Infogreffe publie les chiffres de l'entrepreneuriat français du 3ᵉ
trimestre 2025, établis à partir des données issues des greffes des
tribunaux de commerce et des tribunaux d’activités économiques.
Ces résultats révèlent
un double visage de l’économie française. D’un côté, les radiations atteignent
un niveau inédit et les défaillances progressent fortement, témoignant de
l’aggravation des tensions financières qui affectent une part croissante du
tissu entrepreneurial. De l’autre, si la création d'entreprises résiste (+11,2%),
essentiellement tirée par les commerçants et les SAS, cette résilience cache
toutefois une fragilité : les créations se concentrent dans des formes
juridiques souples mais parfois plus précaires.
Radiations : le volume
de l’année 2024 déjà dépassé !
Le 3ème trimestre 2025 enregistre une hausse spectaculaire des radiations avec 73 508 radiations enregistrées, soit une augmentation de 24,9 % par rapport à la même période de 2024. Si on ajoute à cela les radiations d’office, la hausse atteint 35,7 % (pour un total de 98 047 radiations). En neuf mois, plus de 357 000 radiations ont été enregistrées, dépassant déjà le total de l’année 2024 (319 303).
Cette vague inédite
crée un paradoxe inquiétant : alors que les créations demeurent dynamiques,
les disparitions progressent plus vite, marquant une recomposition brutale du
tissu entrepreneurial.
C’est le secteur des activités
immobilières qui est de loin le plus touché par la hausse des radiations avec
une augmentation de 90,7 %. A l’inverse, les secteurs les moins impactés sont
ceux de la construction (+10,2%) et du commerce/réparation d’automobiles et de
motocycles (+23,1%).
L’évolution des
radiations entre le 3ᵉ trimestre 2024 et 2025 révèle plusieurs contrastes
territoriaux.
Certaines régions affichent une hausse spectaculaire, notamment la Guyane +557,8
%, et la Provence-Alpes-Côte d’Azur enregistre +133,5 %. Les départements et
régions d’Outre-mer sont particulièrement touchés (Martinique +76,1 %, Mayotte
+53,3 %, La Réunion +28,2 %).
À l’inverse, certaines
régions résistent mieux comme les Pays de la Loire (+3,5 %), et la Normandie
(+2,4 %), tandis que le Grand Est enregistre même une baisse (-1,2 %).
Des tensions
croissantes sur la santé des entreprises
Le 3ème trimestre 2025
est marqué par une hausse significative des défaillances avec 13 240
entreprises concernées, soit une augmentation de +16,2 % par rapport au T3
2024.
Cette hausse reflète
les effets conjugués de l’inflation, du coût du financement et de la baisse de
la consommation, qui pèsent sur la trésorerie des TPE et PME.
Elle prolonge une
tendance installée depuis le début de l’année, avec déjà 45 468 procédures
collectives ouvertes entre janvier et septembre 2025, en hausse de +15,0 % par
rapport à la même période de 2024. Ce volume cumulé est d’autant plus
préoccupant que 2024 avait déjà marqué un record avec 59 374 entreprises en
difficulté, soit +17,5 % par rapport à 2023.
Si les injonctions de
payer reculent légèrement (-9,2 %, soit 36 056 décisions), leur volume demeure
très élevé et atteste de tensions de trésorerie toujours vives, malgré un léger
repli du recours à cette procédure.
En parallèle, les
ouvertures de procédures collectives affichent une hausse marquée.
● 9 248 liquidations
judiciaires ont été prononcées, en progression de +9,9% par rapport
à 2024.
● Les redressements
judiciaires connaissent une augmentation encore plus forte (+31,0%,
soit
3 530 entreprises concernées).
● Les procédures
de sauvegarde, bien que minoritaires en volume (281), progressent également
de +24,9%.
Depuis janvier 2025, les défaillances d’entreprises progressent significativement. Sur chaque trimestre, leur hausse dépasse les 14% par rapport à 2024 (T1 : +14,8 % - T2 : +14,6 % - T3 : + 16,2 %). La régularité de ces hausses successives confirme que la dégradation n’est pas conjoncturelle : les difficultés s’installent structurellement dans le paysage entrepreneurial français.
Ces tendances mettent
en évidence une aggravation des difficultés financières, conduisant la majorité
des entreprises concernées à la liquidation. Toutefois, la progression des
redressements et sauvegardes témoigne de la volonté d’une partie des dirigeants
de préserver leur activité grâce à un accompagnement judiciaire.
Créations : un
dynamisme contrasté
Avec 145 491
immatriculations recensées entre juillet et septembre 2025, la création
d’entreprises progresse de +11,2% par rapport à la même période en 2024.
Cependant on note que les deux premières formes juridiques des immatriculations
en pourcentage sont les entrepreneurs individuels ou commerçants avec 38% des
immatriculations suivis par les SAS avec 32% des créations d’entreprise. Cette
tendance identifiée aux premier et deuxième trimestre de 2025 confirmant
l’attrait pour des formes souples et accessibles mais témoigne aussi d’une
fragilité de plus en plus marquée : l’entrepreneuriat individuel est plus
exposé aux cessations rapides, tandis que les SAS, souvent jeunes et
innovantes, se heurtent aux difficultés de financement et alimentent une partie
significative des procédures collectives.
De leur côté, les SCI progressent fortement à l’immatriculation (+16,5 %), mais subissent en parallèle une explosion des radiations dans l’immobilier (+90,7 %). Enfin, la SARL, plus robuste mais en déclin, illustre la transformation structurelle du tissu entrepreneurial. Les secteurs moteurs ce trimestre sont les activités spécialisées, scientifiques et techniques avec une augmentation de 25,1 % par rapport au T3 2024, et les entreprises de commerce, et de réparation d’automobiles et de motocycles avec +20,8%.
A l’inverse, les immatriculations
reculent dans les secteurs de la construction et de l’hébergement/restauration avec
des diminutions respectives des immatriculations de -4,3% et -13,3%.
Enfin, la répartition géographique reste polarisée. L’Île-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes concentrent à elles seules une part importante des immatriculations (avec respectivement 29,9 % et
12 %). Les régions du Sud (Occitanie, PACA, Nouvelle-Aquitaine) enregistrent également une part importante des immatriculations (9,7 %, 8,6 % et 7,7 %).
À l’inverse, certaines
régions affichent une croissance plus modérée, traduisant une économie locale encore
en retrait face aux grands centres urbains (Grand Est avec 2,8%,
Bourgogne-Franche Comté
avec 3,2 % et Normandie avec 3,7 %)
Conformité et
transparence en progression
Malgré ce contexte
contrasté, des signaux positifs émergent sur le plan de la conformité.
630 864
comptes annuels ont été déposés, soit une hausse de +7,2 %, qui traduit une discipline
accrue
et une meilleure transparence.
Les déclarations de
bénéficiaires effectifs atteignent 187 348 (+3,6 %), confirmant une prise de
conscience croissante de l’importance de la transparence financière et de la
lutte contre le blanchiment.
Des modèles
entrepreneuriaux qui confirment leur ancrage
Au-delà des volumes de
créations et de radiations, les statistiques révèlent aussi la consolidation de
nouvelles formes d’entrepreneuriat.
Le nombre de sociétés à
mission créées reste stable par rapport à l’an dernier (160), ce qui traduit
une poursuite de l’ancrage de ce modèle dans le paysage entrepreneurial
français. Loin d’un effet de mode, ce statut témoigne de l’engagement durable
d’une partie des entrepreneurs à intégrer les enjeux sociaux et
environnementaux au coeur de leur stratégie.
En parallèle, le nombre d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) progresse également en passant de 304 à 528, renforçant l’idée que l’entrepreneuriat responsable gagne du terrain.


