Le
point de vue d’Eric Brétéché, Product Marketing Manager France chez Guidewire.
L’assurance IARD
(Incendie, Accidents et Risques Divers) repose sur une mission centrale :
anticiper et gérer avec précision les risques associés aux polices, afin de les
tarifer correctement. Les incendies de forêt, les inondations, les tempêtes ou
autres sinistres sont des événements rares mais potentiellement
catastrophiques. Les assureurs doivent être capables d’évaluer la probabilité
de ces événements, d’estimer les coûts potentiels et de déterminer à la fois
des primes équitables pour les clients et des réserves financières suffisantes
pour couvrir les sinistres. Trouver ce juste équilibre est au cœur de la
résilience du secteur.
Traditionnellement, les
assureurs s’appuient sur des méthodes statistiques lourdes comme les
simulations de Monte-Carlo. Celles-ci consistent à générer des millions de
scénarios aléatoires afin d’identifier les pertes potentielles et de calculer
des indicateurs clés tels que la Value-at-Risk (VaR) ou la Conditional
Value-at-Risk (CVaR). Bien que puissantes, ces approches sont chronophages et
consommatrices de ressources, ce qui limite à la fois leur granularité et leur
rapidité.
Chez Guidewire, nous
suivons de près l’évolution de l’informatique quantique, qui s’impose comme une
réponse prometteuse à ces défis et à d’autres encore. Contrairement aux
ordinateurs classiques, qui traitent un scénario à la fois, les ordinateurs
quantiques exploitent les propriétés de superposition et d’intrication pour
explorer un nombre immense de possibilités simultanément. Cela ouvre la voie à
des calculs beaucoup plus rapides et précis, en particulier pour des problèmes
complexes où la vitesse et la fiabilité sont essentielles.
Prenons l’exemple des
incendies de forêt. Pour évaluer correctement ce risque, un assureur doit
prendre en compte une multitude de facteurs : densité et type de végétation,
précipitations et températures annuelles, proximité des lignes électriques,
année du dernier incendie, matériaux de construction, présence d’espaces
pare-feu, distance de la caserne de pompiers la plus proche. À cela s’ajoutent
les coûts associés : reconstruction, main-d’œuvre, relogement temporaire,
dépenses médicales. Le nombre de combinaisons possibles est colossal, et les
simuler de manière stochastique de façon exhaustive dépasse souvent les
capacités des méthodes classiques.
C’est précisément dans
ce contexte que nous avons mené un POC avec BlueQubit, spécialiste des
logiciels et algorithmes quantiques. Nous avons simulé un modèle d’assurance
habitation avec l’équivalent de 41 qubits, représentant 64 millions de
scénarios, soit des ordres de grandeur supérieurs à ce qu’il est possible de
calculer en temps raisonnable avec des méthodes classiques. L’approche
quantique, en revanche, a produit ces résultats avec seulement 1 240 portes
quantiques, grâce à des circuits hautement optimisés conçus pour charger et
manipuler les distributions de risque. De plus, la méthode de BlueQubit utilise
environ 100 fois moins de portes que les techniques classiques de chargement de
données quantiques, ce qui réduit considérablement la complexité.
Les premiers résultats
montrent une amélioration notable par rapport aux approches classiques. Dans un
secteur où les pertes peuvent atteindre des dizaines de milliards de dollars,
comme lors des incendies du comté de Los Angeles en janvier 2025, ces avancées
sont loin d’être marginales. Une meilleure précision dans le calcul des risques
se traduit directement par des réserves de capital plus exactes, une résilience
financière renforcée pour les assureurs, et finalement, une couverture plus
fiable pour les assurés.
Nous sommes convaincus que l’informatique quantique deviendra bientôt un outil stratégique dans l’assurance IARD. Elle permettra de développer des modèles plus granulaires, une tarification mieux adaptée aux profils de risque et la capacité de traiter des volumes de données encore inaccessibles aujourd’hui. Chez Guidewire, nous explorons activement ces approches et menons des expérimentations pour que nos clients soient prêts à tirer parti de cette révolution technologique dès qu’elle deviendra pleinement accessible.


