Par Jeff
Wittich, Chief Product Officer chez Ampere.
Avec l'explosion de la
demande en IA, comment faire évoluer l'infrastructure informatique de manière
durable sans épuiser les ressources en eau et en énergie ? Jeff Wittich, CPO
chez Ampere Computing, suggère en premier lieu d'optimiser les performances par
watt et la densité des racks dans l’infrastructure des centres de données
existants.
L’Europe traverse un
été hors norme. Les vagues de chaleur record et les sécheresses prolongées font
pression sur les ressources disponibles en eau et en énergie. Cette situation
contraint les gouvernements à adopter des mesures strictes, notamment en régulant
sévèrement les data centers gourmands en ressources.
Des analyses récentes
de l’UE ont sonné l'alarme : les data centers consomment des quantités
excessives d’eau et d’énergie pour le refroidissement de leurs serveurs. La
croissance des workloads d’IA ne fait qu’accroitre cette pression. La question
n’est plus de savoir si la demande de puissance de calcul augmentera mais
comment soutenir cette croissance sans aggraver la situation environnementale.
Une solution évidente
consiste à renforcer la puissance de calcul même des data centers existants.
En optimisant
l’efficacité de chaque watt d’électricité et la performance de chaque rack, il
ne sera pas nécessaire de construire davantage de data centers, ce qui se
traduit directement par une réduction des infrastructures, une baisse de la
consommation électrique globale et une diminution des besoins en eau pour le
refroidissement. La transition vers des infrastructures informatiques durables
ne se limite pas à l'utilisation d'énergies plus propres ou à la conception de
meilleurs systèmes de refroidissement. Elle implique également de réduire
l'empreinte physique des systèmes informatiques eux-mêmes.
Pourtant, la réalité
connaît une tendance inverse : l'essor de l'IA pousse les organisations à se
regrouper et à déployer des infrastructures plus importantes, souvent équipées
de matériel hautement spécialisé qui chauffe et consomme énormément d'énergie.
Si les gains d’efficacité ne progressent pas, l’industrie sera condamnée à une
expansion incontrôlée de ses infrastructures, chaque nouveau data center
aggravant l’empreinte environnementale globale.
Cette crise est déjà
une réalité : plusieurs régions européennes bloquent ou retardent les permis de
construction de nouveaux data centers face aux pénuries énergétiques et à
l’opposition des communautés locales. Plus tôt cette année à La Courneuve, certaines
autorités locales chargées de l'environnement ont alerté sur la consommation en
eau potable excessive des centres de données (près de 250.000 m³ par an) en
période de sécheresse, suscitant des critiques et des inquiétudes quant à leur
impact local et aux conflits d'utilisation. Dans ce contexte, l'efficacité des
infrastructures ne constitue plus seulement un objectif technique, mais un
enjeu déterminant pour les entreprises et les pouvoirs publics.
L'industrie doit
désormais se concentrer sur l'optimisation des performances réelles par watt,
non seulement au niveau des puces, mais également au niveau des racks et de
l'ensemble des systèmes.
Ce niveau d'efficacité
offre une grande flexibilité. Il permet aux fournisseurs cloud et IA d'évoluer
sans modifier leur empreinte, de se déployer dans des environnements restreints
et d'éviter de nouveaux conflits environnementaux et règlementaires.
Cette réalité impose une refonte radicale des architectures informatiques, où chaque décision technique doit désormais concilier deux impératifs : maximiser la performance par watt et intégrer en temps réel les innovations des processeurs les plus efficientes. Cela implique également de rééquilibrer les workloads et de concevoir des systèmes dont le débit est adapté à une consommation thermique et énergétique moindre. Une approche clé pour limiter la consommation d'eau et d'énergie, particulièrement cruciale dans les régions fortement impactées par le changement climatique. L’avenir de l’informatique durable repose sur l’optimisation intelligente des infrastructures actuelles plutôt que leur expansion aveugle.


