Le point de vue de Francois Verrecchia et Virginie Saks Co-fondateurs
de Compagnum.
Arrêtons d’opposer les
Français sur l’autel de la justice économique, visons la réconciliation par
l’investissement sur les territoires !
1 170 milliards d’euros, c’est le montant cumulé des 500 plus grandes fortunes de France en 2023.
C’est
3 fois plus qu’en 1996. À l’heure où la France doit réduire le poids de sa
dette (3 345 milliards d’euros en 2023) et où les Français ont les yeux rivés
sur leur pouvoir d’achat, augmenter la contribution financière des
“ultrariches” est une idée qui fait recette.
Pour autant, la solution n’est pas forcément la création d’un nouvel impôt. Comme l’a rappelé récemment Sébastien Lecornu, il s’agit avant tout de trouver un équilibre, une justice économique plus qu’une justice fiscale. Ce que nous devons demander aux grandes fortunes, ce sont des investissements au service du développement des territoires ; un enjeu quotidien qui touche tous les Français plutôt qu’une nouvelle ligne sur leur déclaration d’impôt. Comment cette justice économique doit-elle prendre corps au plus proche des citoyens dans les territoires ?
Transformer la richesse
en bénéfice collectif
Elle doit répondre à un
principe simple : orienter une partie de la richesse accumulée vers des projets
collectifs qui améliorent la vie quotidienne, sans mettre en péril la pérennité
et la compétitive de nos entreprises. Cela ne suppose pas nécessairement un nouvel
impôt, mais des mécanismes incitatifs et encadrés qui transforment la réussite
individuelle en bénéfice collectif. N’alimentons pas un nouveau débat stérile
sur le fléchage d’un nouvel impôt pour entrer dans une logique de résultats :
décidons plus directement quels projets sont financés, quels territoires en
bénéficient, et comment la contribution des grandes fortunes améliore
concrètement la vie des Français.
Concrètement, plusieurs
leviers existent :
• Des leviers
classiques
O Encourager le mécénat social et
environnemental ciblé : prise en charge de transports pour les salariés,
soutien à des associations locales, ou financement d’équipements partagés comme
des parkings mutualisés dans les zones d’activité.
O Soutenir la création de fondation pour
réaliser ou financer une œuvre d'intérêt général comme celle la fondation
Bettencourt Schueller (actionnaire de L’Oréal) qui a versé 85,1 millions
d’Euros de mécénats pour les sciences de la vie, les arts et la solidarité.
• Des leviers plus
engagés
O Créer des fonds territoriaux, dits de dotation
ou de compensation, cofinancés par les grandes fortunes, l’État et les
collectivités, pour financer des logements, des infrastructures de mobilité, ou
la rénovation énergétique.
O Mettre en place un “dividende territorial” :
chaque grande entreprise publierait dans sa comptabilité la part de ses
bénéfices consacrée au bien commun, permettant ainsi de rendre visible et
mesurable sa contribution. Une proposition reprise dans le récent plaidoyer du
Mouvement Impact France.
O Encourager la détention d’une partie du
capital des holdings par des fondations actionnaires qui soutiennent des causes
d’intérêt général. Citons par exemple Novo Nordisk, Carlsberg au Danemark ou
Pierre Fabre (Occitanie) et le groupe CETIH (Pays-de-la-Loire) en France. En
Allemagne, 1 000 fondations actionnaires sont recensées, plus d’une centaine en
Suisse.
Transformer la richesse
en bénéfice collectif
Le rôle de
l’administration ne serait alors pas seulement de prélever, mais d’orienter et
d’arbitrer : faut-il investir dans des logements sociaux, dans des réseaux de
chaleur urbains, ou dans des formations professionnelles pour les jeunes ?
Trois objectifs doivent
nous guider
• Générer un impact
réel sur le quotidien des Français, sur leur pouvoir d’achat et leur bien
vivre, lutter contre l’exclusion et les inégalités.
• Contribuer à des
politiques publiques d’avenir, qu’il s’agisse de formation des jeunes, de
maintien de notre système de santé ou d’innovation.
• Recréer un sentiment
d’équité et de confiance, avec une nouvelle fierté des Français pour leur
territoire.
Certains territoires montrent déjà la voie avec des fonds de dotation, qui mutualisent les investissements de plusieurs acteurs économiques. C’est le cas du fonds de dotation Sésame, en Isère, au sein duquel des entreprises de la PME au grand groupe financent des actions de solidarité et de biodiversité locale.
Il faut
faire grossir et répliquer ces initiatives ; de petites rivières doivent
devenir de grands fleuves.
Une justice visible et partagé
La fonction publique
deviendrait l’aiguilleur de ces contributions, en s’assurant qu’elles répondent
aux priorités locales et nationales. Elle assurerait également le suivi de ces
contributions et une information transparente auprès des citoyens, valorisant
ainsi les entreprises qui investissent et qui croient en nos territoires.
La France a besoin de ses grandes fortunes. Il faut redonner aux Français la fierté de leurs fleurons nationaux et non les opposer. Le contexte géopolitique est suffisamment mouvementé pour que nous resserrions les rangs. La justice économique doit être l’outil de cette réconciliation, à condition qu’elle soit appliquée de façon claire, transparente et tournée vers l’impact.


