87% des entreprises
américaines renforcent discrètement leurs investissements RSE malgré les
incertitudes réglementaires du marché.
Face aux risques
croissants dans les chaînes d’approvisionnement, les dirigeants misent sur la
durabilité comme levier de compétitivité et de résilience.
Alors que le débat sur
l’avenir des réglementations ESG s’intensifie aux États-Unis, 87% des
entreprises américaines déclarent avoir maintenu ou augmenté leurs
investissements en matière de durabilité cette année. C’est ce que révèle la
nouvelle étude publiée par EcoVadis, U.S. Business Sustainability Landscape
Outlook 2025, fondée sur les réponses de 400 dirigeants de grands groupes
américains
(+1 milliard $ de chiffre d’affaires).
Le retour de Donald
Trump à la présidence a profondément modifié le paysage réglementaire et
politique autour des enjeux ESG. Dès son investiture, l’administration a engagé
un démantèlement systématique des politiques climatiques, sociales et de
diversité : retrait de l’Accord de Paris, suppression des programmes fédéraux
DEI, pressions exercées sur les entreprises et les investisseurs engagés dans
la finance durable. Dans ce climat de polarisation extrême, les entreprises
redoutent d’être ciblées pour leurs engagements environnementaux ou sociaux.
Un engagement renforcé… mais plus discret
L’étude met en lumière un phénomène croissant de
"greenhushing" : une stratégie adoptée par certaines entreprises qui,
tout en poursuivant leurs efforts en matière de développement durable,
choisissent de ne plus communiquer publiquement sur leurs engagements.
● 31% des dirigeants
affirment continuer à investir dans la durabilité tout en réduisant leur
communication publique sur le sujet, voire en la supprimant complètement pour 8%
d’entre eux.
● 7% disent avoir
réduit leurs efforts concrets.
● 6% considèrent encore
la durabilité comme une simple exigence minimale de conformité.
Ce phénomène s’impose
comme une réponse stratégique à un contexte politique incertain, où afficher
ses convictions ESG peut entraîner des coûts réputationnels, juridiques ou
financiers importants.
La durabilité toujours
considérée comme moteur de performance :
● Pour 65 % des
répondants, la durabilité des chaînes d’approvisionnement constitue un
véritable avantage concurrentiel, permettant à la fois une meilleure gestion
des risques, une optimisation des coûts et un renforcement de l’image de
marque.
● Cette vision est
particulièrement partagée par les directions financières : plus d’un CFO sur
deux (52%) considère la RSE comme un vecteur de croissance.
Une remise en cause des
régulations perçue comme un risque pour la croissance et les salariés :
● Alors que certaines
juridictions américaines remettent en question les cadres réglementaires ESG,
près de la moitié des dirigeants (47%) redoutent que leur suppression
n'entraîne davantage de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.
● Par ailleurs, 59%
s’attendent à une hausse des pratiques de travail abusives si les exigences de
transparence reculent.
Des entreprises en
difficulté face aux exigences réglementaires internationales :
● Seules 13% des
entreprises interrogées affirment être prêtes à se conformer aux exigences des
quatre grandes réglementations ESG en vigueur ou à venir : la CSRD et le CBAM
en Europe, la SB-253 en Californie et la Loi canadienne sur l’esclavage
moderne.
● Jusqu’à 19% n’ont pas
encore entamé la collecte de données ESG sur leurs fournisseurs.
Les outils technologiques à la rescousse des données ESG
Malgré les lacunes persistantes
dans la qualité des données (un tiers des dirigeants admettent avoir communiqué
des chiffres seulement estimés, et non mesurés), les entreprises accélèrent
l’investissement dans les technologies ESG :
● 57% utilisent des
outils de cartographie des risques ESG,
● 49% ont mis en place
des plateformes d’engagement fournisseurs,
● 34% s’appuient sur
des outils de cartographie des bases fournisseurs,
● 32% recourent à des
audits sur site.
● Au total, 89%
prévoient d’accroître leurs investissements technologiques ESG dans les 12
prochains mois.
« Derrière les
polémiques, les dirigeants font un constat simple : la durabilité est
aujourd’hui un facteur clé pour maintenir la fluidité des chaînes
d’approvisionnement et répondre aux attentes des clients, résume
Pierre-François Thaler, cofondateur et co-CEO d’EcoVadis. Les entreprises
les plus avancées investissent dans des solutions concrètes pour évaluer la
performance de leurs fournisseurs, anticiper les risques et s’adapter aux
nouvelles exigences réglementaires ».
Cette prudence et cette
discrétion des entreprises américaines trouvent un écho dans les marchés
financiers : en 2025, les émissions d’obligations vertes aux États-Unis ont
chuté de 43%, et le pays ne représente plus que 9% du marché mondial, contre 14%
en 2021.
Le phénomène de “greenhushing” ne se limite plus à la communication : il influence désormais les décisions financières, comme le choix de ne plus recourir aux obligations vertes ou de sortir des alliances climatiques. Pour beaucoup d’entreprises américaines, il ne s’agit plus de mettre en avant leurs engagements, mais de continuer à agir discrètement, en se concentrant sur les retombées économiques concrètes de leurs actions responsables.


