L’analyse de Patrick Soulignac, Principal
Solution Consultant, Guidewire
L’assurance des biens
et responsabilités des entreprises joue un rôle clé dans l’économie, et
représente en France un marché de 29,1 milliards d’euros. Métier d’expertise,
cette branche s’est peu focalisée sur la digitalisation et l’automatisation. A
tel point que les souscripteurs partagent souvent leur frustration à jongler
entre documents et feuilles de calcul. Pourtant, les enjeux technologiques sont
tout de même au cœur de son évolution, et le secteur aujourd’hui est en pleine
réinvention.
Des données plus riches
: un levier pour appréhender les risques complexes
La hausse des coûts
liés aux sinistres, combinée à la montée des risques émergents (climatiques,
cyber, logistiques…) bouleverse les équilibres techniques. En effet, dans le
cadre des souscriptions ou des renouvellements, l’accès à des données plus
riches est à présent indispensable. Toutefois, cette collecte de données
alourdit la charge de travail des souscripteurs, qui doivent concilier une
multitude de sources de données disparates afin de prendre des décisions
éclairées. Ils se retrouvent souvent à utiliser une série d’outils non
intégrés, et à manipuler des données peu structurées, issues de formats variés.
Cette avalanche de
données impacte également la relation client, car les requêtes urgentes ou les
informations essentielles sont parfois ensevelies dans des documents de formats
multiples, sources d’incompréhensions.
Concilier expertise et
réactivité
Dans un contexte où la
prévention prend une importance croissante, fluidifier les échanges avec les
gestionnaires de risques devient essentiel pour raccourcir les délais de
traitement. Pourtant, la lourdeur des processus manuels nuit à la réactivité, y
compris lors de l’évaluation des risques. Faute de pouvoir analyser certaines
demandes dans les temps, les assureurs se voient parfois contraints de les
refuser, au détriment de la relation avec les courtiers et intermédiaires. Pour
gagner en compétitivité, les acteurs du secteur qui mettent en place des
workflows de priorisation des tâches permettant d’identifier rapidement les
dossiers les plus urgents sont nombreux.
Toutefois, les
difficultés de gestion ne s’arrêtent pas à la souscription. L’émission des
polices, des avenants, la régularisation ou encore la collecte des cotisations
restent des processus fortement manuels, notamment sur le segment des grands
risques. Or, 41% du temps des souscripteurs est consacré à des tâches de
gestion. Ces activités de production pèsent fortement sur l’efficacité des
équipes, et leur capacité à travailler main dans la main avec les courtiers.
L’innovation comme moteur de transformation
Face à ces enjeux, de
nombreux assureurs modernisent déjà leurs processus et outils informatiques. La
priorité est généralement donnée à la plateforme de souscription, afin de
renforcer la collecte et l’analyse de données. Les réflexions commencent seulement
à mûrir sur la gestion des polices ou les sinistres. Dans ce cadre, la
digitalisation est un facteur de simplification à la fois pour les segments
Pro/PME, et pour les interactions avec les courtiers.
Sur le terrain, les
assureurs adoptent généralement une combinaison de trois approches distinctes.
Certains optent pour l’intégration de solutions ad hoc, véritables leviers
d’innovation rapide, mais qui présentent le risque de complexifier davantage
les processus en multipliant les outils et les interfaces.
L’approche privilégiée
par d’autres consiste à développer des front-ends simplifiés, proposant une
expérience utilisateur plus fluide et intuitive, tout en dissimulant la
complexité des systèmes sous-jacents. Si cette approche améliore à court-terme
l’expérience utilisateur, elle ne répond pas toujours au défi de l’évolution
permanente des données. En effet, la capacité à faire évoluer rapidement et
simplement le poste de travail des souscripteurs, pour s’accoster à des
assurtechs ou pour embarquer de nouvelles modélisations, nécessite des efforts
d’intégration conséquents au-delà de l’interface digitale.
Une autre tendance
émerge de plus en plus : l’adoption d’une plateforme ouverte
“front-to-back”, qui permet une transformation digitale plus profonde et
durable.
Transformer pour continuer à innover
Les défis internes de
chaque compagnie d’assurance façonnent le choix pour une stratégie donnée, en
particulier tout ce qui concerne la gestion des technologies applicatives, mais
aussi les priorités stratégiques. C’est en repensant de manière globale leur
organisation et leurs objectifs en matière d’innovation que les assureurs
peuvent entamer une transformation réellement différenciante.
Une telle
transformation permet de repenser et moderniser l’ensemble des processus pour
gagner en efficacité. En s’appuyant sur des plateformes modernes, les assureurs
peuvent ainsi faire évoluer plus rapidement leurs offres, par exemple en
proposant de l’assurance paramétrique ou des produits
semi-standards en
partenariat de distribution. Cela ouvre également un accès facilité à l’IA
générative pour synthétiser les dossiers, analyser rapidement le contenu des
documents, prioriser les tâches. Enfin, la connexion simplifiée aux sources de
données externes via des APIs garantit une mise à jour continue des
informations utilisées pour la souscription.
Anticiper l’évolution
de l’assurance des entreprises
La course aux données
va assurément se poursuivre, et continuer à enrichir la souscription en donnant
accès à des analyses enrichies au cœur des processus de sélection, tarification
et souscription des risques. Dans un contexte de risques d’entreprises en
mutation constante, la maîtrise des décisions et le pilotage des portefeuilles
par une analyse solide de données structurées et fiables sont des facteurs clés
de succès.
Les acteurs du secteur ont pleinement saisi l’enjeu : conjuguer excellence en souscription et performance opérationnelle suppose de s’appuyer sur des outils informatiques modernes capables de soutenir leur savoir-faire métier. Demain, l’interconnexion renforcée entre systèmes ouverts permettra d’unifier les processus de souscription et de gestion, garantissant une continuité fluide et une meilleure maîtrise de la complexité croissante des risques d’entreprises.


