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[Tribune] Faites confiance aux maires des Villes de France !

Les 3 et 4 juillet 2025, les Maires des villes moyennes, réunis à Libourne à l’occasion du Congrès de Villes de France, ont adopté une résolution forte, appelant à un retour de la confiance entre l’État et les collectivités locales.

 

Dans un contexte politique et budgétaire tendu, les Maires et Présidents d’agglomérations dénoncent une méthode de travail peu lisible et réclament une véritable République décentralisée. Ils demandent à être pleinement associés à la définition et à la mise en œuvre des politiques publiques, avec des moyens et des outils adaptés aux réalités de chaque territoire.

 

Dans leur résolution, les Maires de Villes de France formulent de nombreuses propositions concrètes pour :

 

•   Préserver l’investissement local et les services publics de proximité, en tenant compte des spécificités des villes moyennes dans les efforts budgétaires ;

•   Soutenir le commerce de centre-ville avec la poursuite du programme « Action Cœur de Ville » et une réforme de la fiscalité sur les locaux commerciaux vacants ;

•   Renforcer la sécurité en adaptant les missions et les moyens des polices municipales, tout en maintenant la complémentarité avec les forces nationales ;

•   Garantir l’accès aux soins, en donnant aux élus locaux un rôle accru dans la gouvernance et l’organisation de l’offre de soins ;

•   Sortir de la crise du logement en laissant aux Maires la capacité de piloter localement la construction et la rénovation ;

•   Accélérer la transition écologique en levant les freins administratifs et en donnant aux élus le pouvoir d’agir sur l’énergie et la gestion de l’eau.

 

Villes de France appelle le Gouvernement à choisir la voie de la confiance, de la simplification et de la décentralisation pour permettre aux élus locaux d’agir efficacement au service des habitants et des territoires.

 


Résolution de Villes de France - Congrès de Libourne - 3 & 4 juillet 2025

À moins d’un an des élections municipales et dans un contexte politique instable, les Maires et Présidents d’agglomérations ne peuvent que regretter la nette dégradation des relations entre l’État et les collectivités locales.

Pour deux raisons. La première est bien sûr liée aux décisions financières prises en 2025, qui ont des conséquences particulièrement lourdes pour les budgets des collectivités et aux perspectives sombres qui s’annoncent pour 2026, alors que chacun sait que la dérive des comptes publics n’est pas due à l’action des collectivités locales, mais aux décisions - qu’elles ont souvent dénoncées sans être entendues - prises par l’État depuis des années.

Un exemple ? La suppression de la taxe d’habitation impose à l’État d’en compenser le montant (24 mds€) qui réduit l’autonomie fiscale des communes. L’Etat le fait imparfaitement mais cela pèse sur le déficit : nous craignons et refusons que les collectivités aient à en subir les conséquences et soient amenées à « payer deux fois ».

La seconde est fondée sur le constat d’une méthode de travail peu lisible. En effet, alors que la situation dans laquelle se trouve notre pays exige une mobilisation de l’ensemble des acteurs, il est plus que jamais indispensable de restaurer le lien de confiance qui unit l’État aux collectivités locales : cela passe par une méthode qui ne se réduise pas à des rencontres certes bienvenues mais énergivores et jusqu’ici improductives, conduites depuis deux mois, au cours desquelles le Gouvernement n’a toujours donné aucune indication claire sur les mesures qu’il envisage nécessairement dans le projet de loi de finances pour 2026. Comment, alors, parler d’un dialogue sur le fond avec les élus locaux avant des arbitrages annoncés maintenant pour la mi-juillet ?

Nous plaidons pour un retour de la confiance entre État et Villes.

Depuis plusieurs années, les élus locaux souffrent de décisions gouvernementales actées à Paris sans véritable prise en compte des spécificités et des réalités locales, de contraintes toujours plus nombreuses venant entraver le développement de leurs projets de territoire, et plus largement souffrent que leur soit imposée une conduite à tenir à laquelle ils ne peuvent déroger sous peine d’être jugé irresponsables.

Restaurer la confiance entre l’État et les collectivités locales, c’est permettre aux élus locaux de retrouver leur capacité d’agir. Pour cela, les Préfets doivent pouvoir disposer d’un véritable pouvoir d’arbitrage sur l’ensemble des administrations de l’État. Nous souffrons trop souvent de voir nos projets locaux soumis à des avis ou décisions d’administrations qui ne sont pas placées sous l’autorité du Préfet (ARS, ABF, DREAL, Éducation Nationale) et pas davantage à son arbitrage en cas d’appel. Nous appelons de nos vœux le renforcement du couple Maire-Préfet, dont la pertinence a fait ses preuves à de nombreuses reprises. Enfin, le choc de simplification annoncé depuis plusieurs mois déjà par le Gouvernement nous permettra, espérons-le, d’alléger les contraintes rencontrées quotidiennement.

C’est la raison pour laquelle nous proposons aujourd’hui une nouvelle méthode de travail.

Cette méthode est simple : elle s’appelle la République décentralisée. Qui est dans notre Constitution : le gouvernement et le Parlement impulsent les grandes lignes stratégiques des politiques publiques nécessaires pour le pays. Charge aux élus locaux de les mettre en œuvre localement, avec des moyens et des outils clairs, en adaptant ces mesures aux spécificités et aux caractéristiques de leur territoire. Il faut passer d’un contrôle parfois tatillon à une vraie obligation de résultat, à laquelle les élus savent s’engager.

Alors que notre pays fait face à un défi budgétaire majeur, que les Français sont touchés par des crises multifactorielles comme celles du pouvoir d’achat ou du logement, le moment est venu de nous délier les mains pour agir plus simplement et rapidement au service de nos habitants, et nous octroyer à nouveau le pouvoir de décider dans de nombreux domaines :

Finances

Si la situation des finances publiques de la Nation concerne chacun, il existe des différences fondamentales entre entités publiques : l'État finance son déficit budgétaire (135,6 Md€ en 2025) et refinance sa dette existante par l’emprunt, alors que les collectivités locales n'empruntent que pour couvrir une partie minoritaire de l'investissement (réseaux, activité économique, écoles, équipements publics etc.) et jamais pour le fonctionnement courant.

Nous réaffirmons que dans la préparation du PLF 2026, une analyse globale de la situation des communes et des villes n’a pas de sens : il faut raisonner par strates de communes.

Les villes moyennes et leurs agglomérations sont d’ores-et-déjà dans des situations plus difficiles que d’autres strates de collectivités, fragilisées par des perspectives très incertaines à court terme, avec des charges de centralité plus lourdes qui pèsent sur les dépenses de fonctionnement (affectées en outre par l’inflation et la hausse de la cotisation CNRACL et du versement mobilité) et de l’impact des contraintes normatives.

Dès lors, les Maires de Villes de France insistent sur l’importance d’opérer une distinction dans les efforts budgétaires qui vont être demandés aux entités publiques : il faut garder en tête que les collectivités qui contribueront à l'effort national de redressement (+2,2 Md€ en 2025) réduiront leurs marges de manœuvre et de fait leurs investissements locaux et leurs services publics de proximité.

Aussi, parmi toutes les communes et leurs groupements, une approche uniforme risquerait de paralyser les projets territoriaux, sans avoir pour autant d’impact réel sur la dette publique globale. Même si les villes moyennes et leurs communautés d’agglomération conservaient en 2024 une situation financière encore maîtrisée permettant une capacité d’investissement soutenue, les Maires alertent le Gouvernement : les mesures qu’il prendra devront être justes et supportables, pour ne pas être contreproductives et dégrader fortement l’investissement (et donc l’activité économique) et les services publics qui permettent aujourd’hui de maintenir un équilibre social que chacun sait précaire.

Commerce

Depuis de nombreux mois, nous n’avons cessé d’alerter le Gouvernement sur les difficultés rencontrées par nos commerçants de centre-ville. L’élan retrouvé grâce au programme « Action Cœur de Ville », en partenariat avec l’ANCT dont il faut préserver le rôle auprès des collectivités, est aujourd’hui mis à mal par la crise sanitaire, l’essor du commerce en ligne, la baisse du pouvoir d’achat, les mutations des comportements d’achat des consommateurs. Manifestation la plus visible et massive : la fermeture des grandes enseignes d’habillement et du textile partout en France, qui déséquilibre structurellement nos centres villes.

Il est d’une absolue nécessité d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Alors que le programme « Action Cœur de Ville » arrive à son terme en 2026, nous sommes aujourd’hui convaincus de la nécessité de poursuivre cette démarche au-delà, au regard notamment des difficultés rencontrées, et de revenir à la genèse du programme en recentrant les moyens d’actions sur la redynamisation commerciale de nos cœurs de ville.

À ce titre, plusieurs mesures ont vocation à intégrer cet acte III du programme « Action Cœur de Ville » que nous appelons de nos vœux.

C’est le cas notamment de la révision de la taxe sur les locaux commerciaux vacants, ô combien indispensable. Nous proposons concrètement de réduire le délai d’application de la taxe à six mois. Nous plaidons également pour un renforcement du taux de la taxe et pour le durcissement des conditions d’exonération, aujourd’hui trop aisées.

C’est aussi le cas de la maîtrise du choix d’implantation des magasins, essentielle pour garantir le dynamisme et la pluralité des commerces de nos cœurs de ville. Sur ce point, il est nécessaire de donner aux élus locaux les moyens d’agir en leur permettant, par exemple, de lancer des opérations d’intérêt local pour maîtriser le foncier de cœur de ville.

La question du commerce de centre-ville ne peut se concevoir qu’en interrogeant le commerce de périphérie dont l’extension reste aujourd’hui encore trop aisée.

Enfin, nous demandons avec insistance une taxe dissuasive sur les colis afin que les consommateurs mesurent l’impact de leurs choix individuels sur les commerces de proximité qu’ils appellent, par ailleurs, de leurs vœux.

Sécurité

Dans la clarté, dans le respect des missions de chacun, au service de la sécurité des Français, les Maires des Villes de France veulent s’engager.

À l’heure où sécurité et tranquillité publiques sont des sujets prioritaires pour l’ensemble des Français, l’exécutif a fait part de son intention d’étendre les prérogatives des polices municipales.

Les Maires de Villes de France, qui disposent dans leur très grande majorité d’une police municipale armée et assurent le déploiement et le fonctionnement des réseaux de vidéoprotection le disent : il faut regarder en face la réalité du terrain. Dans beaucoup de nos villes, la police municipale est primo-intervenante et lutte au quotidien contre toutes les formes de délinquance, en accomplissant des missions auparavant dévolues uniquement à la Police nationale ou à la Gendarmerie.

Villes de France demande que chaque maire puisse, s’il le souhaite, faire évoluer les missions et compétence de sa police municipale pour répondre aux impératifs locaux de sécurité, dans le respect des compétences des autres acteurs de la chaine de sécurité : prévention, tranquillité publique, sécurité et justice…

Oui, les Maires attendent des mesures opérationnelles qui donneront plus d’efficacité à l’action des polices municipales, telles que l’interopérabilité des moyens de communication entre forces de l’ordre ou l’intégration des logiciels de rédaction des procédures. De nombreux développements sont à anticiper, avec des enjeux en matière de transformation numérique, de commande publique et de délais.

Oui, les Maires souhaitent que les pouvoirs des polices municipales soient adaptés, au plan juridique comme à ceux des matériels mis à leur disposition, pour mieux agir contre la délinquance, selon des logiques d’interopérabilité, de renforcement de la déontologie et de la formation des agents.

Toutefois, leur rôle doit rester centré sur la tranquillité publique, dont le maire est le principal garant. Sur ce principe, les Maires de Villes de France sont fermes et unanimes : il ne saurait être question d’entrer dans une logique de substitution avec un retrait non concerté de certaines missions. Forces de l’ordre et polices municipales doivent continuer à agir en complémentarité en matière de sécurité publique.

Les Maires de Villes de France saluent la méthode de travail du Beauvau des Polices Municipales qui vise à mettre en œuvre des dispositions co-construites entre Gouvernement et collectivités.

Santé

Dans un contexte d’aggravation des fractures sanitaires, les villes moyennes subissent de plein fouet les effets du désengagement médical. Déserts médicaux, renoncements aux soins, urgences saturées, épuisement des professionnels…Nous ne pouvons plus accepter que l’État multiplie les diagnostics sans donner aux territoires les leviers pour agir.

Les villes moyennes ont démontré qu’elles étaient le premier échelon pertinent pour répondre à la crise d’accès aux soins. Nos maires réhabilitent des cabinets médicaux, créent des maisons de santé, soutiennent la venue de praticiens, mettent à disposition du foncier, du logement, des crèches, des aides à l’installation… Tout cela sans compétence formelle mais avec responsabilité, inventivité et détermination.

Le temps est venu de reconnaître pleinement la place des élus locaux dans la gouvernance locale de la santé. Nous plaidons ainsi pour un rôle accru des maires dans les conseils de surveillance des hôpitaux, les instances territoriales de pilotage de la santé et plus globalement dans toute démarche de coordination de l’offre de soins. De même, le maire doit avoir la pleine capacité d’initier des maisons de santé et centres de santé sans blocage administratif, de soutenir la création de postes partagés entre ville et hôpital, ou encore de développer des solutions innovantes comme la télémédecine adaptée au territoire.

Logement

Parce qu’il s’agit d’une attente forte de nos concitoyens, il est urgent de laisser la main aux Maires et aux Présidents d’Intercommunalités pour sortir de la crise du logement que nous traversons.

Confrontés quotidiennement à une explosion du nombre de demandes de logements sociaux alors que les biens disponibles augmentent peu, les Maires de Villes de France demandent la possibilité de pouvoir décliner localement les grandes orientations nationales en ayant les moyens humains et financiers de le faire. Depuis plusieurs années, l’État a procédé à des ponctions sur les bailleurs sociaux qui les empêchent de construire suffisamment et de rénover les logements existants : ces choix doivent être revus. De même, le soutien à l’investissement locatif privé est nécessaire pour soutenir la production d’une offre adaptée.

Nous voulons également pouvoir définir des zonages de nos territoires et favoriser de manière ciblée la construction et la rénovation en accompagnant les propriétaires par des dispositifs fiscaux localisés contractualisés avec l’État.

Transition écologique

Les villes moyennes, par leur proximité et leur agilité, sont les mieux placées pour expérimenter et mettre en œuvre des solutions concrètes en faveur de la transition énergétique. Nous demandons ainsi que soit donné aux maires un véritable pouvoir d’action dans le développement des énergies renouvelables. Cela suppose d’abord d’octroyer aux élus locaux la possibilité de définir un objectif local de part des énergies propres dans le mix énergétique adapté aux ressources, aux contraintes et aux ambitions de chaque territoire. Cela suppose là aussi de lever les freins administratifs qui ralentissent le déploiement de projets solaires, éoliens, de méthanisation ou de géothermie et un soutien maintenu aux réseaux de chaleur qui constituent une vraie alternative à l’utilisation de ressources fossiles.

Dans un contexte dans lequel les enjeux liés à l’eau sont majeurs, nous demandons des outils plus puissants pour assurer, sans que le coût ne pèse que sur le consommateur final comme c’est le cas aujourd’hui, la protection de la qualité des captages d’eau potable. Nous avons besoin d’un outil de régulation collectif des usages. Enfin, la réutilisation des eaux usées traitées apparaît comme un grand défi des prochaines années. Cet investissement important est rendu complexe par la réglementation applicable, les démarches administratives associées, la technicité nécessaire et les coûts induits. Nous demandons à ce que les freins encore en vigueur soient levés le plus rapidement possible afin de favoriser l’engagement des élus locaux dans cette démarche.

Dans un contexte économique et social fragile, l’État doit faire confiance à nos villes moyennes et nos territoires pour relever les défis qui se dressent devant nous. Pour ce faire, une seule voie est possible : nous laisser le pouvoir de décider et d’agir ! Alléger les normes, garantir un soutien réel des administrations à nos projets, simplifier les procédures, faciliter les prises de décisions… C’est seulement lorsque ces conditions seront réunies, lorsque ces freins seront desserrés et que nos mains seront déliées, que nous serons, ensemble, en mesure de répondre efficacement aux attentes de nos concitoyens.

 

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