L'analyse
de Synergiec.
L’annonce de la suspension estivale de MaPrimeRénov’ pour les dossiers individuels a suscité un véritable émoi. Dans une dynamique de « stop and go », les informations relayées ont alimenté la confusion dans l’esprit des particuliers.
Pourtant, un
point majeur est passé largement sous les radars : les copropriétés ne sont pas
concernées par cette pause et restent éligibles à MaPrimeRénov’ Copropriété.
La France compte près
de 10 millions de logements en copropriété, soit environ un tiers du parc
résidentiel national. Parmi eux, 30% sont occupés par des locataires, ce qui
rend le sujet d’autant plus bouillant au regard de l’application de la loi
Climat et Résilience. Sans rénovation, ces biens deviennent inexploitables à la
location, et perdent de leur valeur patrimoniale, jusqu’à 15% à la revente. Or,
lorsqu’on est copropriétaire, la rénovation énergétique est souvent plus
cohérente, plus performante et plus accessible que les rénovations menées de
manière isolée.
« Issu de la Loi de
1965, le fonctionnement collectif de la copropriété dont nous fêtons les 60
ans, permet en effet de mutualiser les efforts et les moyens, énonce Sylvain
Lefevre, président de Synergiec. Sur le plan technique, les travaux
menés à l’échelle de l’immeuble permettent de traiter les véritables sources de
déperdition thermique : façades, toiture, plancher bas, système de chauffage
collectif. Ces postes, souvent inaccessibles aux seuls copropriétaires, sont
ceux qui ont le plus fort impact sur la performance énergétique globale. »
À l’inverse, un
copropriétaire qui décide d’agir seul se heurte à plusieurs limites : il doit
financer seul ses travaux, souvent sans visibilité sur les projets collectifs à
venir. S’il investit dans l’isolation intérieure, il perd de précieux mètres
carrés, pour une efficacité souvent limitée si les murs, les toitures ou les
planchers de l’immeuble restent des passoires. Et si des travaux d’isolation
par l’extérieur sont votés un an plus tard, son investissement devient
partiellement redondant. Il aura alors perdu du temps, de l’espace, et de
l’argent.
« Sur le plan
économique, les bénéfices sont tout aussi évidents. Les économies d’échelle
permises par des travaux mutualisés font baisser le coût unitaire, tandis que
le recours à un prêt collectif ouvre la voie à une mensualisation du reste à
charge pour chaque copropriétaire, constate Sylvain Lefevre. Ce reste à charge
peut ainsi être réduit à des montants accessibles, souvent inférieurs à 100
euros par mois, tout en intégrant les aides disponibles : MaPrimeRénov’,
Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), aides des collectivités locales. »
Prenons un exemple
concret.
Un copropriétaire
souhaite améliorer l’isolation de son logement parisien. Il engage :
- 10 000€ pour isoler
par l’intérieur deux murs donnant sur l’extérieur, ce qui lui fait perdre
environ 3 m² de surface habitable (soit une perte de valeur potentielle de 28
500€, soit 9 500€/m²).
- Il mobilise
MaPrimeRénov’ Individuelle (suspendue pour l’été) pour 3 000€, reste à charge
: 7 000€.
Un an plus tard,
l’assemblée générale vote des travaux d’isolation thermique par l’extérieur,
financés via un éco-PTZ : 103 000€ pour la façade, répartis entre 18
copropriétaires, soit 5 722,22€ par logement, remboursables sur 10 ans. Soit
une mensualité de 47,68€/ mois par copropriétaire.
Ce montant est indiqué hors aides, sachant que MaPrimeRénov’ Copropriété peut couvrir de 30 à 45% du coût des travaux par propriétaire, selon le niveau de gain énergétique obtenu.
À cela s’ajoutent les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), mobilisables sur
les travaux éligibles : isolation des murs, des planchers, des combles ou de la
toiture, installation d’une pompe à chaleur pour le chauffage ou l’eau chaude
sanitaire, etc.
Trop souvent, des
propriétaires investissent dans des travaux intérieurs (changement de fenêtres,
pompe à chaleur, etc.) sans avoir traité en amont les causes structurelles de
la perte énergétique du bâtiment. C’est comme chauffer avec les fenêtres ouvertes.
Dans bien des cas, ces investissements, pourtant bien intentionnés, deviennent
obsolètes une fois les travaux de copropriété réalisés.
C’est pourquoi, pour un copropriétaire, la logique doit s’inverser : il faut d’abord rénover la copropriété, puis envisager des travaux intérieurs si nécessaire. C’est cette séquence qui garantit l’efficacité énergétique, la cohérence technique, et la rentabilité des investissements.
Le moment est donc propice. « La pause sur les gestes individuels ne doit pas être vécue comme un recul, mais comme une invitation à changer d’échelle. » maintient Sylvain Lefevre.
Pour les syndics, les conseils syndicaux et les collectivités, le message est clair : c’est maintenant qu’il faut mobiliser les copropriétaires.