Etude de
recherche NEOMA Business School.
Dans
les médias occidentaux, le bitcoin est souvent résumé à un placement
spéculatif. Un actif volatil, réservé aux amateurs de prises de risques. Mais
ailleurs dans le monde, il remplit une fonction bien différente : celle
d’un refuge monétaire face à des économies déstabilisées, des gouvernements
autoritaires ou des monnaies en chute libre.
Tel est le résultat d'une étude internationale impliquant deux chercheurs de NEOMA
Business School, Gabriel A. Giménez Roche et Antoine Noël, qui analysent
comment les conditions économiques et politiques influencent les volumes de
transactions en bitcoin, notamment sur les plateformes décentralisées (DEX),
moins contrôlées par les États.
Le
bitcoin comme rempart contre l’effondrement monétaire
Pourquoi
certains pays échangent-ils massivement du bitcoin, quand d'autres l'ignorent ?
Selon l’étude, plus la liberté monétaire d’un pays diminue, plus les habitants
se tournent vers le bitcoin.
« Dans les contextes d’inflation, de
dévaluation ou de restrictions financières, le bitcoin devient un outil de
préservation de valeur », observent les chercheurs. Au Venezuela, en
Turquie ou en Ukraine, la population utilise cette cryptomonnaie non pour
spéculer, mais pour survivre économiquement.
Ces
usages s’appuient principalement sur les plateformes décentralisées, qui
permettent des échanges sans autorité centrale donc plus difficiles à contrôler
par les gouvernements. À l’inverse, dans des pays comme les États-Unis ou
l’Allemagne, où les institutions financières sont solides et la monnaie stable,
le bitcoin reste marginal et peu échangé.
Contrôler
ou contourner : les stratégies face aux restrictions
Toutes
les restrictions n’ont pas le même effet. Lorsque les États interdisent l’achat
d’actifs étrangers, comme en Chine, l’accès aux plateformes d’échange est
limité et les volumes de bitcoin chutent. Mais lorsqu’ils limitent surtout la
sortie de capitaux, comme en Russie, les citoyens contournent ces blocages via
les DEX, faisant grimper les échanges. « Ce que l’État interdit détermine la
manière dont les citoyens s’adaptent ou s’échappent », expliquent les
chercheurs. Le bitcoin devient alors une porte de sortie informelle, utilisée
pour protéger sa richesse face à des politiques monétaires perçues comme
répressives. Un constat renforcé par le cas du Nigeria, où, malgré
l’interdiction officielle des cryptos depuis 2017, le pays est devenu l’un des
plus grands marchés d’échange décentralisé au monde.
Réguler
sans étouffer : un équilibre à trouver
Face à l’essor des plateformes décentralisées, l’interdiction pure et simple montre ses limites. L’étude recommande donc aux autorités de ne pas lutter contre les usages par la répression, mais d’adapter la régulation aux réalités locales. « Une régulation intelligente doit préserver l’innovation tout en assurant la stabilité économique », insistent les chercheurs. Dans les pays où les institutions sont faibles, le bitcoin peut devenir un levier d’autonomie. Mais sans cadre légal clair, son usage dérive vers l’informel. Les auteurs plaident pour des politiques différenciées selon les contextes, afin de favoriser une utilisation responsable de la cryptomonnaie et d’en limiter les risques.


