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[Tribune] Protéger l’espace numérique européen par une riposte progressiste

Par Pierre Jouvet, Député européen

 

En janvier, l’investiture de Donald Trump en tant que Président des Etats-Unis d’Amérique s’est tenue en grande pompe, avec l’omniprésence et le soutien financier des Big Tech. Ce moment médiatique était loin d’être anodin.

 

Le passage à l’offensive de l’administration Trump, depuis, a dévoilé l’agenda politique des Big Tech américaines : faire cesser l’application de la législation sur les services numériques - le DSA - celle sur les marchés numériques - le DMA - sans oublier celle sur l’Intelligence artificielle - car elle freinerait l’innovation. C’est l’ensemble des règles européennes établies pour réguler les grandes plateformes du numérique qui sont attaquées.

 

Fin de la vérification des faits par Meta, discours sur la désinformation par le Vice-Président américain J.D. Vance à la Conférence de Munich, provocations d’Elon Musk, conseiller de l’administration Trump, avec sa promotion de l’expression de l’extrême droite sur son réseau social X... Nous sommes ici face à une véritable croisade en faveur des intérêts financiers et économiques américains, contre les règles d’intérêt général veillant à assurer un environnement numérique plus protecteur et plus inclusif en Europe.

 

En effet, pour rappel, le DSA vise à obliger les plateformes de médias sociaux à modérer leur contenu en ligne et à garantir la transparence de leurs algorithmes, quand le DMA veut garantir des règles de concurrence loyale, et la transparence dans les publicités en ligne. La loi sur l’Intelligence artificielle, garantit quant à elle, l’engagement de l’Europe en faveur d’une IA digne de confiance et centrée sur l’humain.

 

Face aux attaques répétées et à cette menace latente, notre délégation et notre groupe au Parlement européen restent fermes, et nous demandons une application méthodique des règles adoptées lors de la précédente législature, quitte, en cas de non-conformité avec ces règles, à taxer fortement ces entreprises sur leur chiffre d’affaires - jusqu’à 6% de leurs gains mondiaux, comme le prévoient ces règlements. C’est absolument nécessaire pour s’assurer que ces règles soient respectées, et que cet arsenal législatif ne reste pas un tigre de papier. Nous poursuivrons notre combat pour que les Européens puissent naviguer, consommer et communiquer en ligne d’une manière plus facile et plus sûre dans toute l’Union.

 

Cela est d’autant plus crucial que les menaces sont nombreuses et évoluent constamment. Elles proviennent tant de l’intérieur, que de l’extérieur de l’Europe, avec des interférences géopolitiques employant des moyens hybrides, comme en Roumanie à l’automne 2024, où le second tour de l’élection présidentielle a dû être annulé en raison de graves soupçons de manipulation de l’opinion publique par la Russie sur la plateforme chinoise Tik-Tok.

 

La Commission doit conclure en toute indépendance et en toute intégrité les enquêtes qu’elle a ouvertes sur des soupçons légitimes. En parallèle, elle ne doit pas plier dans le bras de fer imposé par Trump, avec sa guerre, ou devrait-on dire son terrorisme, commercial.

 

Non, malgré le répit déclaré par l’administration Trump sur les hausses des tarifs douaniers, nous ne devrions pas nous laisser amadouer et rassurer. Le programme de campagne de notre liste pour les élections européennes s’impose à nous : il est temps de réveiller l’Europe, pour qu’elle ne soit plus la grande naïve de la mondialisation, vis-à-vis des Etats-Unis comme du reste du globe. Nous devons gagner notre autonomie et défendre notre souveraineté. C’est important maintenant. Ça le sera encore plus pour le long terme.

 

Défendre le DSA, le DMA et l’IA Act : ce sont des batailles-clés pour protéger nos valeurs. Cependant, nous, délégation française du groupe Socialistes et Démocrates au Parlement européen, nous voulons aller plus loin et si je vous invite à prendre connaissance du Papier de position de notre groupe sur ce sujet, je veux également partager avec vous trois propositions-clés que nous portons dans ce combat.

 

Tout d’abord, au lieu de céder sur l’application du DSA, nous appelons la Commission à l’imposer, et à protéger encore mieux nos citoyens contre des problèmes graves - du design des interfaces à la désinformation - à l’aide d’une loi sur l’équité numérique, un Digital Fairness Act.

 

Ensuite, les plateformes de réseaux sociaux qui ne respectent pas nos règles devraient être interdites d’activité en Europe - le Brésil l’a fait avec X quand c’était nécessaire, nos États membres peuvent faire preuve du même courage. Nous devons mettre fin aux modèles d’affaires abusifs et toxiques qui menacent nos démocraties et la santé mentale de nos citoyens. Cependant, nous avons aussi besoin d’alternatives européennes pour garantir la liberté d’expression pour toutes et tous, dans un environnement en ligne sûr, inclusif et respectueux.

 

Enfin, nous proposons le développement d’une infrastructure numérique publique, fédérée et sécurisée, fondée sur les normes réglementaires européennes, qui inclurait le lancement d’un Fonds pour la souveraineté numérique à partir du budget de l’UE. Ce fonds servirait à débloquer les investissements nécessaires à la construction d’un écosystème numérique européen. Les marchés publics peuvent également être un levier stratégique pour atteindre cet objectif, et je le défendrai en tant que chef de file pour mon groupe sur un rapport d’initiative du Parlement européen sur les passations de marchés publics.


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