Par Silvia Versiglia, Directrice
Juridique chez Orisha Real Estate.
Aux États-Unis, une
maison a récemment fait la une : ses photos avaient été entièrement retouchées
par intelligence artificielle. Jardin luxuriant, piscine scintillante, murs
flambant neufs… sauf que rien de tout cela n’existait.
Un détail ? Pas
vraiment.
Car la frontière entre la mise en scène et la tromperie devient chaque jour
plus floue. Et en France, la question mérite d’être posée : jusqu’où peut-on
aller pour “embellir” un bien immobilier à l’aide de l’IA ?
Une pratique non
encadrée, mais pas sans risque
À ce jour, aucune
disposition spécifique du droit français ne vise directement l’utilisation de
l’IA pour modifier des photos immobilières.
Mais cela ne veut pas
dire que tout est permis.
Deux piliers juridiques
viennent encadrer, en creux, cette pratique :
1. L’obligation
d’information et de loyauté de l’agent immobilier (loi Hoguet).
Le professionnel doit
garantir l’exactitude des informations qu’il communique. Publier une image qui
ne reflète pas la réalité du bien, c’est manquer à ce devoir de loyauté.
2. L’interdiction des
pratiques commerciales trompeuses (articles L.121-2 et suivants du Code de la
consommation).
Est considéré comme trompeur tout message, photo comprise, susceptible
d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du
bien.
En clair : une photo générée ou
retouchée par IA peut engager la responsabilité de l’agent si elle altère la
perception réelle du logement.
Entre “mise en valeur”
et tromperie manifeste
Le droit tolère une
certaine mise en scène, à condition qu’elle reste fidèle à la réalité.
Ce qui est acceptable :
• Ajuster la luminosité, le contraste,
redresser les perspectives.
• Améliorer la netteté ou corriger un léger
déséquilibre visuel.
• Proposer un “home staging virtuel” ou un ameublement par
IA, à condition d’en informer clairement le futur acquéreur (“image retouchée
par IA/suggestion d’aménagement”).
Ce qui devient trompeur :
• Supprimer des fissures, taches d’humidité, ou
un vis-à-vis gênant.
• Élargir artificiellement une pièce ou “verdir” un jardin
en friche.
• Ajouter une piscine, une cheminée ou une
terrasse inexistante.
À partir du moment où
la retouche altère la substance du bien, on ne parle plus de communication,
mais de dissimulation.
Des sanctions lourdes à
la clé
L’agent immobilier est
responsable du contenu de ses annonces, même si les photos proviennent du
vendeur ou d’un prestataire.
En cas de manquement,
il risque :
• Des sanctions pénales : jusqu’à 2 ans de
prison et 300 000€ d’amende (ou 10% du CA annuel).
• Des sanctions civiles : annulation de la vente
et / ou des dommages et intérêts.
• Des sanctions disciplinaires : avertissement,
suspension, voire retrait de la carte professionnelle.
L’IA, oui, mais sous
contrôle humain
En conclusion,
l’intelligence artificielle offre des outils puissants pour valoriser un bien.
Mais la transparence reste la meilleure alliée du professionnel.
Dans un marché où la
confiance est essentielle, l’IA ne doit pas servir à travestir la réalité, elle
doit simplement aider à la présenter sous son meilleur jour.
En somme : l’IA ne
dédouane pas de la déontologie.
Et la plus belle image restera toujours celle de la confiance.


