Le point de vue de Fidel Martin,
Président d’Exoé.
Certaines phrases sont
devenues un rituel, un refrain que l’on entend un peu trop souvent :
« Le choix a été
difficile, les dossiers étaient très semblables. »
« Ce n’est pas une
question de taille, mais de capacité à répondre aux enjeux. »
Ces formules toutes
faites cachent une vérité bien moins glamour : dans les appels d’offres,
publics ou privés, quand les notes sont à égalité, la balance penche presque
toujours du côté des plus grosses structures. Ce n’est plus un simple biais,
c’est une injustice systémique.
À compétences égales,
inégalités flagrantes
Les appels d’offres
sont censés être synonymes d’objectivité et de transparence. Sur le papier,
tout est carré : critères clairs, grille de notation, pondérations précises. En
réalité ? C’est une autre histoire. Trop souvent, les petites entreprises savent
dès la publication qu’elles n’auront guère de chance, même quand leurs
propositions sont techniquement et financièrement irréprochables.
Pourquoi ? Parce qu’on mise sur
la taille, la notoriété, l’image rassurante des grands noms, quitte à oublier
l’agilité, la réactivité et l’implication souvent bien supérieures des moins
grands acteurs.
Un réflexe de confort,
un vrai frein à l’innovation
Ce que l’on perçoit
souvent, c’est ce sentiment amer : avoir coché toutes les cases, avoir proposé
une offre solide, et pourtant se voir opposer un classique « Vous n’avez pas
démérité, mais l’autre paraît plus structuré. »
C’est là que le bât
blesse : on juge les PME sur ce qu’elles ne sont pas encore, tandis que les
grandes entreprises sont valorisées pour ce qu’elles incarnent déjà. On exige
des petites structures qu’elles démontrent deux fois plus, qu’elles anticipent
les doutes, qu’elles surcompensent leur taille. On ne leur accorde presque
jamais le bénéfice du doute.
Cette préférence tacite
pénalise tout le monde
Au-delà de l’impact
direct sur les PME, marginalisées ou exclues, ce réflexe nuit aussi aux
commanditaires. En se cantonnant aux grands noms, on ferme la porte à la
diversité, à l’agilité et à l’innovation. Le tissu économique s’appauvrit, la
concurrence se rigidifie, et on finit par tourner en rond, dans un confort peu
propice au renouvellement.
Rappelons-nous : les géants
d’aujourd’hui ont souvent été les petites entreprises d’hier. Encore fallait-il
leur en donner la chance.
Rééquilibrer la donne
ne veut pas dire baisser le niveau d’exigence
Il ne s’agit pas de
plaider pour des quotas ou un traitement de faveur, mais simplement de faire
respecter le principe fondamental : être jugé à armes égales. Que ce soit sur
la qualité de l’offre, l’intelligence de l’approche ou la pertinence de la méthode,
pas sur le nombre de filiales ou la taille du bilan.
Il est urgent de
repenser les critères d’évaluation, d’ouvrir la porte à d’autres modèles,
d’autres façons de performer. C’est une invitation à sortir de la zone de
confort et à miser sur le mérite, la diversité et la complémentarité.
L’avenir appartient à
ceux qu’on laisse entrer dans l’arène
L’équité ne doit pas
rester un concept abstrait, mais se concrétiser à chaque consultation, dans
chaque décision, sur chaque grille d’évaluation. Ouvrir la porte aux PME, c’est
offrir un écosystème plus dynamique, plus innovant, plus juste.
Les petites entreprises ne sont pas des figurantes. Elles sont des acteurs puissants qui méritent d’être entendus. Et pour que l’avenir soit réellement à ceux qui osent, il faut commencer par leur en donner la chance.


