L’analyse de Strategy&, l’entité de conseil en stratégie
de PwC.
À l’origine d’une
triple crise planétaire (raréfaction des ressources, dérèglement climatique,
dégradation des écosystèmes), les modèles traditionnels de production et de
consommation sont remis en cause. La pression s’est intensifiée sur l’accès aux
ressources naturelles avec des impacts concrets pour les entreprises et les
gouvernements (pénuries, dépendances envers certains pays, augmentation des
coûts…), qui doivent s’adapter à cette nouvelle donne.
Avec un potentiel de
plus de 6 milliards d’euros d’ici 2029, les filières à Responsabilité Elargie
des Producteurs (REP) soutenant le développement de l’économie circulaire en
France constituent un enjeu stratégique.
L’économie circulaire
contribue à créer durablement de la valeur : environnementale, en préservant
les ressources et en valorisant les déchets ; sociale, en créant des emplois ;
et économique, en poussant les entreprises à se transformer. C’est ce que révèle
l’étude inédite consacrée à l’économie circulaire en France, réalisée par
Strategy&, l’entité de conseil en stratégie de PwC.
L'économie circulaire
et les filières à Responsabilité Élargie des Producteurs (REP)
Dans un monde aux
ressources limitées, l’économie circulaire s’impose comme une alternative
incontournable au modèle linéaire. Portée par un cadre réglementaire en plein
renforcement en France et en Europe, elle vise à maintenir la valeur des
produits, des matériaux et des ressources dans l’économie aussi longtemps que
possible et à minimiser la génération de déchets. En France, la feuille de
route en matière d’économie circulaire prévoit une réduction de 30% de la
consommation de ressources par rapport au PIB d’ici à 2030 par rapport à 2010.
De nouvelles exigences réglementaires en matière de recyclage et de réduction
d’impact carbone accompagnent donc ce changement de paradigme (loi AGEC,
filières à Responsabilité Elargie des Producteurs (REP), taxonomie, Fit for 55,
etc.).
Parmi les leviers
déployés, les filières à Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) engagent
chaque acteur de la chaîne – fabricants, distributeurs, éco-organismes,
opérateurs du recyclage... – à intervenir à chaque étape du cycle de vie des
produits. Les éco-organismes y jouent un rôle central : ils accompagnent
l’éco-conception, soutiennent les collectivités, coordonnent la collecte et le
traitement des déchets, et développent les filières de réparation et de
réemploi. Avec 23 filières REP opérationnelles en 2025, la France s’impose
comme leader européen. Les metteurs en marché attendent désormais des
éco-organismes une performance accrue, des barèmes compétitifs et une expertise
fine sur chaque filière.
Filières REP : quels
enjeux et opportunités ?
Certaines filières se
démarquent par les impacts environnementaux qu’elles génèrent : l’Union
Européenne souhaite donc les accompagner en priorité pour mener à bien la
transition vers l’économie circulaire :
• Emballages plastiques : Le recyclage des plastiques se heurte à des obstacles économiques, techniques et réglementaires, limitant la compétitivité du plastique recyclé. Des lacunes dans les filières de collecte et de tri, un manque de données fiables, une visibilité réduite sur les débouchés économiques ainsi que des injonctions réglementaires parfois contradictoires, freinent la structuration d’une filière encore émergente. Aujourd’hui, près de 40% des plastiques restent non recyclables. Malgré ces défis, la demande en plastiques circulaires progresse, portée par une réglementation plus incitative et des innovations. En France, la production de plastique recyclé pour les emballages pourrait croître de
17%
d’ici 2030.
• Équipements
électriques et électroniques (EEE) : La filière des équipements électriques et
électroniques (EEE) est mise sous tension face à la baisse des ventes de
produits neufs et à des objectifs réglementaires renforcés. Toutefois, le
marché de la seconde main, en forte croissance (+11% entre 2019 et 2023),
constitue un levier prometteur, avec une prévision de +10% de croissance entre
2024 et 2027.
• Batteries : La filière des batteries repose largement sur l’importation de métaux stratégiques, générant des émissions de CO2 importantes et exposant l’Europe à des risques géopolitiques, notamment en raison de la dépendance à la production chinoise. Malgré ces défis, la croissance est estimée à
+15% entre 2023 et 2030, portée
par les véhicules électriques et hybrides. Le recyclage et le réemploi sont des
leviers clés pour relocaliser la filière, réduire son impact environnemental et
renforcer l’autonomie stratégique européenne.
• Construction : En 2021, la
construction a généré 70% des déchets en France, ce qui en fait un enjeu clé
pour l’économie circulaire. Des écocontributions ont été instaurées, mais leur
variabilité, pouvant atteindre 25% du prix de vente, souligne la difficulté à
fixer des barèmes justes dans une filière hétérogène et concurrentielle.
L’objectif est de financer le traitement des déchets sans pénaliser les
produits les plus écologiques, tout en garantissant une concurrence équitable.
• Textile : La filière textile
doit réduire son impact environnemental en luttant contre la fast fashion et en
allongeant la durée de vie des produits (un jean dont la longévité est accrue
de 30% réduit son coût écologique de 23%). Pour compenser la crise du marché du
neuf, elle développe des modèles innovants : réparation, location, abonnement,
revente d’occasion et upcycling. Par ailleurs, elle mise sur une image
responsable en adoptant des pratiques écologiques pour fidéliser une clientèle
sensible à ces enjeux. L’économie circulaire offre ainsi de réelles
opportunités de création de valeur dans le secteur.
Créer de la valeur par
l’économie circulaire
Avec une projection
financière estimée à plus de 6 milliards d’euros d’ici 2029, les filières REP
constituent un véritable levier de transformation avec à la clé des bénéfices
environnementaux, économiques et sociaux.
Or, la maturité autour
de la circularité diffère chez les acteurs. Les leaders de la circularité la
considèrent comme un levier de création de valeur et ont transformé leur
business model en trois temps : définition de leur ambition stratégique en lien
avec la circularité, définition de leur futur modèle opérationnel, en
s’appuyant sur l’ADN de leur entreprise, déploiement de leur nouveau modèle
opérationnel.
A ce titre, des
entreprises ont déjà franchi le pas :
• Fnac Darty, via son plan
stratégique Everyday, a développé une offre de seconde vie et a lancé Darty
Max, un service d’abonnement à la réparation. L’objectif est d’atteindre 2
millions d’abonnés à horizon 2030.
• Renault Group et Suez ont cocréé
l’entreprise The Future is Neutral, acteur industriel engagé sur l’ensemble de
la chaîne de valeur de l’économie circulaire automobile, visant à orienter le
secteur vers la neutralité en ressources. Objectifs à horizon 2030 : un chiffre
d’affaires supérieur à 2,3 Mds€ et une marge opérationnelle supérieure à 10%.
• Orange déploie le programme «
Re », articulé autour de la reprise, la réparation sous 24h, le
reconditionnement et le recyclage des téléphones, avec pour objectifs
d’atteindre 10% de terminaux reconditionnés vendus et 30% des mobiles vendus
(reprise et collecte) en Europe.
• Kering a défini une stratégie
Coming Full Circle visant à favoriser un luxe circulaire autour de trois axes
-
Durabilité
des produits par le design, des services de réparation ou encore des investissements
dans de nouveaux modèles (ex. Vestiaire Collective)
-
Recours
aux matières régénératives, recyclées et certifiées,
-
Processus
de production plus efficaces, notamment en réduisant et revalorisant les
déchets et les invendus via dons, upcycling, remanufacturing.
A cela s’ajoute, la
mise en place d’une politique « Emballages Circulaires », s'articulant autour
des
« 4R » : Réduire, Réutiliser, Recycler, Réintégrer (ex. 40% de matériaux
recyclés dans les produits textile d’ici 2035, 0 destruction des invendus).
« Les entreprises qui intègrent pleinement la circularité dans leur stratégie démontrent qu’il est possible de créer de la valeur en conciliant croissance, performance environnementale et fidélisation client. Cette transformation des modèles économiques, en alignant vision stratégique, modèle opérationnel et gouvernance, peut devenir un puissant levier de compétitivité et de résilience, à condition de s’appuyer sur des écosystèmes partenaires, des modèles opérationnels adaptés et une culture d’entreprise tournée vers l’innovation durable. », conclut Guillaume Jean, Associé Strategy&.


