Par
Apolline Herbinet, Solution Lead sustainability chez delaware.
Face à des
réglementations de plus en plus strictes, le secteur agroalimentaire innove
rapidement vers des pratiques plus durables. Les questions de durabilité sont
en effet cruciales. D’abord, parce que ce secteur mobilise des ressources
limitées pour nourrir la planète. Ensuite, la question du bien-être animal
devient de plus en plus pressante. L’impact environnemental potentiel tout au
long de la chaîne de valeur, par exemple au niveau de l’emballage ou du
transport, constitue un autre point de préoccupation. Sans compter que les
acteurs de l’agroalimentaire font vivre des millions de travailleurs, ce qui
exige une rémunération juste et des conditions équitables. L’industrie agroalimentaire façonne son
agenda autour des trois enjeux piliers du développement durable : la
préservation de la planète, le bien-être des personnes et la performance économique.
Transparence maximale
avec le CSRD
Avec la « Corporate
Sustainability Reporting Directive » (CSRD), l’Europe instaure des obligations
de reporting pour renforcer la transparence. L’application de la directive est
progressive en fonction du chiffre d’affaires et a débuté en 2024 pour les plus
grandes entreprises. D’ici 2028, 60 000 entreprises devraient rendre compte de
leurs actions en matière de développement durable, en utilisant des KPI
pertinents selon leur contexte. A date, cette directive recense 1 193 types de
données pouvant être analysées, soulignant l’ampleur de la tâche. Pour le
secteur agroalimentaire, cela inclut des questions cruciales telles que
l’emballage, avec l’obligation de communiquer les actions visant à prévenir la
production de déchets, ainsi que le bien-être animal, l’utilisation des
ressources en eau et l’impact des activités sur la biodiversité. Les rapports
doivent être complets, auditables et couvrir toute la chaîne de valeur, y
compris les fournisseurs et les partenaires externes. Si une entreprise ne
dispose pas des informations requises, elle doit préciser les actions prévues
pour les obtenir. À noter toutefois : la proposition « Omnibus » parue début
2025 a entraîné une révision de la directive par l’Union Européenne. Celle-ci
devrait paraitre d’ici la fin d’année. Il reste primordial pour les entreprises
d’anticiper l’échéance réglementaire et de ne pas réduire les efforts au risque
de se faire accuser de green washing.
Révolution du recyclage
: travailler ensemble
Il y a une véritable
coalition entre les entreprises agroalimentaires autour du recyclage et de la
collecte des déchets. Les concurrents s’associent pour créer les filières de
recyclage nécessaires à leurs activités dans certains pays où elles n’existent
pas encore. Cela réduit l’impact écologique et stimule l’innovation. Dans la
même logique collaborative, les entreprises concurrentes exigent d’une seule
voix que leurs fournisseurs respectent les mêmes normes environnementales pour
leurs cultures. Une autre tendance positive que nous observons est celle de
cette entreprise implantée dans une région côtière d’un pays en développement
qui rémunère les habitants pour la collecte des déchets plastiques. Ces déchets
sont ensuite réutilisés dans la production, ce qui procure un triple bénéfice :
économique, écologique et social. Lorsque les concurrents s’unissent, ils
créent des solutions et ouvrent la voie à l’innovation.
Lutte contre la
déforestation : l'EUDR à l'honneur
Les législateurs
s'attaquent à ces questions de développement durable. Le règlement européen
contre la déforestation (EUDR), un élément du Green Deal, vise à garantir que
certaines typologies de produits disponibles sur le marché européen ne
proviennent pas de la déforestation. Initialement prévue pour 2025, cette
réglementation sera appliquée à partir de 2026 pour laisser aux entreprises le
temps de se préparer. Elle concernera de nombreux produits, dont le cacao, le
café, l’huile de palme, le soja ou encore la viande bovine. Les entreprises
devront s’assurer que les biens importés, commercialisés ou produits respectent
cette obligation. Cela implique de collecter et d’enregistrer des données,
ainsi que de procéder aux contrôles nécessaires pour évaluer et atténuer les
risques tout au long de la chaîne d’approvisionnement. La gestion de ces
opérations sera complexe. Dans ce contexte, une approche automatisée intégrée
aux systèmes des entreprises est idéale.
Présentation du
passeport produit numérique
La réglementation
européenne sur l'écoconception des produits durables a donné naissance au
passeport produit numérique, qui renforce la transparence. Ce passeport
permettra d'informer les consommateurs sur les performances d'un produit en
matière de durabilité et de circularité, par exemple via un QR code renvoyant
vers une plateforme hébergeant ces informations. Elle prendra en compte
différents critères : plastique utilisé, emballage, bien-être animal, impact
sur les ressources, performance sociale, etc. Elle devrait s'appliquer dans un
premier temps à des produits comme les smartphones, les ordinateurs ou les
batteries. Au niveau local, la législation évolue également, avec par exemple
la mise en place progressive d’un éco-score en France.
Collecte de données :
un défi de taille
Quelle est la priorité face à ces nouvelles tendances et réglementations ? La collecte de données !
Non seulement parce que les volumes sont conséquents mais aussi parce que les
chaînes de valeur sont particulièrement étendues et impliquent souvent de multiples
fournisseurs. Disposer de données qualitatives, vérifiables et quantifiables
est essentiel, même si cela prend du temps. Cela permet de mener des actions à
forte valeur ajoutée, non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour ses
collaborateurs et ses parties prenantes. Il faut agir par conviction, pas
seulement pour se démarquer des autres. Cela nécessite des compétences et des
ressources adaptées, mais aussi de tirer parti des bons outils pour collecter,
transformer et analyser les données. L’IA peut nous soulager du fardeau des
tâches mécaniques pour recentrer les efforts sur une stratégie durable.


