L’essor du numérique
séduit un Français sur deux, mais le besoin de réassurance reste fort.
Alors que la santé
mentale a été prolongée Grande cause nationale en 2026 et que la demande de
soins explose, le Collectif MentalTech dévoile la première étude d’envergure
consacrée aux usages numériques en santé mentale en France, réalisée en
collaboration avec l’IFOP.
Aujourd’hui, 48% des Français utilisent déjà un outil numérique pour leur santé mentale, et 14% des
non-utilisateurs ou utilisateurs passés pourraient en utiliser dans les
prochains mois. Cette croissance s’accompagne toutefois d’attentes très fortes
: 65% des Français souhaitent un accompagnement humain en complément des
outils, tandis que 86% redoutent la désinformation ou la fuite de données. En
termes de confiance accordée, les outils plus “institutionnels” sont
privilégiés — plateformes de prise de rendez-vous et téléconsultation — bien
loin derrière les IA conversationnelles ou les réseaux sociaux, perçus comme
trop peu fiables.
Le numérique en santé
mentale apparaît avant tout comme un facilitateur d’accès aux soins plutôt
qu’un substitut thérapeutique. Une orientation qui traduit une conviction : la
technologie peut améliorer les parcours, mais ne peut se passer de garanties humaines
ou scientifiques.
« Cette étude confirme que l’avenir de la santé mentale ne se joue pas entre tradition et innovation, mais dans leur articulation intelligente. Après l’euphorie du Covid-19 et le pic d’attentes qui a suivi, le numérique entre dans une phase de maturité où la réassurance devient centrale. Pour remonter la
« courbe du hype » et consolider
le marché du numérique en santé mentale, il faut offrir des garanties claires.
Si ces outils permettent d’accélérer l’accès aux soins, de réduire l’isolement
et d’apporter un premier soutien, alors il nous appartient d’explorer cette
voie avec rigueur, éthique et humanité », analyse le Dr Fanny Jacq, psychiatre
et membre fondateur du Collectif MentalTech.
Méthodologie du
livre-blanc :
L’étude s’appuie sur les résultats d’une enquête quantitative réalisée par
l’IFOP auprès d’un échantillon représentatif de la population française composé
de 1007 adultes, structuré selon la méthode des quotas, et sur leur analyse par
les membres du Collectif MentalTech.
Dans ce livre blanc,
l’étude a été décryptée et enrichie de 9 regards d’experts : Joséphine Arrighi de
Casanova (Qare), Arnaud Bressot, Dr Thomas Cantaloup, Dr Clément Duret
(Holicare), Dr Fanny Jacq, Geoffrey Kretz (Kwit/Sobero), Marion Lebeau et Lison
Jacquinot (ifeel), Dr Geoffrey Post, Dr Julien Lelandais
L’essor du numérique en
santé mentale : 1 Français sur 2 l’utilise
Les solutions les plus
répandues sont celles qui facilitent l’accès au soin : 25% des Français
utilisent les plateformes de prise de rendez-vous, 21% les objets connectés et
13 % la téléconsultation.
Parmi les moteurs de
l’adoption :
les moins de 35 ans - digital natives en attente d’immédiateté - les CSP+ - qui
disposent du pouvoir d’achat - et les habitants de grandes agglomérations - qui
sont confrontés à une offre de soins saturée et une plus grande exposition aux
solutions innovantes. Les écarts sont particulièrement marqués pour les usages
innovants : l’IA conversationnelle attire 36 % des moins de 35 ans contre
seulement 13 % des plus de 35 ans ; la téléconsultation 27 % contre 9 % ; les
applications pour addictions 20 % contre 5 %.
Les outils vers
lesquels les Français se projettent le plus dans le futur sont la
téléconsultation (15 %), suivie des applications de bien-être et des objets
connectés (14 %).
Des usages centrés sur
le quotidien, la prévention et le bien-être
Seuls 15 % des Français
utilisent un outil numérique pour un problème précis — anxiété, sommeil,
stress, addictions — signe que les usages thérapeutiques ciblés et curatifs
restent marginaux. Les pratiques numériques se concentrent davantage sur des
sujets non pathologiques ou faiblement stigmatisants : développement personnel
(7 %), santé mentale au travail (6 %), troubles du sommeil (5 %), soutien
émotionnel ponctuel (5 %) ou troubles légers (5 %).
Les intentions futures
confirment cette orientation : 38 % envisagent d’utiliser un outil pour la
prévention (information, auto-évaluation), 34 % pour le sommeil, 32 % pour le
développement personnel, 30 % pour le soutien émotionnel et 25 % pour la santé
mentale au travail.
Les usages liés à des
troubles sévères restent largement refusés : 81 % des Français rejettent l’idée
d’utiliser un outil numérique pour ce type de troubles.
IA et santé mentale :
un usage qui s’est installé depuis 2 ans et qui satisfait les utilisateurs !
Près d’un Français sur cinq (19 %) a déjà utilisé une IA conversationnelle, un chatbot ou un assistant virtuel pour sa santé mentale, et 8 % le font régulièrement. Les attentes se concentrent sur l’écoute
(40 %), le soutien émotionnel (39 %) et les conseils
pratiques (37 %).
Et la satisfaction est
globalement élevée, même si mesurée : 68 % se déclarent « plutôt » ou «
moyennement » satisfaits (seulement 14 % « très satisfaits »).
« Nous parlons plus facilement à une machine qu’à un humain, grâce à ce que l’on appelle la désinhibition numérique. L’IA offre une forme de douceur constante, une disponibilité absolue, jour et nuit, qui rassure les plus jeunes comme les plus isolés.
Elle devient un sas de décompression, une “soupape”, parfois même un
premier pas avant de parler à un proche ou à un professionnel. », analyse le Dr Fanny
Jacq.
Un paradoxe : malgré
une méfiance importante, la satisfaction et les bénéfices perçus sont forts
Les outils numériques
en santé mentale rencontrent une confiance modérée. Les plateformes de
rendez-vous enregistrent les meilleurs niveaux de confiance (53 % au global, 80
% chez les utilisateurs actuels) et d’efficacité (dans les mêmes proportions).
La téléconsultation est
jugée crédible et utile ; son efficacité perçue dépasse même la confiance qu’on
lui accorde (30% de confiance, 40% d’efficacité perçue).
À l’inverse, IA
conversationnelles et réseaux sociaux souffrent d’un déficit de légitimité,
avec respectivement 17 % et 14 % de confiance. Mais c’est véritablement l’usage
qui agit comme un levier de confiance : plus de la moitié des utilisateurs
réguliers d’IA ou de réseaux sociaux dédiés à la santé mentale les jugent
utiles, contre un quart seulement des intentionnistes.
Parmi les Français
ayant recours à au moins un outil, 92 % déclarent percevoir un bénéfice :
l’accès facilité à l’information (47 %), l’accès aux soins (38 %), le sentiment
d’autonomie (26 %), le soutien émotionnel (25 %) et la réduction de l’isolement
(22 %).
Le modèle idéal
plébiscité par les Français : hybride, sécurisé et validé scientifiquement
Les risques liés au
numérique en santé mentale sont massivement reconnus. Le premier risque évoqué
est celui des fausses informations (86% jugent ce risque modéré à très élevé),
suivi du vol ou de l’usage malveillant des données (86%). Viennent ensuite le
manque d’efficacité (81%), l’isolement (80%) et la dépendance (77%).
Les inquiétudes sont
davantage externes (désinformation, cybersécurité) qu’internes (effets
psychologiques), d’où la nécessité d’information et de transparence, de sources
validées, de contenus traçables et de garde-fous techniques.
Pour l’avenir, les
Français identifient trois priorités absolues : la présence humaine pour
encadrer l’usage (65 %), la sécurité des données (63 %) et la validation
scientifique (56 %).
Les femmes se montrent plus sensibles à la présence humaine (32 % contre 26 %) et à la rapidité
(15 %
contre 11 %), alors que les hommes privilégient la sécurité des données (28 %
contre 21 %) et la validation scientifique (18 % contre 14 %).
Un appel à l’action
pour structurer un écosystème éthique et sécurisé
Face à l’essor des
outils numériques, dont les bénéfices sont reconnus tout en générant une
certaine méfiance et des attentes fortes de la part des utilisateurs, le
Collectif MentalTech appelle à :
● accélérer la validation scientifique et
clinique des outils,
● renforcer la transparence et la protection
des données,
● intégrer les
professionnels de santé à la conception et au développement des solutions,
● soutenir un modèle où le numérique complète,
et jamais ne remplace, l’humain.
« Derrière chaque pourcentage, il y a une personne qui cherche simplement à aller mieux. Le numérique peut devenir une première marche vers le soin : accessible, rassurante, personnalisée, » rappelle le Dr Fanny Jacq.


