Le point de vue de Sonia Zouari, Manager chez Isospace
Brands.
Alors que les
infrastructures de transport évoluent en véritables pôles commerciaux,
l’aménagement des espaces de travel retail devient un levier stratégique pour
répondre à une double exigence : capter l’attention d’un public en transit,
tout en s’adaptant à des contraintes spatiales et opérationnelles strictes.
Gares, aéroports, terminaux de croisière… Ces lieux, autrefois uniquement dédiés au transit, sont désormais des terrains clés pour le commerce des parfums, spiritueux, tabacs, articles de mode, souvenirs ou équipements high-tech. Porté par le développement du tourisme international, le travel retail s’impose comme un secteur dynamique aux enjeux spécifiques. En France, il génère plus de
6 milliards d’euros de
chiffre d’affaires et représente plus de 100 000 emplois.
Réussir dans cet
environnement exige une expertise technique pointue, des compétences
opérationnelles éprouvées et des accréditations spécifiques, indispensables
pour intervenir dans des zones hautement réglementées où seuls quelques acteurs
sont habilités.
Libérer le potentiel
d’un espace contraint
Dans ces lieux à forte
fréquentation, l’espace est rare, normé, encadré. Les points de vente doivent
composer avec des contraintes strictes : sécurité, accessibilité, gestion
des flux piétons, coexistence avec des mobiliers fixes ou temporaires. À ces
impératifs s’ajoutent des attentes précises en matière de confort, de
lisibilité et de performance commerciale.
Un aménagement
pertinent doit ainsi répondre à plusieurs objectifs simultanés : optimiser
la surface exploitable sans nuire à la fluidité des déplacements, guider le
regard et les parcours, inciter à l’achat sans créer de saturation. Il s’agit
de concevoir un lieu capable de générer de l’émotion tout en restant
performant. Éclairage, acoustique, signalétique, modularité : chaque
élément contribue à transformer un mètre carré en espace stratégique.
Le défi est encore plus
complexe pour les installations éphémères, qui doivent condenser tout l’univers
d’une marque dans des formats réduits, souvent entre 4 et 30 m². L’ADN, le
storytelling et les codes esthétiques doivent y être lisibles en un instant.
Créer une expérience
dans l’instantané
Le voyageur n’est pas
un client ordinaire : il est pressé, parfois stressé, rarement disponible. Il
ne dispose que de quelques minutes pour découvrir un espace de vente, mais
demeure sensible aux achats plaisir ou impulsifs.
Dans ce contexte,
l’espace doit produire un impact immédiat. Cela suppose une scénographie
fluide, une architecture rassurante, une identité visuelle en parfaite
cohérence avec la marque, ainsi qu’un environnement sensoriel maîtrisé. Les
zones de travel retail les plus performantes sont celles qui transforment
quelques mètres carrés en micro-expériences immersives.
Le design doit
suggérer, évoquer, faire rêver — mais sans jamais ralentir le parcours. Cette
exigence est particulièrement marquée chez les maisons de luxe ou les grandes
marques de spiritueux, qui attendent un niveau de finition irréprochable,
parfaitement aligné avec leur image.
L’adaptabilité comme
impératif
Au-delà du design, la
réussite d’un projet repose sur sa capacité à s’adapter aux réalités
opérationnelles du lieu. Les pics de fréquentation liés aux horaires de vols ou
de trains, les normes de sécurité ou les restrictions d’accès impliquent une
organisation millimétrée.
Les installations
doivent pouvoir être montées et démontées rapidement, avec une logistique
anticipée dès la phase de conception. La plupart des interventions ont lieu en
dehors des heures d’ouverture au public, afin de ne pas perturber les flux de
passagers ni l’exploitation aéroportuaire. Pour les installations éphémères,
une fréquence d’intervention mensuelle est généralement observée, le dernier
lundi de chaque mois, selon un planning concerté avec les services
d’exploitation — sauf exception dictée par des impératifs clients.
Vers un travel retail
plus responsable
Dans le travel retail,
la durabilité n’est plus un choix, c’est une exigence. L’usage veut que les
mobiliers soient conçus pour être réutilisés lors de plusieurs activations
successives. Cette approche, aujourd’hui largement intégrée, dans les cahiers
des charges des marques et des fabricants, s’inscrit dans une logique
d’économie circulaire et contribue à réduire l’empreinte carbone des mobiliers
dès leur fabrication.
La conception modulaire
permet de prolonger la durée de vie des éléments, de les adapter aux
différentes configurations d’espace et de répondre à la saisonnalité des
campagnes. Les matériaux éco-conçus sont privilégiés, à condition de répondre
aux exigences réglementaires : sécurité incendie, résistance mécanique,
compatibilité avec les environnements aéroportuaires, etc.
La pérennité des
matériaux, la facilité de remplacement des modules, ou encore leur résistance à
une fréquentation intensive deviennent des critères aussi déterminants que
l’esthétique. L’aménagement n’est plus seulement une question de design, mais
d’intelligence de fabrication.
Le travel retail est
bien plus qu’un canal de distribution : c’est une scène sur laquelle la marque
se met en scène, souvent dans des formats éphémères. Dans un environnement où
l’attention est volatile, chaque espace devient un outil de narration et un catalyseur
d’achat.
Les projets les plus aboutis sont ceux qui réussissent à intégrer cette complexité dans des formes claires et engageantes, où chaque détail — du matériau à la lumière — participe à l’expérience. Dans ces lieux en perpétuel mouvement, l’intelligence de l’aménagement devient un véritable facteur clé de performance.


