« Révéler ce qui ne se voit pas », étude iThylo
par APERLI
Chiffres clés
• +107% de tests positifs à l’alcool ou aux
stupéfiants depuis 2017
• 13 fois plus de cas positifs à la cocaïne en
2025
• 1 salarié sur 5 testé positif sur certains
chantiers de nuit
• 31% des cas positifs à la cocaïne sont des
intérimaires (pour 15% de l’échantillon)
• 5,3% de positivité globale en 2025, contre
2,6% en 2017
iThylo par APERLI,
acteur de référence du dépistage en entreprise, dévoile les résultats de son
étude « Révéler ce qui ne se voit pas », fondée sur l’analyse de 110 884
dépistages inopinés réalisés entre 2017 et avril 2025 en entreprises.
Ce
travail de fond met en lumière une progression alarmante mais largement
sous-estimée : en huit ans, les tests positifs à l’alcool ou aux stupéfiants
ont augmenté de +107%, avec notamment 13 fois plus de cas positifs à la cocaïne
en 2025.
Les données montrent
que les dépistages réalisés après 17h enregistrent un taux de positivité à
l’alcool multiplié par deux par rapport aux autres plages horaires. Ces
résultats pointent une consommation banalisée, souvent silencieuse, parfois
collective, qui s’ancre dans les fragilités structurelles du monde du travail
et met en lumière les angles morts des politiques de prévention classiques.
« Le dépistage n’est
pas un piège, ni une stigmatisation. C’est un électrochoc bienveillant. Il
révèle ce que le collaborateur n’ose pas dire, ce qu’il cache sous pression,
par solitude ou en état d’épuisement. À nous de transformer ce moment en main
tendue. »
pointe Jean-Jacques Cado, Président d’iThylo (APERLI)
Consommation en hausse
: un
signal faible devenu phénomène systémique
Ce que l’étude révèle,
ce n’est plus une série de cas isolés, mais une dynamique massive et
persistante. En huit ans, le taux de positivité aux substances psychoactives
(alcool + stupéfiants) est passé de 2,6% en 2017 à 5,3% en 2025, soit une
augmentation de 107%.
Parmi les substances
les plus en hausse, la cocaïne illustre à elle seule cette mutation des usages
: 13
fois plus de cas positifs en 2025. Si cette drogue semblait autrefois réservée
à certains milieux festifs ou cadres urbains, elle s’est aujourd’hui installée
jusque sur les chantiers, dans les entrepôts ou les ateliers, comme en
témoignent plusieurs cas groupés.
Le cannabis reste la
substance la plus dépistée (1,8% des tests positifs), avec une répartition plus
homogène dans le temps. L’alcool, quant à lui, enregistre un net pic en soirée,
notamment après 17h et les vendredis, avec des taux jusqu’à deux fois
supérieurs à la moyenne.
« Nous pensions l’usage
de cocaïne marginal en entreprise. C’est désormais une réalité présente sur les
chantiers, les sites industriels et parfois même dans les bureaux. » s’alarme
Jean-Jacques Cado
L’impact Covid : une
rupture dans les usages
L’étude observe une
hausse nette des cas positifs à partir de 2022, marquant une rupture claire
avec la période pré-Covid. Entre 2017 et 2021, les taux restaient relativement
stables et linéaires. En comparaison, la période 2022–2024 affiche +43% de cas
positifs à l’alcool et +52% aux stupéfiants, toutes substances confondues.
Cette évolution laisse
penser que la crise sanitaire a entraîné un basculement durable des usages, lié
à l’accumulation de stress, à la perte de repères collectifs, à l’isolement
prolongé et à l’émergence de formes d’épuisement psychique persistantes.
Les profils précaires :
une surexposition chiffrée aux risques d’addiction
L’étude met en évidence
une vulnérabilité marquée des travailleurs précaires – notamment les
intérimaires – face aux consommations d’alcool et de stupéfiants en milieu
professionnel. Bien qu’ils ne représentent que 15% de l’échantillon total, ils
concentrent à eux seuls :
• 25% des cas positifs au cannabis,
• 31% des cas positifs à la cocaïne, et
• 18%
des cas positifs à l’alcool.
Ces chiffres révèlent
un déséquilibre structurel, renforcé par des conditions de travail souvent plus
difficiles : horaires décalés, isolement, logements collectifs temporaires,
faible intégration aux collectifs et manque d’accès à l’information. Des cas de
consommation de groupe ont notamment été observés sur des chantiers de nuit, où
la prise de substances sert parfois de rituel ou de soupape.
À titre de comparaison,
les salariés en contrat (CDI/CDD), qui représentent 74% des personnes testées,
concentrent 66% des cas de stupéfiants et 76% de l’alcool, tandis que les
prestataires et sous-traitants (11%) totalisent 9% des stupéfiants et 6% de
l’alcool.
En parallèle, 53% des
intérimaires déclarent ne pas savoir vers qui se tourner en cas de souffrance
liée à une consommation, faute de référents, de relais ou d’actions de
prévention ciblées. Beaucoup craignent aussi que se signaler leur coûte leur
mission.
« L’efficacité d’une
politique de prévention se mesure à sa capacité à atteindre les plus fragiles.
Exclure les intérimaires, c’est créer des angles morts où les risques
explosent. », insiste
Jean-Jacques Cado
Horaires, régions,
conditions de travail : les marqueurs silencieux du risque
L’étude « Révéler ce
qui ne se voit pas » met en évidence une autre facette du phénomène addictif au
travail : la consommation de substances psychoactives varie fortement selon les
contextes spatio-temporels et les environnements professionnels. Ces différences
révèlent des vulnérabilités invisibles mais constantes dans l’organisation du
travail.
Des pics nets en soirée
et en horaires décalés
Les données montrent
que les dépistages réalisés après 17h enregistrent un taux de positivité à
l’alcool multiplié par deux par rapport aux autres plages horaires. Ce
phénomène s’accentue sur les équipes de nuit, souvent moins encadrées et plus
isolées, où les tests révèlent jusqu’à 1 salarié sur 5 positif sur certains
chantiers. La consommation nocturne concerne aussi les stupéfiants : en
regroupant les résultats entre 22h et 1h, le taux de positivité moyen aux
drogues atteint 5,3%, bien au-dessus de la moyenne globale. Ces chiffres
suggèrent une utilisation des substances comme outil de compensation : pour
rester éveillé, tenir physiquement, gérer l’ennui ou simplement s’extraire d’un
rythme pénible.
« On voit très
clairement que la consommation se déplace là où le regard s’éteint. Moins de
supervision, plus de fatigue, plus de tentations. C’est un terrain fertile pour
les comportements à risque. » poursuit Jean-Jacques Cado
Des disparités
régionales marquées
Sur le plan
géographique, l’étude révèle des écarts significatifs entre régions. La
Bretagne se place en tête du classement avec 6,6% de tests positifs (alcool et
stupéfiants cumulés), suivie du Centre-Val de Loire à 5,9%. En queue de
peloton, la Nouvelle-Aquitaine présente un taux de 2,8%, soit plus de deux fois
inférieur à celui de la Bretagne.
Ces variations peuvent
s’expliquer par une combinaison de facteurs : types d’activités dominantes,
accessibilité des produits, traditions sociales locales, mais aussi par le
degré de maturité des entreprises locales en matière de prévention.
Un pic préoccupant à
l’automne
Enfin, la dimension
temporelle de l’année révèle une autre tendance : le mois d’octobre enregistre
le taux le plus élevé de tests positifs, atteignant 7,2%. Ce pic saisonnier
pourrait s’expliquer par un cumul de fatigue post-rentrée, des pics d’activité
dans certains secteurs ou encore une baisse de vigilance organisationnelle à
cette période.
« Il faut apprendre à
lire ces signaux faibles comme des indicateurs d’ambiance sociale et de climat
interne. Derrière chaque pic statistique, il y a une mécanique
organisationnelle à repenser. » commente Jean-Jacques Cado
Dépister, oui. Mais
surtout accompagner
L’étude ne se limite
pas à dresser un constat : elle révèle l’importance de l’accompagnement
post-dépistage. Depuis 2024, iThylo a mis en place une ligne d’écoute
confidentielle, permettant aux collaborateurs concernés d’engager un échange
avec un professionnel de santé, parfois pour la
première fois.
« Le test n’est qu’un
point de départ. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait : un déclencheur de
prise de conscience, pas un blâme. » insiste Jean-Jacques Cado
Changer de cap : pour
une prévention crédible et utile
L’étude met en lumière
un paradoxe fréquent dans les entreprises : des politiques affichées, mais peu
incarnées. Trop souvent, la prévention se résume à quelques séances ponctuelles
ou à une communication désincarnée.
Pour être efficace, une
politique de prévention des addictions doit être :
• Inclusive : tous les statuts doivent
être intégrés (intérimaires, sous-traitants…)
• Contextualisée : adaptée aux réalités
du terrain
• Professionnalisée : confiée à des
intervenants qualifiés et légitimes
• Portée : soutenue par des managers
formés et impliqués
• Suivie : avec des dispositifs d’écoute
et de retour d’expérience
« Une affiche dans le couloir n’a jamais protégé personne. Ce qui compte, c’est la posture de l’organisation, la capacité à voir, entendre et agir. », pointe Jean-Jacques Cado.