Une étude inédite du collectif ‘SAV du recrutement’ intitulée « Partenaires particuliers, comment l’idée de justice éloigne candidats, managers et recruteurs » révèle six irritants majeurs qui polluent les relations entre candidats, recruteurs et managers.
Des conceptions de la justice spécifiques à
chacun de ces acteurs expliquent ces différences.
Mails automatiques, critères cachés, ghosting... Le recrutement irrite et génère une insatisfaction croissante chez toutes les parties prenantes du recrutement. Pour la première fois, une étude qualitative d'envergure, menée par l'EM Normandie en partenariat avec le collectif « SAV du recrutement », dévoile les causes de ces tensions.
À
travers l'analyse de près de 70 témoignages inédits, cette recherche révèle que
des conceptions de la justice différentes constituent le véritable nœud du
problème.
Une méthodologie
innovante et collaborative
Plutôt que de s'appuyer
sur des questionnaires classiques, le collectif ‘SAV du recrutement ‘ a fait le
pari de la parole libre.
Le site Internet dédié (https://savdurecrutement.com) a permis de collecter près de 70 témoignages et, surtout, une vingtaine de cas de recrutements décrits par des recruteurs, des candidats et des managers.
Les verbatims ainsi recueillis et croisés offrent un point de vue unique sur les interactions entre ces
« partenaires particuliers ».
Des vécus ambigus
Ces expériences de recrutement sont associées à des sentiments de frustration plutôt que de satisfaction chez 52% des recruteurs et chez 63% des candidats (retenus ou non).
Chez les managers, la satisfaction est supérieure à la frustration (74%
contre 26%), même si le sentiment dominant est plutôt l’inquiétude (59%).
Six irritants majeurs identifiés
• Les mails automatiques
L’utilisation massive
d’outils digitaux pour gérer les candidatures, avec des réponses automatisées,
est vécue comme une déshumanisation du processus.
• Le non-dit des critères de sélection
réels
Les critères de
sélection affichés ne sont pas toujours ceux qui sont utilisés. Ce double jeu
génère un sentiment d’injustice chez les candidats et place les recruteurs dans
une position délicate face aux attentes des managers.
• Les approximations et exagérations
Candidats et
entreprises enjolivent la réalité : les premiers, désormais aidés par l’IA,
gonflent leur parcours ; les seconds embellissent les postes. Ces torsions de
la vérité alimentent la défiance et la méfiance réciproques.
• L’oscillation entre sélection et
séduction
Les recruteurs doivent
à la fois évaluer objectivement et séduire les candidats. Cette double
contrainte rend le processus instable et source de malentendus.
• Le rôle du marché
Le marché du travail
impose ses propres règles. Les exigences salariales, la rareté des profils ou
la concurrence entre entreprises forcent souvent à des compromis
insatisfaisants et injustes.
• Le ghosting
La disparition sans
explication d’un interlocuteur – qu’il s’agisse d’un candidat, d’un recruteur
ou d’un manager – est vécue comme une trahison et cristallise un sentiment
d’irrespect.
En arrière-plan, trois
visions de la justice qui s'affrontent
Jean Pralong,
professeur en Gestion des Ressources Humaines à l'EM Normandie et auteur de
l'étude, explique :
« Nos travaux révèlent que candidats, recruteurs et managers ne partagent
pas les mêmes définitions de ce qui est juste. Les candidats oscillent entre
demande d'égalité des chances et aspiration à la reconnaissance de leur
singularité. Les managers privilégient la performance immédiate et la réduction
des incertitudes. Les recruteurs défendent l'objectivité tout en devant séduire
les candidats. »
Pour Mathieu Penet, CEO
de Yaggo :
« L'étude pointe le fossé grandissant depuis une dizaine d'années sur les
pratiques de recrutement : petit à petit, l'automatisation des processus a
uniformisé et aseptisé le recrutement. C'est finalement paradoxal, mais la
technologie doit remettre l'humain au cœur des pratiques pour réconcilier
durablement candidats et recruteurs. »
Selon Elise Moron, CEO
de Blendy :
« L’étude souligne plusieurs maux profonds : le défaut de
communication, d’authenticité, de transparence et de considération de chaque
côté - candidat, recruteur, manager. Un peu comme dans une cour de récré,
chacun pointe du doigt son voisin. Pour espérer une possible réconciliation,
c’est aux managers et recruteurs de faire le premier pas, prendre du recul,
questionner leurs pratiques et techniques afin de les adapter au marché et
attentes des candidats. Car on ne le rappellera jamais assez : Candidat n’est
pas un métier ! »
Laure Domingos, directrice conseil act4skills, ajoute : « ce que révèle cette étude, c’est que le recrutement n’est plus une affaire de process. C’est une affaire de lien. Aujourd’hui, les candidats veulent être considérés, les managers veulent être rassurés, les recruteurs veulent être reconnus.
Et tout cela ne se joue pas
uniquement dans les outils ou les KPI, mais dans la capacité à créer un espace
de confiance. Chez Act4skills, nous sommes convaincus que la solution ne
viendra pas d’une standardisation toujours plus poussée, mais d’un travail plus
profond sur l’écoute, la clarté des attentes et le respect des identités. »
Des pistes concrètes
pour réconcilier les acteurs
L'étude propose une
nouvelle grille de lecture pour auditer les pratiques et pour réconcilier
efficacité et respect des attentes de chacun. Dans un contexte d'inquiétude
généralisée où deux recrutements sur trois restent difficiles, ces
enseignements prennent une résonance particulière.
Cette recherche s'inscrit dans les travaux de la Chaire « Compétences, Employabilité et Décision RH » de l'EM Normandie, dirigée par Jean Pralong. Elle bénéficie du soutien de ses partenaires : act4skills, Blendy, Saven et Yaggo.