L’analyse de Cédric Gaillard,
operating partner chez I&S Adviser
Baser le plan de
restructuration d’une start-up non seulement sur une analyse financière mais
aussi sur un état des lieux de sa structuration opérationnelle permet de
sécuriser son rebond. Avec un deuxième effet : en veillant à ce que la start-up
ait les moyens d’atteindre les objectifs de croissance annoncés, les fonds
sécurisent les performances de leurs investissements.
Les défaillances de
startups continuent d’émailler l’actualité. La liquidation de la pépite
Aldebaran a été annoncée dans les premiers jours de juin. Depuis début 2025, ce
sont Ynsect, Virtuo ou encore Omaj qui ont fait parler d’elles parce que
placées en redressement judiciaire. Toutefois, un redressement ne signifie pas
que le match est plié et que la défaite est irrévocable, il indique juste qu’un
set a été perdu. Les dés sont relancés au set suivant... Reste à voir comment
capitaliser sur ce moment particulier dans la vie d’une entreprise pour
relancer son activité.
D’une lecture
financière à une lecture opérationnelle
Pour rebondir, les
dirigeants de startup élaborent un plan de restructuration de la dette avec
leurs banques, investisseurs, créanciers, actionnaires, et/ou administrateurs
judiciaires. Et pour avancer, ils s’appuient souvent sur une « revue
indépendante de l’entreprise » autrement connue sous l’acronyme IBR. Cette
analyse de la situation financière éclaire sur les décisions à prendre en
matière de rééchelonnement de la dette, de restructuration comptable, de
cession d’actifs, etc.
Cependant, si cette
lecture financière et ce plan d’assainissement des comptes sont nécessaires,
ils ne sont pas suffisants. Redresser et relancer une entreprise demande aussi
de réfléchir au management, à l’organisation opérationnelle et plus globalement
aux choix de gestion.
Un diagnostic pour
identifier les causes des difficultés et éviter leur répétition
Très souvent, les
difficultés des startups surviennent à cause d’une surconsommation de cash
(pour financer l’innovation, le marketing et la communication, le recrutement
des équipes, etc.). Actuellement, elles doivent en parallèle faire face aux
soubresauts de leur marché, avec à la clé des perspectives de ventes – donc de
chiffre d’affaires – qui diminuent. Le manque d’expérience des fondateurs qui,
pour la plupart, n’ont jamais exercé de fonctions de direction et de
management, explique en partie l’absence de prises de décision. Quant aux
levées de fonds pour « trouver de l’argent frais », en dehors de quelques
grosses opérations, elles se font rares. Difficile donc de miser sur une
“réinjection de carburant” pour redémarrer.
Corriger le tir demande
d’ouvrir le capot de la startup pour regarder quelle est sa capacité à mettre
en œuvre le plan prévu et à délivrer la promesse formulée. Aux États-Unis, les
partenaires des startups en redressement demandent de plus en plus systématiquement
qu’un diagnostic opérationnel soit établi. Parmi les points qu’ils veulent
vérifier : la gouvernance, le choix des collaborateurs aux postes-clés, la
non-vacance de fonctions managériales majeures, les processus de production, la
“capacité à tenir la charge”, etc. Un seul but : s’assurer que les efforts
qui vont être consentis soient profitables, et élaborer des plans à 100 jours
post-restructuring réalistes et efficaces.
Un double effet Kiss
Kool
Le sujet est d’autant
plus sensible au sein des sociétés de gestion qu’elles cherchent à sécuriser
leurs investissements pour atteindre les performances attendues de leurs fonds
(existants ou en projet) et rassurer les LP’s. Mesurer la valorisation opérationnelle
des startups de son portefeuille devient un moyen de prendre du recul sur les
difficultés rencontrées et de confirmer le potentiel de création de valeur par
le portefeuille si les bonnes décisions sont prises.
Le potentiel de croissance des startups françaises est réel à condition d’agir sur les bons leviers. Il serait dommage que beaucoup d’entre elles disparaissent et perdent leurs actifs (matériels mais aussi et surtout immatériels) faute d’une structuration opérationnelle adéquate pour rebondir à partir d’un plan de restructuration. Se concentrer sur les liquidités, la dette et la structure financière rassure les investisseurs. Mais cela ne montre pas ce qui se passe réellement sur le terrain. Avoir une vue claire et exploitable de la capacité opérationnelle de la startup donne des indicateurs sur sa capacité à délivrer. Là est la clé du rebond des startups - et des performances des fonds.


