AM
L’été 2025 restera dans
les mémoires : incendies hors de contrôle, températures records, sécheresses
inédites. Chaque année, le dérèglement climatique se confirme, chaque année les
preuves s’accumulent. Le risque climat n’est plus une hypothèse, c’est une
réalité tangible.
Et pourtant… dans le
même temps, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) traverse une crise
de confiance sans précédent.
De l’euphorie à
l’overdose
Entre 2019 et 2020,
l’ISR était partout. Les labels se multipliaient, chaque gestionnaire se disait
pionnier. Au point qu’une véritable “fatigue ISR” est apparue : trop de
discours, trop d’auto proclamations, trop de confusion.
Puis est venu le temps
de la désillusion.
• 2021 : retour brutal de l’inflation. Les valeurs de
croissance, largement plébiscitées par une majorité de gérants ISR,
sous-performent.
• 2022 : guerre en Ukraine, flambée des énergies
fossiles et de l’armement, deux secteurs peu représentés dans la plupart des
portefeuilles ISR.
• 2023-2024 : domination absolue des “Magnificent
Seven” de la tech. Des entreprises où les critères de gouvernance ou sociaux
posent question, et auxquelles la plupart des fonds ISR sont, là encore,
structurellement sous-exposés.
Résultat : plusieurs
années de sous-performance relative pour la majorité des fonds ISR.
Le retour de balancier
Après l’overdose de
communication, place au désamour généralisé.
Certains commentateurs
annoncent la mort de l’ISR, Donald Trump lui-même fait de l’ESG une cible
politique, de grandes banques et de grands gestionnaires d’actifs quittent les
coalitions climatiques et l’appétit des investisseurs pour le sujet décroit. Les
soupçons de greenwashing et le brouillard réglementaire achèvent d’installer un
climat de défiance.
Mais ce désintérêt
tombe au pire moment. Car ignorer les risques climatiques, sociaux et de
gouvernance aujourd’hui, c’est prendre un risque financier majeur demain.
ISR : outil de
conviction et de gestion des risques
L’ISR n’est pas une
mode ou un style de gestion comme un autre. C’est un outil de gestion des
risques, au même titre que la couverture de change ou l’analyse crédit.
Oui, les cycles de
marché peuvent temporairement pénaliser les portefeuilles ISR. Mais intégrer
les critères ESG dans son processus de gestion, c’est mieux identifier les
entreprises résilientes, celles qui ne seront pas frappées demain par des
amendes, des crises de réputation, ou une incapacité à s’adapter à la
transition.
Investir de façon
responsable, ce n’est pas “sacrifier” de la performance : c’est la condition
pour en générer durablement.
Sortir du paradoxe
La finance a un rôle
décisif : elle oriente les capitaux, décide quels projets naissent, quelles
technologies se déploient, quelles entreprises se développent. Renoncer à l’ISR
aujourd’hui, c’est accepter de financer à l’aveugle des modèles qui détruisent
de la valeur à long terme.
Il est temps de
dépasser l’effet de mode, le scepticisme ambiant et les caricatures.
L’ISR n’est ni une vitrine marketing, ni une option morale. C’est une nécessité économique, un impératif stratégique et, tout simplement, une bonne gestion des risques.


