Par Alexandre
Dalibot, co-fondateur d’a-gO, start-up française dédiée à l’innovation médicale
dans le domaine des maladies neurodégénératives.
Parkinson, Alzheimer,
démences vasculaires… Ces maladies frappent comme une condamnation. Chaque
année, des millions de diagnostics tombent, souvent comme un couperet : trop
tard, trop brutalement, quand la maladie a déjà rongé des années silencieuses.
Et la société s’organise comme elle peut, dans l’urgence, face à des patients
en perte d’autonomie, des familles bouleversées, des soignants épuisés.
Ce que nous appelons «
diagnostic » ressemble encore trop souvent à une constatation d’échec.
Pourtant, depuis des années, la science nous alerte : ces pathologies ne
surgissent pas du néant. Elles laissent des empreintes discrètes, des signaux
faibles, bien avant que les premiers symptômes n’apparaissent. Mais faute
d’outils, de moyens, ou simplement de volonté, nous choisissons de rester
aveugles à ces indices.
Le paradoxe d’une
société qui soigne tard
Dans bien d’autres
domaines médicaux, nous avons appris à intervenir tôt. Personne n’imaginerait
attendre que le cancer soit généralisé pour lancer un traitement. Personne
n’accepterait de ne dépister une maladie cardiovasculaire qu’après l’infarctus.
Alors pourquoi continuons-nous à tolérer que, pour les maladies
neurodégénératives, l’action ne commence qu’après les dégâts irréversibles ?
Ce paradoxe interroge
nos priorités collectives. Les coûts sociaux et économiques des maladies
neurodégénératives explosent. Le poids psychologique et matériel pour les
familles est colossal. Et malgré tout, la détection précoce reste un parent
pauvre de la stratégie de santé publique.
Le prix du temps perdu
Chaque année sans
diagnostic est une année où la maladie progresse silencieusement. Chaque mois
sans action est un mois de plus où les options thérapeutiques s’amenuisent.
Chaque jour sans prise en charge est un jour en moins d’autonomie, de dignité,
de vie vécue pleinement.
Le temps perdu est
irréversible. Et nous en perdons encore trop.
La question n’est pas
seulement médicale : elle est éthique
Ne pas chercher à
détecter tôt, c’est accepter implicitement que des millions de personnes soient
privées de choix. Choix de se préparer. Choix d’adapter leur quotidien. Choix
d’anticiper leur avenir.
Choix de ralentir
l’inéluctable.
C’est aussi exposer les
proches à une brutalité insoutenable : voir un parent changer sans comprendre
ce qui arrive, organiser dans l’urgence une prise en charge complexe, gérer des
crises qui auraient pu être amorties.
La question n’est donc
pas seulement scientifique : elle est profondément humaine. Elle engage notre
responsabilité collective.
Anticiper, c’est
transformer la trajectoire
Nous ne parlons pas ici
d’un hypothétique traitement miracle, mais d’une approche plus réaliste et
pourtant révolutionnaire : agir avant que la maladie ne s’impose. Détecter tôt
ne signifie pas guérir, mais cela change tout : ralentir la progression, préparer
les patients et leurs familles, adapter l’accompagnement, réduire les
complications et les coûts sociétaux.
Anticiper, c’est offrir
du temps. Et dans ces pathologies, le temps est la ressource la plus précieuse.
Un appel à un
changement de paradigme
Nous avons besoin d’un
changement radical dans notre manière d’aborder les maladies
neurodégénératives. Passer d’une logique de réaction à une logique
d’anticipation. Investir dans la recherche et les dispositifs de détection
précoce. Former les professionnels de santé à reconnaître et intégrer les
signaux faibles. Mettre en place des politiques publiques ambitieuses, au lieu
de se contenter de gérer la crise permanente.
Parce qu’il ne s’agit
pas seulement de chiffres ou de statistiques. Derrière chaque retard de
diagnostic, il y a une vie amputée, une famille bouleversée, une dignité
entamée.
Le vrai courage
Le vrai courage médical
et politique n’est pas d’attendre un traitement miracle qui, peut-être,
n’arrivera pas. C’est d’oser transformer nos pratiques dès aujourd’hui. C’est
de regarder les maladies neurodégénératives en face, et de décider que
l’inaction n’est plus une option.
Nous ne pouvons plus nous contenter de subir. Nous devons apprendre à devancer. Car dans cette course contre le temps, chaque minute compte. Et parfois, une simple anticipation peut faire la différence entre subir la maladie et continuer à vivre avec elle.


