Baromètre
des levées de fonds In Extenso Innovation Croissance (publication signée de son
espace collaboratif In Lab), ESSEC Business School et France Angels - Bilan du
1er semestre 2025.
Au premier semestre
2025, le capital-risque en France subit une contraction brutale : -34% en
montants levés et -60 % en nombre de deals, une baisse plus marquée qu’en
Europe (-12% de montants levés et
-44% d’opérations). Mais derrière ce repli
conjoncturel, une transformation stratégique est à l’œuvre : les investisseurs
se recentrent sur les scale-ups, les technologies souveraines et les secteurs
perçus comme résilients ou structurants.
Cette recomposition se
manifeste par :
• une polarisation accrue sur le late stage,
avec 65% des montants concentrés sur des séries B et plus ;
• un effondrement des tours early-stage, au T2 2025, où les levées d’amorçage chutent de 42% ;
• une présence renforcée des fonds étrangers
sur les méga-deals stratégiques (quantique, IA, climat) ;
• un recul préoccupant des corporate Venture
Capitalists (VCs) et des financements dans les Cleantech, sauf pour quelques
champions industriels.
L’intelligence
artificielle tire le marché mondial : elle capte près d’un quart des capitaux levés
en France (50% au niveau mondial, 30% au niveau européen), avec des opérations
comme Veesion (38 M€), Maki (26 M€) ou Bioptimus (30 M€), qui restent loin des
méga-levées observées sur 2024 (500 M€ pour Mistral AI, 500 M€ pour Poolside
AI…).
À l’inverse, la
fintech, la santé (hors IA) et les modèles capitalistiques lourds peinent à
mobiliser de nouveaux financements. L’early-stage ne tient que par la mobilisation
du capital public (Bpifrance, SATT, French Tech Seed) et d’un maintien de
l’activité des Business Angels.
La situation française
s’inscrit dans une tendance mondiale : sélectivité accrue, concentration des
capitaux, montée des tickets moyens. Si l’Europe affiche une baisse modérée
(-12 %), les États-Unis amorcent un léger rebond en volume grâce aux
perspectives de liquidités dans la lignée des IPOs (Initial Public Offering :
introductions en bourse) (Reddit, Rubrik – en S2 2024) et à des levées géantes
en IA (xAI – 6 Md$, Anthropic – 4 Md$) et sur le secteur de la défense (Anduril
– 2,3 Md€). L’Asie joue un rôle croissant dans les co-investissements
stratégiques, dans la continuité de la tendance de 2024.
Enfin, la mortalité des
entreprises augmente de manière inquiétante (+11% selon la Banque de France entre
S1 2024 et S1 2025), avec des premières prémisses de difficultés particulières
rencontrées par les jeunes entreprises innovantes, en lien avec la contraction
du financement en amorçage. La création de nouveaux fonds reste également en
deçà des besoins, malgré des signaux de reprise légère au T2 2025 en Europe.
Le S1 2025 marque donc
un tournant stratégique : les fonds arbitrent plus sévèrement, cherchent la
résilience, et privilégient les champions déjà identifiés. L’enjeu pour
l’écosystème français est clair : garantir un continuum de financement, du
pré-amorçage à l’industrialisation, pour ne pas sacrifier l’avenir sur l’autel
de la prudence.
Le second semestre 2025
devrait confirmer certaines dynamiques observées depuis le début de l’année, tout en ouvrant
quelques marges de manœuvre stratégiques si les leviers monétaires, politiques
ou réglementaires s’activent à temps.
Les investisseurs
scruteront en particulier
• Les décisions des banques centrales :
une détente monétaire attendue dès l’automne (BCE, Fed) pourrait
progressivement alléger le coût du capital et relancer les perspectives de
sortie.
• La poursuite des IPOs américaines : le
retour des cotations (31 Md$ sur S1 2025, le plus élevé depuis 2021) pourrait
raviver l’intérêt des LPs pour les véhicules VC européens en offrant des
perspectives de liquidité.
• Les choix politiques français : les
incertitudes issues des législatives ralentissent plusieurs dispositifs publics
clés, susceptibles d’impacter les financements deeptech ou régionaux.
• Le redéploiement du capital étranger : les
fonds américains et asiatiques resteront actifs sur les dossiers jugés
stratégiques (IA, santé, climat), mais leur sélectivité croissante pourrait
accentuer les inégalités d’accès au capital.
• La résilience des nouveaux fonds VC : la relance amorcée au T2 2025 devra s’ancrer sur des véhicules orientés early stage, sous peine d’un décrochage structurel des jeunes pousses.



