Les
chercheurs du laboratoire L2n conçoivent des dispositifs SPR miniatures
capables de détecter des polluants invisibles à l’œil nu et à l’état de traces.
À l’occasion de la
Journée nationale de la qualité de l’air, le laboratoire Lumière,
nanomatériaux, nanotechnologies (L2n) de l’Université de Technologie de Troyes
(UTT), unité mixte de recherche du CNRS, met en lumière une avancée prometteuse
dans la surveillance de la pollution atmosphérique. Une équipe de chercheurs y
développe de nouveaux capteurs plasmoniques (détecteurs très sensibles qui
utilisent la lumière et les propriétés des métaux pour repérer la présence de
substances, même en très petite quantité) capables de détecter, à l’état de
traces, des contaminants, gaz ou bactéries dans l’air.
De la recherche biomédicale à la qualité de l’air
Au cœur de cette
innovation se trouve la technologie SPR (Surface Plasmon Resonance), ou
Résonance de Plasmons de Surface. Déjà utilisée depuis plusieurs décennies dans
le domaine pharmaceutique pour analyser des liquides biologiques en
laboratoire, cette technique repose sur des biopuces constituées de fines
couches d’or, capables de détecter des variations extrêmement subtiles
lorsqu’une molécule spécifique, même en quantité minime, se fixe à leur
surface.
Traditionnellement, la SPR est utilisée dans les laboratoires pharmaceutiques à l’aide d’instruments lourds et coûteux, notamment pour la mise au point de vaccins ou de biomédicaments.
Mais au laboratoire L2n de l’UTT, l’équipe dirigée par
la chercheuse Shuwen Zeng a franchi une étape décisive : miniaturiser et
adapter cette technologie pour la rendre nomade et adaptée à la détection dans
l’air.
« Notre objectif
serait d’analyser en temps réel la qualité de l’air directement sur le terrain,
sans passer par des appareils de laboratoire », explique Shuwen Zeng.
« Grâce à la conception précise de puces de détection intégrant des
nanostructures à leur surface, nous pouvons améliorer la sensibilité et la
résolution de nos capteurs. Avec cette technique, il serait possible de
détecter de très petites particules ou substances nocives, même en quantité
infime. Ce qui prenait auparavant jusqu’à 12 heures avec les équipements
classiques pourrait désormais être réalisé en seulement 10 minutes.
Imaginer des capteurs
SPR capables de repérer des polluants invisibles à l’œil nu, avec une
résolution inférieure au nanomètre et un délai de détection si réduit,
ouvrirait de nouvelles perspectives pour la surveillance environnementale. Ces
dispositifs pourraient rendre la qualité de l’air beaucoup plus facile à suivre
et permettre l’accès à des polluants jusque-là difficiles à repérer », poursuit la
chercheuse de l’UTT.
Des matériaux 2D pour capter les polluants les plus discrets
Pour rendre leurs
capteurs plus performants, les chercheurs du L2n ont eu l’idée de
fonctionnaliser les puces SPR classiques avec de nouveaux matériaux, ou même de
les remplacer entièrement par des matériaux bidimensionnels (2D), ultrafins à
l’échelle atomique. Ces matériaux possèdent une forte affinité chimique pour
certains gaz et composés organiques volatils (COV), des substances souvent
invisibles et difficiles à détecter qui peuvent contribuer à la pollution de
l’air et à la formation de smog ou d’ozone troposphérique.
C’est en observant par
hasard l’un de ces matériaux, les MXènes – une famille de matériaux 2D aux
propriétés chimiques et électroniques exceptionnelles – que Kevin Kim,
doctorant au sein de l’équipe du L2n de l’UTT, a découvert leur sensibilité
remarquable. « Après avoir stocké des MXènes pendant une courte période dans
une enceinte de chimie, j’ai remarqué que leur surface s’était recouverte d’une
fine couche de contaminants. La grande sensibilité de nos instruments a permis
de détecter cette contamination très subtile. », raconte-t-il.
De la recherche au marché
Deux thèses de doctorat
sont en cours au L2n, explorant cette thématique et ses applications. Les
travaux du laboratoire ont déjà abouti à la conception d’un modèle compact de
SPR, suffisamment petit pour être commercialisé, développé et distribué par Phaselab
Instrument, entreprise cofondée par Aurélien Bruyant, enseignant-chercheur au
L2n et directeur adjoint à la Recherche à l’UTT.
Ce modèle, de la taille
d’un appareil photo reflex, intègre une innovation majeure développée au L2n,
offrant une sensibilité exceptionnelle malgré son format compact. « L’évolution
de cette technologie vers la détection dans l’air ambiant de contaminants ou de
gaz constitue un débouché très prometteur pour notre jeune entreprise », souligne
Aurélien Bruyant.
Une technologie aux multiples applications
La médaille de bronze du CNRS, récemment attribuée à Shuwen Zeng, met en lumière ses contributions exceptionnelles dans le développement de la technologie SPR au sein du L2n.
Cette innovation permet de repérer des polluants invisibles à l’œil nu et indétectables par les méthodes conventionnelles, ouvrant ainsi la voie à une surveillance plus fine et plus réactive de la qualité de l’air, tant en milieu urbain qu’industriel. Au-delà de l’environnement, sa sensibilité extrême et sa miniaturisation pourraient également profiter à la santé, à la détection de biomolécules, à la sécurité industrielle ou au suivi de contaminants dans l’eau et les sols.


