Décryptage de Bertrand Sers, associé fiscaliste Walter France.
Souvent utilisé par les
dirigeants et les associés de TPE et PME pour renforcer la trésorerie de leur
entreprise sans modifier la structure du capital, le compte courant d’associé
est un levier de financement interne souple et efficace. Mais entre opportunités
fiscales et règles strictes à respecter, son usage doit être soigneusement
encadré.
Dans les sociétés
commerciales (SARL, SAS, SA), le compte courant d’associé permet à un associé
de prêter des fonds à l’entreprise sans passer par une augmentation de capital.
C’est une solution intéressante, notamment pour franchir un cap difficile en renforçant
la trésorerie, ou pour faciliter l’obtention d’un financement bancaire.
Contrairement à une
augmentation de capital, ce mécanisme n’a aucun effet dilutif : la répartition du
capital reste inchangée, tout comme les droits de vote. Ainsi, un associé
minoritaire peut soutenir financièrement la société sans pour autant obtenir
davantage de pouvoir décisionnel.
> La rémunération du
compte courant d’associé est devenue très intéressante
L’un des principaux attraits du compte courant d’associé réside dans la possibilité de le rémunérer par des intérêts. Ce dispositif présente un double avantage fiscal :
- Pour la société, les intérêts versés
sont déductibles du bénéfice imposable dans la limite des plafonds publiés
mensuellement par l’administration fiscale. En clair, cela réduit l’impôt sur
les sociétés (IS) à hauteur de 25% du montant des intérêts.
- Pour l’associé, ces intérêts sont
considérés comme des revenus de capitaux mobiliers. Ils sont soumis à la flat
tax de 30% (prélèvement forfaitaire unique), sauf option pour le barème
progressif de l’impôt sur le revenu si celui-ci s’avère plus favorable.
Avec la hausse des taux
d’intérêt depuis 2022, la rémunération des comptes courants est redevenue très
attractive. L’administration fiscale publie régulièrement les taux plafonds
admis en déduction des résultats imposables des sociétés. À titre d’exemple,
pour une clôture au 30 juin 2025, le taux plafond est de 5,32%. Cela permet à
l’associé de percevoir un revenu net intéressant, tout en générant une économie
d’impôt pour la société.
Calcul rapide sur la
base d’un compte courant d’associé de 1 000 au 30 juin 2025 : l’intérêt
versé à l’associé est de 5,32 et génère donc une économie immédiate d’impôt sur
les sociétés de
-1,33 (25% de 5,32). La société s’acquitte pour le compte de
son associé d’un impôt libératoire de
1,67, et ce dernier perçoit alors un
revenu de 3,9 net d’impôt sur le revenu, prélèvements sociaux et charges
sociales. Soit un coût fiscal et social, si on tient compte de l’économie
d’impôt sur les sociétés générée en amont, de 5% du revenu !
> Blocage du compte
courant : une stratégie pour sécuriser l’entreprise
L’une des
caractéristiques clés du compte courant d’associé est que les fonds peuvent
être retirés à tout moment. Toutefois, pour sécuriser la trésorerie de
l’entreprise, il est possible d’établir une convention de blocage sur une durée
donnée.
Cette convention
présente deux avantages :
- Visibilité pour
l’entreprise :
les dirigeants savent que ces fonds ne seront pas exigés à court terme.
- Effet levier auprès
des banques :
un compte courant bloqué peut rassurer les établissements financiers lors d’une
demande de prêt.
> Un instrument à
privilégier aux primes de bilan et aux dividendes
Pour les
dirigeants-associés, rémunérer les apports en compte courant peut se révéler
plus intéressant qu’un versement de dividendes ou de primes :
- la rémunération du
compte courant n’est pas soumise aux cotisations sociales (contrairement à une
prime) pour les dirigeants associés de SAS (et jusqu’à 10% du capital social et
du compte courant d’associé moyen pour le gérant associé TNS de SARL) ;
- elle permet une
déduction fiscale pour la société, ce qui n’est pas le cas des dividendes ;
- le régime de la flat
tax est généralement plus avantageux que l’imposition marginale applicable aux
dividendes ou revenus professionnels.
Ce levier fonctionne également dans les SCI soumises à l’impôt sur le revenu (revenus fonciers) :
il permet de privilégier l’imposition forfaitaire à 12,8% sur les intérêts
plutôt que le taux marginal d’imposition du foyer.
> Cas particuliers :
abandon, succession et divorce
En cas de difficulté financière, un associé peut renoncer à son compte courant au profit de la société.
Ce geste fort constitue un produit exceptionnel imposable pour
l’entreprise. Il est conseillé de prévoir une clause de « retour à meilleure
fortune », permettant à l’associé de récupérer tout ou partie des sommes si la
situation de la société s’améliore. Ce type de clause doit apparaître dans les
engagements hors bilan de l’annexe comptable.
Autres précautions à prendre : le statut matrimonial peut avoir des conséquences inattendues.
Par exemple,
dans un couple marié sous le régime de la communauté, les apports en compte
courant sont présumés communs, même si l’un des conjoints a apporté la majeure
partie des fonds. Concrètement, si monsieur a apporté 90% des sommes en compte
courant d’associé, et madame 10%, mais qu’ils sont associés à 50/50, madame
sera en droit de réclamer 50% de la somme totale. En cas de divorce, cela peut
donc entraîner des conflits sur la répartition de ces sommes.
Enfin, le compte
courant d’associé devra être inclus dans la succession de son détenteur.
> Un dispositif à
manier avec rigueur
Le compte courant
d’associé est un outil redoutablement efficace pour financer son entreprise
sans dilution, optimiser sa rémunération et bénéficier d’avantages fiscaux.
Mais il implique également des responsabilités juridiques, fiscales et
patrimoniales.
Une mauvaise gestion,
un taux d’intérêt trop élevé ou un oubli dans les engagements hors bilan
peuvent entraîner des redressements fiscaux ou des contentieux.
L’accompagnement par un expert-comptable est donc vivement recommandé pour
sécuriser ce levier tout au long de la vie de l’entreprise.
Bertrand Sers conclut : « Le compte courant d’associé, souvent méconnu ou sous-exploité, mérite toute l’attention des dirigeants et associés de PME, TPE ou SCI. À condition d’en maîtriser les règles et les subtilités, il constitue un véritable levier de financement et d’optimisation fiscale, à intégrer pleinement dans la stratégie de gestion et de rémunération de l’entreprise. »


