Une analyse de Virginie Saks et
Francois Verrecchia, co-fondateurs de Compagnum, cabinet de conseil et d'étude
sur la réindustrialisation.
Une récente commission d'enquête du Sénat estime à 211 milliards d'euros le budget dépensé chaque année au titre des aides publiques attribuées aux entreprises, pour la bagatelle de 2200 dispositifs d'aides recensés.
Alors que les opinions
s'échauffent sur le budget de la France, les gros chiffres font tourner la
tête. A titre d'exemple, les dépenses de l'Etat concernant l'éducation
s'élevaient (seulement) à 189 milliards d'euros en 2023.
Il faut écouter les
auditions de la commission d’enquête pour finir d'être surpris ; la quasi-totalité
des auditionnés confirment qu'il serait de bon aloi de conditionnaliser les
aides à des obligations de retombées économiques pour la France. Voire,
pourquoi pas, de rembourser les aides reçues en cas de licenciement ou de
délocalisations. Une orientation politique qui permettrait de soutenir
l’équilibre des finances publiques sans grand risque de censure…
Car il est vrai que
l'Etat ne sait être ni prêteur ni client. L'Etat donne sans attendre, a mi-chemin
entre redistribution louable et timidité maladive. Est-il si malvenu que cela
de s'assurer que les créations d'emplois annoncées sont devenues réalité ? Ou
que les aides publiques se traduisent dans un ruissellement auprès des chaînes
de valeurs économiques territoriales ?
La France est le pays
dans lequel les prélèvements obligatoires atteignent des sommets ; cela ne peut
se concevoir que si nous apprenons à redistribuer auprès des entreprises qui
auront le meilleur impact.
Il faut donc
conditionner les aides publiques à une contribution à la cohésion territoriale
et au pouvoir d'achat des Français. C’est ce que nous appelons le “dividende
territorial” : qu’il s’agisse d’investissements productifs ou de
philanthropies, les entreprises financent des actions de développement local.
Ces entreprises doivent en particulier être favorisées dans l’attribution
d’aides publiques.
Quelques propositions
pour suivre l’attribution des aides publiques :
• Garantir dans la durée l'emploi et
l'employabilité de nos concitoyens.
Par exemple : l’entreprise
investit-elle dans des formations sur des métiers d’avenir tels que l’usinage,
la soudure, la transition énergétique, l’industrie circulaire… ?
• Soutenir à court et moyen terme le pouvoir
d'achat des Français.
Par exemple : l’entreprise
alimente-t-elle un réseau de chaleur urbain ? Finance-t-elle des associations
d'insertion locale via un fonds de dotation ? Offre-t-elle une bourse d’étude
aux enfants de ses collaborateurs ?
• Soutenir les entreprises qui affichent de la
fabrication française, depuis le marquage des douanes jusqu’à la certification
Origine France Garantie
• Valoriser la capacité d'entraînement des
chaînes de valeur économiques locales.
Par exemple : l’entreprise a-t-elle collaboré avec des TPE locales dans
ses projets d'innovation ? Travaille-t-elle avec des PME locales pour la
construction de son usine ?
L’Etat doit également
outiller les collectivités dans la négociation de contreparties lorsque de
grands projets financés par l’Etat s’implantent sur leur territoire. Par
exemple, s’assurer que les data centers s’intègrent-ils dans le paysage ?
Vont-ils contribuer au fonctionnement d’infrastructures locales telles que des
serres agricoles ou des équipements sportifs nécessitant un apport de chaleur ?
Un budget équilibré, c’est un État gestionnaire qui ose demander des contreparties financières en s’appuyant sur les compétences de ses agences et opérateurs, sans reporting excessif et en toute transparence au préalable sur les attendus. C’est le minimum pour une France qui se revendique de la “start-up nation”.


