En 2022, près d’un micro-entrepreneur sur trois cumule son activité avec un emploi salarié.
Pascal
Ferron, président de Walter France et fondateur du site dédié aux
auto-entrepreneurs, MonEntrepriZ, analyse ici cette tendance de fond.
Ce chiffre, issu du
dernier rapport de l’Insee, révèle une tendance de fond : le développement
d’une nouvelle forme d’emploi hybride, à la frontière du salariat et de
l’entrepreneuriat.
> Un phénomène en
forte progression
Fin 2022, 30,8% des
micro-entrepreneurs non agricoles sont pluriactifs, contre 9,4% chez les
non-salariés classiques. Parmi eux, près de 9 sur 10 ont un emploi salarié
principal, leur activité non salariée n’étant que complémentaire.
Ce phénomène touche
tous les secteurs, mais il est particulièrement marqué dans :
- l’enseignement : 45%
des micro-entrepreneurs y sont pluriactifs ;
- les arts et
spectacles ;
- l’information et la
communication ;
- les activités de
santé non réglementées (sophrologie, diététique, etc.) ;
- le conseil en
gestion.
À l’opposé, la
pluriactivité est quasiment absente dans les professions réglementées comme les
activités juridiques, médicales ou vétérinaires.
> Un complément de
revenu avec une activité réduite le plus souvent assumée
Contrairement aux idées
reçues, il est loin le temps où l’auto-entrepreneuriat était synonyme de
pis-aller et de précarité. Ce statut juridique est totalement rentré dans les
normes de l’entrepreneuriat. Ceux dont c’est l’activité principale peuvent gagner
parfaitement bien leur vie.
Mais effectivement, un
grand nombre d’auto-entrepreneurs ont une pluriactivité, et ce choix est
généralement complètement assumé. Il peut aussi s’agir d’étudiants qui
cherchent à arrondir leurs fins de mois, de retraités qui souhaitent un
complément de retraite ou qui veulent rentabiliser un hobby ou une passion. Ce
statut est également très prisé par les indépendants qui veulent tester une
activité.
Le rapport de l’Insee
indique que le revenu moyen tiré de l’activité non salariée ne représente que
15% du revenu global des micro-entrepreneurs pluriactifs. Cela suggère que pour
beaucoup, cette activité reste marginale ou ponctuelle. À titre de comparaison,
cette part est de 49% chez les non-salariés classiques pluriactifs.
> Des revenus très
variables selon les secteurs
Les données
sectorielles sont révélatrices des écarts de situation :
- dans les arts et
spectacles,
la moitié des pluriactifs tirent moins de 10 % de leurs revenus de
l’auto-entrepreneuriat.
- dans la santé, à l’inverse, près de
44% des pluriactifs perçoivent une majorité de leurs revenus de leur activité
non salariée.
- dans les services aux
entreprises
(conseil, ingénierie), les micro-entrepreneurs pluriactifs sont nombreux, mais
la part du revenu non salarié reste minoritaire.
Cette hétérogénéité
rend quasiment impossible une analyse statistique pertinente, la diversité des
situations et des revenus étant le propre du statut d’auto-entrepreneur. C’est
justement cette souplesse qui le rend attractif.
> Les points de
vigilance de la double activité
Cumuler deux activités
implique des enjeux spécifiques sur les plans administratif, juridique, fiscal
et social :
- cotisations sociales
:
complexité du calcul en fonction de l’activité principale, risques de
cotisation à des régimes inadaptés ;
- déclaration des
revenus :
vigilance sur les obligations fiscales, notamment en cas de dépassement des
seuils ;
- temps de travail : gestion des risques
liés à la surcharge, à la fatigue ou au non-respect du droit du travail
(notamment chez les salariés à temps plein) ;
- droits à la retraite
:
dispersion des cotisations et difficulté à optimiser les droits futurs.
Attention donc, car la pluriactivité
exige une vigilance accrue en matière de gestion.
> Une stratégie de
transition… ou un équilibre durable ?
La pluriactivité peut
aussi représenter une phase de transition intelligente vers un changement de
statut professionnel. Nombreux sont les micro-entrepreneurs qui lancent leur
activité en parallèle d’un emploi salarié avant de basculer à plein temps dans
l’indépendance. Cela permet de tester un modèle économique, de se constituer
une première clientèle, de créer une trésorerie de sécurité et de monter en
compétences.
Pour certains, ce
statut peut devenir pérenne. Mais pour d’autres, un pilotage stratégique est
indispensable pour identifier, à un moment donné, l’intérêt de conserver ce
statut ou d’en changer : évolution du chiffre d’affaires, projection de revenu
à moyen terme, arbitrage sur le statut juridique.
Conclusion de Pascal Ferron : « La pluriactivité est une des facettes du micro-entrepreneuriat rendu accessible à beaucoup par la simplicité de mise en œuvre du statut. Elle impose une approche rigoureuse et prévoyante, et les auto-entrepreneurs doivent se faire accompagner pour sécuriser leur parcours, mieux piloter leur activité et construire leur avenir professionnel. »


