Cette
année, la Loi de finances n’a été votée qu’en février, entraînant des
incertitudes jusqu’au dernier moment.
Philippe Hupé et Bertrand Sers, associés fiscalistes Walter France, ont
présenté, lors d’un webinaire qui rassemblait plus de 300 entrepreneurs, les
principales dispositions de la Loi de finances 2025 qui s’appliquent aux
entreprises.
Cette année, certaines
dispositions de la Loi de finances sont favorables aux entreprises, d’autres
moins !
> Instauration d’une
contribution exceptionnelle sur les bénéfices
Une contribution
exceptionnelle sur les bénéfices est créée, mais elle ne concerne que les
grandes entreprises qui réalisent plus d’un milliard de chiffre d’affaires.
Elle est calculée sur
une moyenne de l’IS (impôt sur les sociétés) des deux derniers exercices
comptables, et son taux est de 20,6% pour les entreprises dont le chiffre
d’affaires est compris entre
1 et 3 milliards d’euros, et de 41,2% pour les
entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur
3 milliards d’euros. Il
existe un dispositif de lissage permettant de limiter les effets de seuils.
Ce qui est important à
signaler, c’est l’impossibilité, pour cet impôt, d’imputer des crédits
d’impôts. Comme pour la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus pour
les particuliers, la logique est d’empêcher l’optimisation fiscale pour les «
très riches » !
Par ailleurs, un
acompte par anticipation de 98% devra être réglé en fin d’année.
Mais les TPE-PME
françaises, compte tenu des seuils élevés de chiffre d’affaires, ne sont donc
pas concernées.
> Adhérer à un
centre de gestion agréé devient sans objet
Rappelons que
l’adhésion à un CGA (centre de gestion agréé) ou AGA (association de gestion
agréée) permettait aux TPE de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu
pouvant aller jusqu’à 915 euros, pour les dépenses de tenue de comptabilité et
d’adhésion à ces organismes. Cet avantage est supprimé à compter de
l’imposition des revenus 2025.
Cette suppression remet
en cause l’intérêt, pour les TPE, d’adhérer à un tel organisme…
> Rabotage du crédit
impôt recherche
La Loi de finances pour
2025 aménage le crédit d’impôt recherche en supprimant la prise en compte d’un
certain nombre de dépenses.
A été notamment
supprimée la possibilité de doubler les dépenses liées à la première embauche
des doctorants durant les 24 premiers mois. Deuxième rabotage : jusqu’à
présent, le taux forfaitaire de prise en compte des dépenses de fonctionnement
était de 43% des dépenses de personnel. Ce taux est abaissé à 40%.
Et enfin, certaines
dépenses ne peuvent plus être prises en compte, notamment :
- toutes les dépenses
liées aux brevets : frais de prise et de maintenance des brevets, dotations aux
amortissements de brevets, etc.
- les entreprises
pouvaient affecter jusqu’à 60 000 euros de dépenses liées à la veille
technologique ; cette « enveloppe » a été supprimée.
Une incertitude perdure
: la Loi de finances ayant été votée le 15 février, on ne sait pas si ces
dispositions s’appliquent à compter du 15 février, ou pour toute l’année 2025.
Par ailleurs, la Loi de
finances pour 2025 précise la notion de « subvention publique » : il
s’agit de toutes les aides versées par les personnes morales de droit public ou
par les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service
public.
> Prorogation du
crédit d’impôt innovation
Ce crédit d’impôt était
menacé mais il est finalement prorogé de trois ans jusqu’au 31 décembre 2027.
C’est une bonne nouvelle pour les PME, même s’il est lui aussi raboté dans le
sens où le taux des dépenses éligibles passe de 30 à 20%, et toujours dans la
limite de 400 000 euros à compter du
1er janvier 2025.
> Seuils rabaissés
pour les auto-entrepreneurs
Les auto-entrepreneurs
ne déclarent pas la TVA, et ne la collectent pas non plus, à condition qu’ils
ne dépassent pas un certain montant de chiffre d’affaires. Ces seuils allaient
de 36 800 à 101 000 euros selon la nature de l’activité. Ils sont drastiquement
rabaissés à un plafond unique de 25 000 euros, et sans distinction entre la
nature des activités exercées.
Ce sont près de 250 000
entrepreneurs qui sont concernés. La France fait le choix de s’aligner sur les
seuils européens de 25 000 euros. Cela va entraîner une complexité accrue pour
certains auto-entrepreneurs qui vont devoir faire une déclaration de TVA.
Face à la contestation
que cette mesure a soulevée, elle est suspendue jusqu’au 1er juin
2025. Selon la Fédération des auto-entrepreneurs, ce serait un
auto-entrepreneur sur cinq qui devrait basculer en régime réel de comptabilité.
> Aménagements du
régime simplifié d’imposition pour la TVA
Jusqu’à maintenant, les
entreprises qui ont choisi ce régime versaient deux acomptes dans l’année et
une régularisation en mai de l’année suivante.
A partir de 2027, on
bascule dans un régime réel. Il n’y aura plus de notion d’acompte. En fonction
d’un seuil qui sera a priori d’un million d’euros, soit l’entreprise devra
faire des déclarations mensuelles, comme le réel normal en fait, soit, si elle est
en-dessous de ce seuil, elle devra faire des déclarations
« réelles »
trimestrielles. C’est une nouvelle manière de fonctionner, en réel, qui évitera
peut-être certains décalages, certaines problématiques de trésorerie au niveau
des entreprises.
> Lutte contre la
fraude à la TVA pour les commerçants
Pour lutter contre la
fraude à la TVA, pour prouver que leur logiciel de caisse était conforme, les
commerçants pouvaient jusqu’alors fournir une attestation individuelle de
l’éditeur du logiciel lui-même s’engageant à être conforme au modèle fixé par
l’administration. La Loi de finances supprime la possibilité de cette
attestation individuelle. Désormais, les éditeurs doivent obtenir un certificat
attestant que leur logiciel est conforme, et le fournir à leurs clients
commerçants.
> Cotisation sur la
valeur ajoutée des entreprises : la trajectoire de baisse est ralentie
Dans la logique
gouvernementale de diminuer les impôts de production, la suppression de la CVAE
était programmée pour 2027, avec une trajectoire de baisse progressive. Compte
tenu de l’état des finances publiques, d’une part cette suppression a été reportée
de trois ans et ne sera effective qu’en 2030 ; et d’autre part, le taux de 2025
sera finalement identique à celui de 2024 : 0,28%.
Mais ce taux de 0,28%
n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît… En effet le taux voté initialement
pour 2025 était de 0,19%. Techniquement, il ne pouvait plus être modifié. Pour
faire rentrer de l’impôt, une taxe additionnelle pour 2025 a été votée, égale à
47,4% de la CVAE due. Faites le calcul : cela revient à un taux de 0,28%.
Cette petite complexité
aura une incidence sur le paiement de cette cotisation : un acompte sera dû en
juin sur la base du taux initial de 0,19. Et en septembre 2025, un autre
acompte sera du sur la base du taux de 0,19 et un autre sur la totalité de la contribution
différentielle. Attention donc à bien calculer le montant dû en septembre !
> Les critères sont
durcis pour les Jeunes Entreprises Innovantes
Pour être exonérées de
cotisations sociales, les JEI doivent désormais consacrer 20% de leurs dépenses
à la recherche et au développement, contre 15% précédemment. Ces JEI sont des
entreprises créées jusqu’en 2024 et qui pouvaient bénéficier d’exonérations sur
l’IS, sur les impôts locaux et sur les cotisations sociales.
La Loi de finances pour
2024 avait créé une sous-catégorie : les Jeunes Entreprises de Croissance, avec
un taux de dépenses de recherche et développement moins important, entre 5 et
20%, et en parallèle des avantages moins importants : elles peuvent certes
bénéficier d’exonération sur les impôts locaux et sur les cotisations sociales,
mais pas sur l’impôt sur les bénéfices.
En conséquence, les JEI
qui n’atteignent pas le taux de 20% vont « retomber » dans le statut des JEC.
Ces dispositions sont
applicables à partir de mars 2025.
> La fiscalité des
véhicules les plus polluants est alourdie
L’objectif est
d’encourager les entreprises à utiliser des véhicules plus propres. La Loi de
finances durcit le malus CO2 et le malus poids ; elle introduit une taxe
incitative sur les flottes d’entreprises ; et elle réforme la définition
fiscale des véhicules utilitaires et des véhicules de tourisme.
> Ce qui ne change
pas
Fin 2024, des
discussions animées avaient eu lieu lors des débats autour du projet de Loi de
finances, et de nombreux articles avaient été proposés.
In fine, ce qui ne
change pas pour l’instant :
- Le maintien de la
flat tax dans son principe depuis 2017 avec un taux qui reste à 30% (une hausse
avait été envisagée).
- Pas de réforme des
plus-values immobilières qui avait également été envisagée, sauf pour les
loueurs en meublés non professionnels (LMNP) qui sont impactés.
- Maintien des règles
de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Un retour de l’ISF avait été
envisagé.
- Maintien du
dispositif Dutreil transmission, un dispositif majeur que certains voulaient
remettre en cause.
Cette Loi de finances,
globalement, épargne les entreprises. Toutefois, une Loi de finances
rectificative est attendue pour cet été et il existe toujours un risque, à ce
moment-là, que le législateur soit tenté de voter la rétroactivité de certaines
lois qui deviendraient plus contraignantes. Le taux de 30%, entre autres, n’est
pas libératoire ; potentiellement, jusqu’à la fin de l’année, il peut être revu
rétroactivement à la hausse.
Attention en conséquence aux distributions
significatives de dividendes et aux cessions de titres en 2025 compte tenu de l’incertitude
sur le montant de la fiscalité afférente qui ne pourra être définitivement
entériné qu’avec la publication de la Loi de finances pour 2026.