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[Tribune] Audit énergétique : un drôle de poisson d’avril

Par Martin Menez, Président de Bevouac

Pas de nouveau report : l’audit énergétique, dernière contrainte imaginée par le gouvernement pour le logement, est entré en vigueur le 1er avril, au lieu du 1er septembre 2022 originellement prévu.

Un décret et un arrêté du 22 août 2022 sont venus préciser les modalités et l’échéance définitive. Une contrainte de plus, et pas des moindres, pour les logements passoires énergétiques en monopropriété mis à la vente. Pour le dire plus simplement, les maisons ou les immeubles entiers appartenant à un unique propriétaire, et non sous le régime de la copropriété.

À plus d’un titre, l’obligation est malvenue. D’abord, on rappellera qu’à ces biens devait bien sûr jusqu’alors être associé un diagnostic de performance énergétique (DPE), qui avait déjà un coût non négligeable. Voilà qu’on veut pour ces biens, de façon discriminatoire, un diagnostic encore plus exigeant, et par voie de conséquence plus cher. Le prix d'ailleurs ne fait l’objet d’aucune limite règlementaire. Pourtant, l’essentiel des logements concernés sont des pavillons dont les propriétaires sont des ménages modestes, à faibles revenus. L’État semble totalement indifférent au destin de ces vendeurs, qui devront exposer une dépense de plusieurs centaines d’euros à n’en pas douter au nom d’un besoin de toujours plus de transparence.

Quelle valeur ajoutée tellement exceptionnelle de cet audit par rapport au DPE actuel ? Le moteur en est le même…au point que les mêmes ratés sont à redouter. Rien ne dit que pour certains types de constructions des approximations et des différences d’appréciation d’un diagnostiqueur à l’autre ne viendront pas introduire des brouillages plutôt que d’apporter la sacro-sainte connaissance scientifique absolue annoncée… Sans compter que cet audit présente le même défaut que le DPE : par défaut d’information précise par le propriétaire du diagnostiqueur sur les travaux réalisés dans le passé, il dégrade d’un ou deux rangs le bien ! On en vient ainsi à un autre paradoxe : a priori réservé aux maisons individuelles ou aux immeubles classés F ou G, il s’adressera en fait à la plupart : comment savoir avant d’avoir procédé à l’audit quel constat il produira ?

Enfin, cet audit assortira à l’évaluation de la consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre, la prescription des travaux à effectuer pour que le bien sorte de son statut de passoire énergétique. Certes, le DPE comporte des préconisations, mais elles ne sont pas opposables juridiquement. Avec l’audit, l’acquéreur pourra se prévaloir de ces éléments, non seulement pour négocier le prix dans des proportions qui risquent d’être cruelles, mais encore pour remettre en question l’achat si la performance promise n’est pas atteinte lorsque les travaux auront été réalisés par l’acquéreur… L’insécurité juridique va s’ajouter pour les ménages à l’enchérissement du coût de la transaction.

Le gouvernement mesure-t-il qu’il pénalise là les propriétaires parmi les plus méritants et les plus fragiles ? Oui, le mouvement des gilets jaunes est né dans cette partie de la population. Des familles qui avaient acquis ou fait construire au prix d’efforts leur maison en périphérie des villes moyennes, dans des territoires progressivement délaissés au plan économique et contraints pour aller travailler de parcourir à grands frais de longues distances quotidiennes, avec à l’époque déjà une hausse du prix du gasoil : on parle de ces Français. Veut-on les éprouver au-delà de ce que fait l’inflation, qui ravage leur pouvoir d’achat ?

L’heure ne semble pas à admettre dans l’exécutif qu’on s’est trompé ou que la méthode n’est pas la bonne. Il est néanmoins encore temps de faire machine arrière, pour ne pas exaspérer les ménages des classes moyennes de notre pays. Il s’agit bien de cet enjeu. Un simple geste règlementaire pour retirer ou différer sine die l’entrée en vigueur de l’audit énergétique pourrait supprimer une cause d’embrasement social… Il y en a tellement d’autres !

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