Le point de vue d’Isabelle
Saladin, Présidente d’I&S Adviser.
Tous les dirigeants
d’ETI et de licornes vous le diront : aucun contexte politique et économique ne
justifie de stopper le passage à l’échelle et l’accélération des entreprises
françaises. Au contraire ! L’enjeu est de travailler sa structuration opérationnelle
et de souscrire à une “assurance croissance” externe qu’apportent par exemple
les operating partners, afin d’avoir la capacité d’exécuter le plan prévu et de
délivrer la promesse initiale.
Les résultats
financiers récemment annoncés par Lydia, la valorisation record de Mistral AI
ou encore la feuille de route présentée au printemps par Ekimetrics montrent
que le sujet de l’accélération de la croissance reste plus que jamais
d’actualité pour les dirigeants français. Même si la situation politique et
internationale est incertaine et si les perspectives économiques sont floues,
des ETI et scale-up émergent et performent. Leurs dirigeants n’envisagent pas
une demi-seconde de tout mettre en suspens et d’attendre des jours meilleurs.
Ils ne cessent jamais de travailler sur leurs plans de développement et de
mettre leur entreprise en ordre de marche pour le déployer, a fortiori quand
l’enjeu est de « passer à l’échelle ».
La vraie différence
Pourtant, la tendance
est fréquente en France de se trouver des excuses, des raisons exogènes de ne
pas lancer la phase d’accélération. Si l’idée communément admise est que «
scaler » est plus facile à faire aux États-Unis - parce que le terrain de jeu est
plus grand et parce que les financements sont plus accessibles et
potentiellement plus importants -, la vraie différence est ailleurs. Avoir un
grand marché et lever de l’argent ne font pas tout. La dynamique de croissance
observée dans les entreprises outre-Atlantique repose sur le fait qu’elles ont
sécurisé dès le départ leur capacité d’exécution, c’est-à-dire qu’elles se sont
donné les moyens opérationnels de délivrer ce qui a été prévu et écrit dans
leur business plan.
Cette démarche repose
pour une large part sur une question de culture. La recherche de l’excellence
opérationnelle, le recours à des partenaires externes comme les operating
partners et l’engagement de résultats font partie inhérente de la culture
entrepreneuriale anglo-saxonne. « Exécuter » pour un dirigeant
américain, ce n’est pas « faire de son mieux avec les moyens du bord »,
c’est « opérer le plan annoncé en suivant un calendrier précis qui a été
défini à l’avance ». C’est aussi s’engager sur l’atteinte des résultats et
les mesurer régulièrement sans faire de concession par rapport à l’objectif
initial. Ils savent que s’ils peuvent décrocher un premier rendez-vous assez
facilement, ils n’auront le deuxième que s’ils font preuve d’une exécution sans
faille des premières étapes de leur plan de développement.
Accélérer n’est pas
improviser
Néanmoins, gérer cette
phase d’accélération ne s’improvise pas. L’entreprise est à ce moment-là très
différente de qu’elle était au début. Gérer sa croissance nécessite une
structuration encore plus rigoureuse et minutieuse pour faire raisonner
cohérence stratégique, financement et exécution. Tout chef d’entreprise qui a
géré ce type de développement le dira. Un regard et un appui extérieur peuvent
s’avérer précieux pour avancer. D’ailleurs, les entrepreneurs qui se font
épauler par des operating partners performent davantage que ceux qui gèrent
tout seul.
Trois étapes sont
importantes à respecter. Tout d’abord, analyser l’existant : les équipes
sont-elles prêtes à vivre cette phase d’accélération, ont-ils les compétences
requises, disposent-ils des bons outils pour la gérer, l’organisation
permet-elle de les mobiliser à bon escient et dans les délais impartis, etc.
Ensuite s’assurer que
le plan stratégique est cohérent, adapté à l’objectif visé (d’un point de vue
tactique et opérationnel) et sera pilotable via des indicateurs mesurables. Ce
plan comprendra des tâches claires et simples, des priorités fixées entre les
unes et les autres, des échéances à respecter pour les réaliser, et une revue
de l’exécution.
Enfin, concentrer les
efforts sur l’objectif sans se disperser, apprendre à choisir et à arbitrer sur
ce que l’on va faire et sur comment on va le faire, et rehausser la rigueur de
sa gestion pour ne pas être dépassé par les conséquences de l’accélération,
etc.
Pour que l’exécution ne
soit plus un mal français
Le succès d’une entreprise ne demande ni d’avoir un produit génial, ni d’avoir une stratégie de fou : elle tient avant tout dans sa capacité à exécuter la vision du dirigeant. Il est temps de s’affranchir des débats politiques, budgétaires et fiscaux pour préparer l’avenir de nos entreprises et qu’elles se donnent les moyens internes et externes d’accélérer. Si l’exécution reste une faiblesse française, elle est aussi une piste de progrès pour nos entrepreneurs sur laquelle ils peuvent travailler avec des pairs qui l’ont déjà fait, afin que davantage de nos PME deviennent ETI et de nos startups se transforment en licornes.


